Intervention de Christophe Sirugue

Séance en hémicycle du 10 avril 2013 à 15h00
Prorogation du régime social du bonus exceptionnel outre-mer — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Sirugue, président :

La parole est à Mme Gabrielle Louis-Carabin, rapporteure de la commission des affaires sociales.

Mme Gabrielle Louis-Carabin, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, suite à la grave crise sociale et aux manifestations contre la vie chère qui ont ébranlé les quatre départements d'outre-mer en 2009, des accords régionaux interprofessionnels ont été conclus le 26 février en Guadeloupe, le 11 mars en Martinique, le 25 mai à La Réunion et le 19 novembre en Guyane.

Ces accords ont notamment institué une « prime exceptionnelle de vie chère » appelée « BINO » aux Antilles, « COSPAR » à La Réunion. Elle est d'un montant mensuel de 200 euros.

À l'origine, elle était financée pour moitié, soit 100 euros, par l'État au travers du revenu de solidarité temporaire d'activité ; pour un quart par les conseils régionaux et généraux, soit 25 euros pour chacune de ces collectivités ; le dernier quart, soit 50 euros, restait à la charge des employeurs.

L'article 3 de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, dite LODEOM, a transposé et consacré le dispositif mis en place par les accords interprofessionnels.

En effet, il dispose qu'un accord régional ou territorial interprofessionnel peut autoriser les entreprises, quelle que soit leur taille, à verser un bonus exceptionnel d'un montant maximal de 1 500 euros par salarié et par an.

Le montant de ce bonus peut être modulé selon les salariés, sous réserve de deux conditions : la modulation doit être prévue par l'accord régional ou territorial interprofessionnel ; elle ne peut s'effectuer qu'en fonction de critères limitativement énumérés, à savoir la taille de l'entreprise, le secteur d'activité, le niveau de salaire, la qualification et l'ancienneté.

Enfin, l'article 3 de la LODEOM prévoit que le bonus est exclu de l'assiette de toutes les cotisations ou contributions d'origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la loi, à l'exception de la CSG, la contribution sociale généralisée, de la CRDS, la contribution au remboursement de la dette sociale, et du forfait social. En revanche, il ne bénéficie pas d'exonération fiscale au titre de l'impôt sur le revenu.

Mais si le bonus est en lui-même pérenne, la durée de l'exonération de cotisations sociales était initialement limitée à trois ans. En outre, l'article 25 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 a exclu la compensation par l'État de la perte de recettes résultant, pour les régimes de sécurité sociale, de cette exonération. Les montants en cause ont été de 26 millions d'euros en 2011 et de 19 millions d'euros en 2012 et 2013. Depuis sa création en 2009, le dispositif du bonus exceptionnel a peu évolué.

Alors que l'exonération de cotisations sociales devait arriver à échéance courant 2012, sa durée a été prolongée d'une année par l'article 60 de la loi de finances pour 2012. En outre, l'article 95 de la loi de finances rectificative pour 2011 a fait en sorte que le bénéfice de l'exonération de cotisations sociales soit prolongé dans le cas où l'accord régional interprofessionnel était arrivé à échéance, mais où le bonus était versé par les employeurs en application d'un accord régional de branche ou d'un accord d'entreprise.

Cependant, malgré cette prorogation, le dispositif d'exonération est amené à s'éteindre courant 2013, en mars dans les Antilles, en mai à La Réunion et en décembre en Guyane.

Compte tenu de la situation économique et sociale des outre-mer, qui reste tendue, cette extinction brutale porterait gravement atteinte à nos départements. Car chers collègues, ce dispositif concerne 51 600 salariés de 8 500 entreprises en Guadeloupe, 24 400 salariés de 4 900 entreprises en Guyane et 94 400 salariés de 9 400 entreprises à La Réunion.

