Intervention de Victorin Lurel

Réunion du 26 mars 2013 à 17h00
Délégation aux outre-mer

Victorin Lurel, ministre des Outre-mer :

En la matière, le ministère des Outre-mer devait porter un texte spécifique. Or, le calendrier parlementaire ne permettait pas de trouver une fenêtre pour le discuter. Je me suis donc entendu avec M. Stéphane Le Foll pour qu'un volet outre-mer soit attaché à sa loi d'avenir pour l'agriculture. Je vise deux objectifs opérationnels : adapter la gouvernance du développement économique de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt dans nos territoires ; définir des pratiques agro-écologiques adaptées à chaque territoire.

Le calendrier est difficile. Un travail interne à l'administration est engagé depuis quelque temps déjà pour identifier les grandes orientations et les sujets de nature législative qui pourraient être traités dans le titre « Outre-mer ». Je travaille avec M. Stéphane Le Foll à en définir le cadre général. J'ai également engagé une concertation locale avec les socioprofessionnels et les élus. Je suis très attentif à ce que vous faites de votre côté, et j'attends les propositions que la Délégation ne manquera pas de faire dans son rapport. La date de présentation du texte en Conseil des ministres a été repoussée à septembre et le Parlement devrait pouvoir l'examiner à la fin du second semestre ou au début du premier semestre 2014. Je n'ai pas de date plus précise.

Les réflexions en cours concernent la territorialisation de la gouvernance du développement agricole. Aujourd'hui, les régions n'ont pas beaucoup de responsabilités dans ce domaine, c'est une compétence plutôt communautaire et encore un peu nationale. On ne sollicite les régions que pour des subventions, pas pour peser sur des orientations. Il faut leur donner plus de responsabilités réelles sans pour autant faire disparaître l'État. Il y a là un équilibre à trouver, peut-être en partie dans l'acte III de la décentralisation.

Le dossier considérable de la décentralisation des fonds communautaires fait l'objet d'une réflexion. Le Président de la République, en recevant l'Association des régions de France et l'Association des départements de France, a très clairement indiqué que, dès le 1er janvier, si les régions le demandaient, elles pourraient gérer les fonds communautaires. Aucune ne l'a demandé et la seule expérimentation qui s'est déroulée en Alsace n'a pas été généralisée. À partir de l'adoption de l'acte III, deux ou trois solutions seront envisageables : le transfert, la délégation ou une sorte de cogestion avec l'État, que La Réunion expérimente un peu par le biais de l'AGIL, l'Agence de gestion des initiatives locales. Seront décentralisés le futur Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) ainsi que le POSEI, Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité, premier pilier de la PAC permettant une adaptation très fine aux problématiques locales.

En tout état de cause, il faudra conserver un rôle à l'État, ne serait-ce que de soutien, par exemple au cas où, à la suite d'erreurs, la commission interministérielle de coordination des contrôles demanderait un remboursement qui pourrait ruiner une région. Si une région demande le transfert plein et entier, elle assumera ses responsabilités. Si elle opte pour une délégation, la région aura prééminence mais l'État sera présent à travers les préfets et pourra faire entendre ses orientations sur le FEADER. Je ne parle pas de l'affectation du CASDAR, compte d'affectation spéciale pour le développement agricole et rural, qui présente un problème d'adaptation et pourrait faire l'objet d'un programme spécifique.

Pour le développement de leur agriculture, les outre-mer disposent d'outils comme l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'outre-mer (ODEADOM) et les chambres d'agriculture. L'ODEADOM gère les fonds européens. Si ces derniers étaient décentralisés, ce qui resterait à l'office reviendrait à FranceAgriMer. Quant aux chambres d'agriculture, elles sont partout en difficulté. Sans les régions, elles ne tiendraient pas, d'où la proposition, parmi d'autres, d'en faire des établissements publics régionaux. Je comprends l'émoi des socioprofessionnels s'agissant d'instances élues au suffrage universel. Ce serait un coup dur pour la démocratie de proximité. Sur cette question du statut des chambres, on pourrait peut-être s'inspirer de la pratique dans les collectivités de l'article 74. Les régions doivent aussi mettre en oeuvre un plan d'action par territoire, fondé sur le POSEI et le FEADER, et qui définisse des programmes coordonnés.

Une réflexion va être lancée sur les nouvelles pratiques culturales, tant en ce qui concerne les modalités de leur mise en oeuvre que l'identification de celles qui sont les plus adaptées à la reconquête des marchés intérieurs, ainsi que sur les moyens de mieux peser sur la demande ou de proposer une offre répondant mieux aux attentes des consommateurs. La facilitation des signes de qualité ou les groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE), dont la fonction reste à préciser, peuvent constituer des outils utiles. Un travail réel sur la qualité est le meilleur moyen pour diversifier l'offre de produits transformés, obtenir des signes de qualité reconnus et conquérir des marchés.

Le soutien et le développement de l'agriculture familiale sont une autre piste de réflexion. Elle aurait dû être la première, d'ailleurs, en raison de l'inadaptation à nos territoires du modèle transposé de développement agricole spécifique aux zones tempérées. Il faut repenser la philosophie du développement dans une perspective de territoires d'excellence biologique et agro-écologique.

Autre sujet, la réorientation du financement. Aujourd'hui, deux secteurs préemptent 81 % du financement : la banane pour 53 % et la filière « canne-sucre-rhum » pour 28 %. Autant dire qu'il ne reste pas grand-chose pour la diversification animale et végétale. La question suscite des crispations mais il est indispensable de la soulever. Ce sera aux élus de prendre leurs responsabilités pour réorienter les ressources vers un développement plus localisé, plus axé sur la conquête du marché local. C'est la raison pour laquelle le marché de la restauration collective est éminemment important pour le développement agricole.

La commercialisation directe locale est un enjeu, et elle est au coeur du texte que porte Mme Hélène Vainqueur, intitulé « Garantir la qualité de l'offre alimentaire ». Dépassant la simple problématique du sucre ou des produits surdosés en sucre, cette proposition de loi introduit deux nouveautés : à travers la date limite de consommation, elle égalise les conditions de concurrence ; en définissant un environnement juridique plus précis, elle favorise la conquête du marché local et ouvre des possibilités de développement à nos agricultures et à notre transformation agroalimentaire.

Seront également abordées l'installation des jeunes et les retraites, ces dernières constituant une question très prégnante. Les temps sont difficiles mais on ne peut pas faire l'impasse sur ce dossier et sur les efforts que chacun doit être prêt à consentir.

En matière de foncier, la remise à niveau des terres agricoles insuffisamment exploitées est un serpent de mer qu'il faut reprendre. Citons aussi les différents problèmes connexes : la définition d'un périmètre agricole sur les terres de l'État, les conditions de l'aménagement foncier sur les terres inexploitées aux fins d'exploitation et le code du domaine public en Guyane ; la révision de certains articles du code général de la propriété publique ; l'agriculture sur abattis ; les procédures de défrichement ; la révision du statut départemental ou domanial aux Antilles comme à La Réunion ; les problèmes de nue-propriété et de droit d'usage sur les anciens domaines de la colonie passés sous statut en 1948.

Je terminerai ce panorama avec l'industrie agroalimentaire, pour laquelle nous prévoyons d'organiser des assises. Sur ce dossier, vous pourriez m'aider à enrichir le texte.

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