Intervention de Monique Orphé

Séance en hémicycle du 10 avril 2013 à 15h00
Prorogation du régime social du bonus exceptionnel outre-mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMonique Orphé :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, le texte examiné cet après-midi concrétise une des annonces faites par le Premier ministre lors des ateliers de restitution de la Conférence économique et sociale sur les outre-mer qui se sont tenus le 10 décembre dernier. Une annonce accueillie, il faut le dire, avec satisfaction et soulagement chez les bénéficiaires des dispositifs RSTA et COSPAR.

Vous l'avez rappelé, ces bonus ont été mis en place en 2009 dans les territoires ultramarins à la suite de mouvements sociaux d'ampleur : des manifestations qui ont traduit un malaise social lié entre autres au coût de la vie et à la faiblesse des revenus. Il faut rappeler que le revenu moyen des ménages domiens est en effet de 38 % inférieur à celui des ménages hexagonaux, quand les prix alimentaires sont supérieurs de 30 à 50 % : deux inégalités, parmi beaucoup d'autres, qui minent nos territoires et sont de plus en plus mal supportées par la population.

Ces inégalités se sont aggravées aujourd'hui dans un contexte de crise sociale et économique mondiale qui touche de plein fouet nos territoires. Les troubles survenus à La Réunion depuis le début de l'année nous l'ont rappelé. L'urgence est devenue permanente.

Une urgence à l'égard de notre jeunesse, en plein désarroi, touchée par le chômage : un taux de 60 %, c'est insoutenable. Le Gouvernement a déjà montré sa volonté d'agir en mettant en place de nombreux dispositifs : 5 000 emplois d'avenir et les contrats de génération. J'insiste à nouveau dans cet hémicycle pour demander une solidarité pleine et entière avec notre jeunesse.

Une urgence, ensuite, à l'égard de nos entreprises, qui tirent la sonnette d'alarme. Nous connaissons tous, là encore, les spécificités de nos entreprises réunionnaises : 90 % sont de moyenne et petite, voire de très petite taille. Et ce sont elles qui sont les plus touchées par la crise. Ce ne sont certes pas les grands plans sociaux que nous connaissons ici, dans l'Hexagone, mais une à une, en silence, elles ferment leurs portes, détruisant encore un peu plus le tissu économique et social.

En 2011, 2 400 entreprises ont été radiées du registre du commerce. Selon la Caisse générale de sécurité sociale, près de 8 000 entreprises réunionnaises doivent 1,2 milliard d'euros à divers organismes fiscaux et sociaux. Elles devraient profiter d'un accompagnement par la Banque publique d'investissement et, là encore, elles attendent la déclinaison du pacte compétitivité emploi dévoilé par le Gouvernement. Ces mesures doivent se concrétiser rapidement dans nos territoires, si nous voulons stopper l'hémorragie des fermetures d'entreprises.

Une urgence sociale, enfin, à l'égard de la moitié de notre population qui vit avec moins de 800 euros par mois et qui doit faire face au coût de la vie.

C'est ce contexte qui justifie la volonté de ce gouvernement de prolonger ce bonus jusqu'à la fin 2013. Ce bonus représente en effet une bouffée d'oxygène pour les 165 000 salariés d'outre-mer qui en bénéficient. À La Réunion, cela concerne trois salariés sur quatre. Ce bonus contribue aussi à soutenir nos économies locales. À La Réunion, cela représente, d'après une source syndicale, près de 100 millions d'euros injectés chaque année dans l'économie.

Arrêter brutalement ce dispositif aujourd'hui, alors qu'il n'y a aucune amélioration du côté de l'emploi ou de la croissance, aggraverait encore davantage les tensions sociales.

Bien sûr, nous sommes conscients que le proroger indéfiniment n'est pas satisfaisant non plus et ne règle rien à long terme. On ne résout pas les problèmes de l'emploi et de la croissance en ajoutant de manière superficielle des primes aux revenus.

Pour assurer la transition, le Gouvernement a donc ouvert plusieurs chantiers, dont le crédit d'impôt compétitivité emploi, que j'ai déjà cité, mais aussi celui sur la vie chère et la lutte contre les monopoles.

Certaines initiatives ont déjà porté leurs fruits, puisque les accords boucliers qualité-prix signés en mars ont permis des baisses de l'ordre de 10 à 15 % des prix outre-mer. À La Réunion, les quelques données disponibles montrent que les ventes sur les produits ciblés ont progressé d'au moins 50 %, encourageant ainsi la production locale.

Mais il faut, sur ce sujet du coût de la vie, aller plus loin. Il faut agir sur ce qui impacte fortement les revenus des ménages : le coût du logement social, qui devient de moins en moins accessible aux ménages les plus modestes et les plus pauvres, le coût de l'énergie, de la téléphonie... Les négociations en cours sur le prix du carburant aboutiront, je l'espère, à diminuer les coûts de manière globale.

Ces efforts doivent être associés à une réflexion plus générale sur le niveau des revenus à La Réunion. L'INSEE fait apparaître que la proportion de salariés du secteur privé couverts par une convention collective est inférieure à 60 % en outre-mer, contre 80 % pour l'ensemble de la France.

Il faut aussi réfléchir à des solutions plus pérennes pour relancer l'activité économique dans nos territoires et soutenir l'emploi. Les pistes sont connues. Au cours de ce mois, notre collègue Serge Letchimy devrait rendre son rapport sur les échanges commerciaux entre le marché intérieur des collectivités d'outre-mer et ceux des États voisins. Nous aurons, je l'espère, des propositions concrètes pour faciliter au sein des grandes régions du monde, Caraïbes, Pacifique, océan Indien, Océanie, des échanges directs avec nos territoires d'outre-mer.

Plus généralement, nous devons trouver des pistes, et le courage de refonder notre modèle économique en promouvant des filières économiques nouvelles, écologiques et non délocalisables.

Il est difficile de prévoir les effets liés à la fin du dispositif COSPAR en décembre 2013 et de savoir si les mesures prises par le Gouvernement suffiront à pallier ceux-ci. Néanmoins, ce qui est sûr, c'est que nous devons poursuivre nos engagements envers l'outre-mer afin de relancer de manière durable et efficace l'activité économique dans nos territoires, garantissant ainsi un retour à l'emploi et une plus grande cohésion sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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