Dans mon rapport, je rappelle quelques chiffres que nous devons avoir présents à l'esprit. Au deuxième trimestre 2012, le taux de chômage s'élevait à 22,9 % en Guadeloupe, 22,3 % en Guyane, 21 % en Martinique et 28,5 % à La Réunion, contre 9,7 % pour l'Hexagone.

En 2010, le produit intérieur brut par habitant pour l'ensemble des départements d'outre-mer ne s'élevait qu'à 18 324 euros, contre 30 135 euros pour l'Hexagone. En 2009, la part des revenus inférieurs à 9 400 euros par an – de 24,2 % dans l'Hexagone – atteignait 47 % à la Martinique, 50,5 % à La Réunion, 51,8 % en Guadeloupe et 53 % en Guyane. La proportion de salariés du secteur privé couverts par une convention collective est inférieure à 60 % en outre-mer – pour l'ensemble de la France, elle est de 85 % –, ce qui explique que la proportion de salariés rémunérés à moins de 1,2 SMIC y est supérieure à 20 %, contre 15 % dans l'ensemble du pays.

Certes, la nouvelle majorité issue des élections présidentielles et législatives a déjà adopté des mesures importantes. Certaines bénéficient à tout le territoire de la République : c'est le cas des emplois d'avenir, des contrats de génération et du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi. D'autres sont spécifiques aux outre-mer, en particulier la loi sur la régulation économique outre-mer, que nous avons adoptée à votre initiative, monsieur le ministre, en novembre dernier.

Toutefois, les effets de ces lois ne peuvent être immédiats, de telle sorte qu'une ultime prolongation de l'exonération du bonus exceptionnel s'avère indispensable.

C'est pourquoi le Premier ministre, à l'occasion de la conférence économique et sociale sur les outre-mer, le 10 décembre dernier, a effectué deux annonces. D'une part, il a indiqué que le RSTA s'appliquerait jusqu'à la fin du premier semestre 2013. D'autre part, il s'est engagé à ce que le dispositif d'exonération du bonus exceptionnel soit prolongé jusqu'au 31 décembre de cette année.

Cet engagement a été honoré sans délai, puisque, dès le mois de janvier, lors de l'examen par le Sénat du projet de loi portant création du contrat de génération, le Gouvernement a déposé un amendement en ce sens, qui est devenu l'article 9 de cette loi. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 28 février dernier, a toutefois censuré cette disposition, considérant qu'elle était dépourvue de lien avec l'objet de la loi. Bien entendu, il ne s'est prononcé ni sur l'opportunité ni même sur le fond de cette mesure.

Il était donc urgent qu'une initiative permette au Parlement de la rétablir. Cette initiative est venue des sénateurs Paul Vergès et Michel Vergoz, qui ont déposé deux propositions de loi identiques au mois de mars 2013, pour lesquelles le Gouvernement a demandé l'application de la procédure accélérée.

Adopté mardi 2 avril dernier en séance publique au Sénat, le texte nous parvient donc très rapidement. Notre commission des affaires sociales s'est réunie deux jours seulement après son adoption au Sénat, et nous l'avons adopté sans modification. J'espère qu'il en sera de même aujourd'hui.

Le dispositif comprend deux mesures : d'une part, la prorogation jusqu'au 31 décembre 2013 de l'exonération de cotisations sociales attachée au bonus exceptionnel ; d'autre part, la compensation de cette exonération par le budget de l'État.

Compte tenu de l'échéance initialement prévue pour ce dispositif dans les différents départements concernés, le coût de cette prolongation est évalué à 12 millions d'euros. Il sera pris en charge par la mission « Outre-mer ».

Je vous invite, chers collègues, à adopter sans modification cette proposition de loi, car elle assure dans de bonnes conditions, l'articulation entre la fin d'un dispositif – celui du bonus exceptionnel – et la montée en puissance de la loi de régulation économique outre-mer, dont la vocation première est de préserver le pouvoir d'achat de nos compatriotes.

Pour finir, je tiens à remercier la présidente de notre commission, Mme Catherine Lemorton, et tous mes collègues présents. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et RRDP.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion