Notre Délégation a ceci d'intéressant qu'elle nous permet de nous impliquer dans les textes très en amont grâce à la production de rapports. La politique agricole est un sujet central et je regrette, même si je me range à vos arguments, monsieur le ministre, qu'un texte spécifique ne traite pas celle de l'ensemble des régions ultramarines. Malgré votre bonne volonté et votre détermination, il faut s'attendre à ce que le volet outre-mer du texte de M. Le Foll subisse un effet de rétrécissement lié à la discussion législative.
Vous avez posé une série de problèmes que je ne conteste pas, excepté pour ce qui relève des fonds européens : la Martinique a demandé la gestion directe de ces fonds, de même, me semble-t-il, que la Guyane. Dans notre lettre au préfet, nous avons demandé l'ensemble des fonds transférables. Au regard de la gouvernance et du pilotage des politiques agricoles locales, c'est un élément central pour éviter que, dans le patchwork des responsabilités, la politique agricole du département de la Martinique perde toute cohérence, diluée entre la direction départementale de l'agriculture (DDA) pour les aspects scientifiques et techniques, la chambre d'agriculture pour certaines orientations, la région pour les financements, parfois le département pour le foncier, et j'en passe. D'autant que, avec l'acte III de la décentralisation et l'évolution vers la compétence de la collectivité unique en matière de politique agricole, un pas extrêmement important va être franchi. C'est pourquoi le risque de voir cette question noyée dans le débat national, subissant, en quelque sorte, un traitement « d'assimilation législative », me paraît difficilement acceptable.
Je suis très satisfait de l'amendement concernant l'accès à la restauration collective. La loi d'avenir pour l'agriculture nous permettra d'aller beaucoup plus loin par un ajout au code des marchés qui me semble très utile. De même que pour l'accès à la restauration collective, les aides publiques, à l'hôtellerie par exemple, sont soumises, et doivent continuer à être soumises, à conditions. Nous signons également, avec les centres commerciaux, des conventions qui garantissent l'accès des productions locales.
Nous avons un vrai problème de structuration des interprofessions en filières à l'image de celle de la banane, qui est organisée du pied de bananier jusqu'à Rungis. Sans être pro-banane, je salue cette réussite, même si elle est entachée du problème des pesticides et du chlordécone. Pour ne pas être dépendants d'un seul produit, il me semble utile de réfléchir à des filières d'excellence labellisables, qu'elles soient nouvelles ou à relancer. Le café martiniquais, par exemple, pourrait fort bien concurrencer le café d'excellence de La Réunion, très cher et fort prisé des Japonais. Mais on peut également penser au cacao, au manioc, à la vanille.
Toujours dans une logique de filière, l'agro-transformation doit être soutenue, à travers notamment la possibilité d'importer des intrants de pays tiers non européens, et l'exportation doit être accompagnée. Il faut trouver le moyen de protéger a minima la production locale, notamment de diversification agricole, car la banane accapare toutes les compensations européennes. Je serais d'avis de copier le modèle de la banane, qui sort d'un espace européen pour rentrer dans un autre espace européen sous un régime de quota. La clause de sauvegarde de la Communauté européenne, appliquée de manière exceptionnelle, permettrait, pendant une durée comprise entre trois et six ans, d'assurer l'éclosion d'une production de base. C'est peut-être une forme de protectionnisme mais comment faire autrement ? Puisque nous avons retrouvé notre Hugo Chávez à nous, osons naître pour être concurrentiels ! Créez des incubateurs économiques en Guadeloupe et en Martinique, monsieur le ministre, et vous verrez comme l'agriculture va décoller !