Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du 19 mars 2013 à 16h45
Commission de la défense nationale et des forces armées

Jean-Yves le Drian, ministre de la défense :

Un nouvel événement douloureux s'est produit depuis la semaine dernière, illustrant la dure réalité des combats : un cinquième soldat français, le caporal Alexandre Van Dooren, du premier régiment d'infanterie de marine d'Angoulême, est mort au combat. Nous lui rendrons hommage samedi prochain. Lors de cet événement, trois soldats ont été blessés, dont l'un a subi de très graves brûlures : leur pronostic vital n'étant pas engagé, ils ont été rapatriés. Nous pouvons vraiment saluer l'abnégation et l'exemplarité de nos soldats.

La libération du territoire malien progresse de jour en jour : Ti-n-Zaouatène, zone située à proximité de l'Algérie où nous avions engagé une reconnaissance, a été libérée la semaine dernière. Très peu habitée et extrêmement désertique, la partie la plus à l'ouest du pays, au-delà de Timétrine, fera l'objet d'opérations de reconnaissance dans les jours qui viennent. Après avoir libéré la vallée d'Ametettaï au terme de vifs combats, nous poursuivons la reconnaissance offensive de l'ensemble des vallées de la région de l'Adrar des Ifoghas, en coordination avec les forces tchadiennes.

Au fur et à mesure de nos avancées, nous continuons à neutraliser des djihadistes et à identifier des caches d'armes et de munitions. Les opérations se déroulent et selon le calendrier que je vous avais indiqué la semaine dernière, mais dans des conditions pénibles. Nos troupes viennent par exemple à peine d'être équipées de douches à Tessalit. Et même si nous sommes en train d'achever la libération de l'ensemble de la zone, des terroristes demeurent encore dans la région : il nous faut donc exploiter nos succès et aller jusqu'au bout de l'opération. Chaque lieu est ainsi exploré par nos militaires.

Nous poursuivons également nos opérations dans la région de Gao – fief du Mujao, le Mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'Ouest. Ancré localement et infiltré dans la population, celui-ci y a installé des bases logistiques. Une vaste opération nous a permis de découvrir des munitions, des armes et des dépôts logistiques supplémentaires à l'est de Gao, près de Djebock. C'est à partir de ce pôle important que nous menons les actions les plus fortes. La ville de Gao a fait l'objet d'une attaque terroriste : était notamment visé l'aéroport où nous sommes basés. La situation est donc loin d'être calme, même si nous poursuivons systématiquement nos repérages et nos interventions.

Enfin, signalons une évolution notable de la situation militaire : dans l'ouest du pays, troisième lieu d'intervention, la mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA) et les forces maliennes mènent une opération autonome de fouille de la forêt de Ouagadou, afin de s'assurer qu'elle ne sert plus de refuge aux djihadistes, comme ce fut le cas au début de notre intervention. Cette opération s'effectue sans les forces françaises qui n'y apportent qu'un soutien médical et au renseignement.

Au cours de la semaine, une directive de coordination opérationnelle a été signée entre le général de Saint-Quentin, qui commande l'opération Serval, le général nigérian Abdulkadir, qui dirige la MISMA, et le Général Dembélé, chef d'état-major malien, afin de mieux articuler l'action de chacune des composantes militaires à l'oeuvre sur le territoire malien. Une telle directive était souhaitable et constitue une réelle avancée, même si ces généraux se rencontraient déjà auparavant à Bamako.

Sur le plan international, la MISMA comporte 6 300 soldats – cela n'a pas évolué depuis la semaine dernière. Nous espérons que les forces burkinabées de cette mission parviendront à Tombouctou, et les forces nigériennes, à Ménaka, d'ici la fin de ce mois. Ces mouvements permettront d'étendre la zone de déploiement des forces africaines et de la MISMA de façon significative, et donc à la France de se concentrer sur les opérations que nous menons dans l'Adrar des Ifoghas et dans la zone de Gao.

La transformation de la MISMA en MINUMA, la mission des Nations unies au Mali, nécessite l'adoption d'une délibération du Conseil de sécurité des Nations Unies. Ayant contribué à la préparation du rapport qui sera soumis à l'ONU, nous espérons qu'une nouvelle résolution pourrait être votée d'ici la fin avril. Le déploiement de la MINUMA interviendra trois mois après cette délibération.

Quant à la formation EUTM-Mali – European Union training mission –, elle devrait démarrer juste après Pâques. Nous assurons la protection des instructeurs sur le lieu de formation, à Koulikouro, mais nous espérons que d'autres participants européens pourront nous relayer lors de la relève de juillet, comme c'est déjà le cas des Tchèques – présents à Bamako – et comme nous l'ont confirmé les Belges et les Espagnols. Cette formation profitera d'abord à l'infanterie, dans dix jours, puis à un bataillon de nouvelles recrues de l'armée malienne, issu de sa restructuration en profondeur par le Général Dembélé.

Si l'ensemble de ces opérations militaires se déroule ainsi selon le calendrier prévu, je suis en revanche préoccupé par la lenteur du règlement politique du conflit. Lors de mon déplacement à Bamako, le Président de la République et le Premier ministre maliens m'avaient indiqué que le processus de réconciliation allait commencer et que la Commission de dialogue et de réconciliation, créée l'avant-veille de mon arrivée sans que ses membres aient été désignés, allait se réunir dans les dix jours. Cela n'est toujours pas le cas. Ce processus est pourtant indispensable : plus il tarde à se mettre en place, plus les acteurs concernés remettent sa crédibilité en question, estimant que l'on en reviendra à la situation antérieure au conflit.

Laurent Fabius et moi-même avons également fait part au Président Traoré de la nécessité que les autorités administratives de l'État malien reviennent immédiatement dans les territoires libérés. Or, le gouverneur de Gao, venu accompagner nos forces au moment de la libération de la ville, est, comme je vous l'indiquais la semaine dernière, reparti dès le lendemain à Bamako. Les services de base – santé, école, eau, électricité – continuent d'être assurés par la Croix-Rouge internationale et les organisations non gouvernementales. Si l'on annonce aujourd'hui le retour prochain des gouverneurs de Gao et de Tombouctou, le nouveau processus diplomatique qui est en train de s'enclencher aux Nations unies devrait favoriser la mise en oeuvre du processus de réconciliation, le retour des autorités maliennes et le redémarrage de ces services dans les zones les plus sensibles.

L'élection présidentielle, maintenue en juillet, est indispensable pour doter le pouvoir d'une autorité dont il a besoin pour agir. Nous devons tous contribuer à ce processus de réconciliation, sans quoi la transition politique sera difficile au Mali, alors qu'elle doit nécessairement accompagner la transition militaire. Le soutien des forces françaises n'est pas éternel et le Mali doit désormais se prendre en main.

Enfin, sept cents personnes représentant les collectivités territoriales françaises concernées par le futur développement du Mali se réunissent aujourd'hui à Lyon. J'imagine que les questions soulevées ici le seront également dans cette enceinte.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion