Intervention de Alistair Burt

Réunion du 27 mars 2013 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Alistair Burt :

Je vous remercie de m'avoir invité à prendre la parole devant votre Commission. Je suis très heureux de participer une nouvelle fois aux travaux d'une Assemblée où je compte bien des amis. Vous avez devant vous un Européen convaincu, membre de l'aile pro-européenne du parti conservateur – oui, il en existe bien une ! Je m'honore d'être un proche de plusieurs de ces hommes politiques britanniques qui, tels Ken Clarke et David Hunt, ont contribué de manière significative à la construction de l'Union. Soyez sûrs que lorsque viendra le temps du référendum, nous serons de ceux qui expliqueront toute l'importance de l'Union européenne pour le Royaume-Uni.

Vous m'avez demandé de vous entretenir de la situation dans deux des pays à la situation compliquée dont le Premier ministre a garni mon portefeuille ministériel – des pays si nombreux que certains se demandent si M. Cameron me veut vraiment du bien… Je commencerai par la Syrie, dont la situation politique s'est modifiée à la suite des printemps arabes, avant d'en venir au Moyen-Orient où un conflit ancien appelle d'urgence une solution car une crise grave menace.

Je vous remercie pour vos aimables propos à notre endroit au sujet du Mali. Nous avons admiré la qualité et le professionnalisme de vos troupes, et les résultats qu'elles ont obtenus. Nous avons été heureux de vous apporter notre appui, un soutien à la mesure de notre détermination à monter un front commun face à des menaces qui nous concernent tous. Vous avez rappelé la similitude des points de vue de la France et du Royaume-Uni sur la Syrie. Comme vous, nous avons, au cours des deux années écoulées, observé avec une inquiétude grandissante l'évolution de la situation en Syrie à mesure que les tentatives de sortie de crise échouaient. Cet échec, qui est aussi celui de la communauté internationale, incite à une réflexion sur le fonctionnement du Conseil de sécurité des Nations-Unies, incapable de trouver un consensus quand des différences de points de vue, parfois difficilement compréhensibles, s'expriment en son sein. Pendant ce temps, sur place, les choses ne cessaient de s'aggraver : 75 000 morts ont été dénombrés et l'ONU estime à 3,5 millions le nombre de réfugiés, et entre 5 et 6 millions celui des personnes déplacées. La moitié de la population du pays est donc affectée par le conflit. L'urgence est avérée.

Nous estimons que, sur le terrain, le régime perd de son emprise. Il existe désormais des zones dont il n'a plus le contrôle et dans lesquelles le pouvoir central a été remplacé par une administration locale, exercée soit par les membres des collectivités territoriales soit par ceux qui ont pris place en ces lieux. Cela étant, le régime de Bachar Al Assad est plus résistant que ne le fut le régime libyen, et il peut compter sur la loyauté de ses troupes. Farouchement décidé à se maintenir, il cherche avant tout à préserver sa propre existence et demeure donc un fort obstacle au changement.

Les combats sont une suite d'avancées et de reculs. Les opposants au régime ne constituent pas une force militaire professionnelle traditionnelle. Ce sont dans leur très grande majorité des volontaires qui apprennent en marchant ; mais les protestataires initiaux ont été rejoints par des individus aux motivations différentes qui, en raison de la formation qu'ils ont reçue, se battent plus efficacement. Cette conjonction représente un nouveau défi pour nous. Nous ne pouvons manquer de nous interroger : que se passera-t-il quand les combats cesseront ? Quelle orientation prendra la Syrie ? Cette évolution doit-elle nous inciter à réviser la politique que nous voulions suivre et nous faire reconsidérer l'éventualité d'un engagement plus prononcé ?

Le Président François Hollande et notre Premier ministre jugent tous deux qu'il faut faire peser une plus forte pression sur Bachar Al Assad et lui signifier clairement qu'ayant modifié une fois la nature de l'embargo sur les armes, nous pourrions le faire à nouveau. Cette approche nous permettrait de soutenir la coalition nationale de l'opposition, dont nous aimerions voir la légitimité renforcée plutôt que celle des djihadistes présents sur le terrain. Je pense que c'est l'orientation que nous suivrons au cours des mois à venir car les choses ne peuvent continuer de la sorte. Nous devons faire davantage pour soutenir l'opposition légitime et, pour cela, nous délier les mains. Nous pouvons décider de ne pas fournir d'armes létales aux combattants – à ce jour, le Royaume-Uni n'a pas pris de décision à ce sujet - mais nous devons pouvoir dire au régime syrien et à ceux qui le soutiennent, la Russie principalement, que ce qui se passe ne peut plus durer.

Pour être honnête, avoir affaire à une opposition moins chaotique simplifierait les choses. Nous avons tous passé énormément de temps, au cours des deux années écoulées, à tenter de convaincre l'opposition syrienne de se rassembler et de s'organiser. Outre qu'il est source de frustrations, l'échec à ce sujet a eu des conséquences dommageables. Ni les chrétiens ni les Kurdes de Syrie ne savent encore quelle serait l'attitude de la coalition à leur égard une fois qu'elle serait au pouvoir. Nous incitons la coalition à se prononcer clairement à ce sujet mais nous avons souvent le sentiment que chaque pas en avant est suivi d'un recul équivalent : à chaque réunion des Amis de la Syrie, la coalition dit ce que l'on attend d'elle puis, quelques jours plus tard, un événement se produit qui montre que ce n'est pas si simple.

Ainsi, M. Moaz Al Khatib est un dirigeant crédible que nous soutenions tous. L'annonce de sa démission, la semaine dernière, nous a tous pris par surprise – mais le président démissionnaire de la coalition nationale syrienne a pourtant participé à la réunion de Doha hier, dans ce que l'on peut interpréter comme une démonstration d'unité avec le nouveau premier ministre du gouvernement transitoire. Comme vous, nous pensons l'opposition syrienne chaotique, mais ce sont nos interlocuteurs et nous devons continuer de travailler avec eux. Ils ont un message à faire passer à la population syrienne et nous devons leur donner davantage de moyens pour qu'ils y parviennent. Nous avons l'habitude de forces politiques organisées, dotées de ressources et d'autorité. En Syrie, il n'y a rien de tout cela : l'opposition est désorganisée et elle n'a pas de moyens de communication. S'attendre à ce que des gens qui luttent pour leur vie réagissent comme le ferait un parti politique d'opposition traditionnel, c'est beaucoup leur demander. Notre rôle doit donc être de leur donner les moyens de devenir une opposition plus efficace.

J'en viens au Proche-Orient, où l'on aperçoit, me semble-t-il, une lueur d'espoir moins vacillante que ce à quoi l'on aurait pu s'attendre. Comme vous, nous nous interrogions depuis longtemps sur les points de vue respectifs de la Maison-Blanche et du Département d'État sur la colonisation. Dans un premier temps, le Président Obama a fait de l'arrêt de la colonisation l'élément clef de la négociation, maisquand cet essai a échoué, il n'y avait plus rien à négocier. En revanche, avoir nommé M. John Kerry au Secrétariat d'État est une bonne idée ; outre qu'il connaît parfaitement la région, il est très impliqué, à titre personnel, dans le processus de paix. Il restait à connaître le degré de soutien qu'il peut attendre de la Maison-Blanche : est-elle disposée à faire davantage que de fournir le stylo qui servira à signer un éventuel accord ? À cette question, je pense que nous avons eu la réponse la semaine dernière, et qu'elle est positive.

J'ai été impressionné par le discours que le Président des États-Unis a tenu à la jeunesse israélienne. Il était formulé de telle manière que l'on ne pouvait douter de l'engagement américain en faveur de la sécurité d'Israël mais, en même temps, le Président Obama, rappelant la solution des deux États coexistant dans la paix et la sécurité, a souligné l'urgence de voir les négociations aboutir. Il a mis l'accent sur le péril actuel en insistant sur le fait que, étant donné l'ampleur des tensions sur la rive gauche du Jourdain, un problème majeur de sécurité se produira tôt ou tard. La nouveauté, c'est qu'un président américain a abordé la question sous l'angle de la justice, en demandant aux jeunes Israéliens de se mettre dans la peau des jeunes Palestiniens habitants d'un territoire occupé par une armée étrangère, soumis à des arrestations et spectateurs de démolitions arbitraires. Vous comme nous avons souvent tenu ce langage, publiquement et en privé, à nos amis israéliens, et nous sommes tous fermement opposés à la colonisation. Mais les choses prennent un tout autre tour quand elles sont dites par le président des Etats-Unis qui, tout en soulignant de la manière la plus forte son engagement en faveur de la sécurité d'Israël, met le pays en garde contre le risque qu'il court s'il ne change pas d'attitude, une attitude néfaste non tant pour des considérations stratégiques que parce qu'elle est injuste. Ce changement de perspective est d'une grande importance.

Ensuite, le Président Obama n'a pas pris d'initiative : il a passé la main au Secrétaire d'État, laissant à M. Kerry la liberté d'avancer lentement, prudemment et discrètement, ce qui est une bonne chose dans le contexte. Nous verrons comment MM. Laurent Fabius, William Hague et leurs homologues européens pourront soutenir les progrès vers accord de coexistence de deux États ; chacun le sait, diverses incitations sont possibles, et aussi différentes sanctions, et nous avons un rôle à jouer dans ce scénario.

Vous avez souligné à juste titre, madame la présidente, qu'il convient de restaurer une confiance très durement ébranlée - si durement que, selon moi, les parties doivent décider de prendre un risque chacune en même temps, de manière à se trouver dépendantes l'une de l'autre et non plus de ceux qui, dans leur camp respectif, feront tout pour empêcher la progression du processus de paix.

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