Intervention de Bernard Lesterlin

Séance en hémicycle du 10 avril 2013 à 15h00
Prorogation du régime social du bonus exceptionnel outre-mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Lesterlin :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, ceci est une « session de rattrapage ». Espérons qu'il ne faudra pas déposer un projet ou une proposition de loi chaque fois qu'un amendement gouvernemental intégré dans un texte et considéré comme indispensable sera jugé hors sujet par le Conseil constitutionnel. Il est vrai qu'on aurait peut-être pu inscrire cette mesure dans le budget de la mission outre-mer au sein de la loi de finances pour 2013 plutôt que d'utiliser un véhicule législatif hasardeux. Tâchons d'en tirer les leçons.

L'essentiel est toutefois que la prorogation jusqu'à la fin de l'année 2013 du régime social du bonus exceptionnel outre-mer soit bien votée, et qu'elle le soit rapidement. À cet égard, mes chers collègues, je vous invite à suivre la sagesse de Mme la rapporteure en procédant à une lecture conforme et, bien sûr, unanime du texte adopté par le Sénat puis par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale.

Il s'agit aussi d'un engagement du Premier ministre, qui est venu l'annoncer en personne devant nous le 10 décembre dernier lors de la restitution de la conférence économique et sociale des outre-mer. Le contexte est cependant resté difficile dans les outre-mer après les mouvements sociaux qui se sont exprimés en 2009 et poursuivis en 2010 à La Réunion, à l'automne 2011 à Mayotte puis de nouveau au début de l'année 2012 à La Réunion et aux Antilles.

Quel était le premier facteur déclenchant de ces mouvements ? La vie chère. Oui, mesdames, messieurs les députés, nous ne pouvons pas rester sourds au fait que dans les outre-mer, où vivent 2,5 millions de nos compatriotes, les prix à la consommation soient prohibitifs alors que le PIB par habitant dépasse difficilement la moitié de celui de l'hexagone et que le taux de chômage global oscille entre le double et le triple du taux métropolitain.

En outre, cela ne doit pas nous faire oublier que le taux de chômage des jeunes atteint souvent 60 % dans plusieurs de nos collectivités ultramarines ; nous pouvons qualifier une telle situation de véritable bombe à retardement.

Faible niveau des revenus, infériorité de la production intérieure, forte supériorité du taux de chômage : tous ces indicateurs ont un impact direct sur le pouvoir d'achat de nos compatriotes d'outre-mer. Ajoutons que les bas revenus touchent une part beaucoup plus importante de la population dans les outre-mer que dans l'hexagone : les revenus inférieurs à 9 400 euros concernent entre 47 % et 53 % de la population active outre-mer, contre 24 % de la population active en métropole.

Cela ne veut pas dire que la vie est plus facile ici. Je serais moins légitime que mes collègues représentants les collectivités ultramarines et que Mme la rapporteure pour dire la difficulté de la vie des couches populaires dans la Caraïbe, l'océan Indien ou le Pacifique. En revanche, en tant que député du territoire de l'Allier, situé au centre géographique de l'hexagone, et représentant à ce titre, comme chacun d'entre nous, la République tout entière, je suis légitime pour affirmer que l'objectif d'égalité dans la République doit être le même pour tous.

Certes, le chemin pour y parvenir est plus ou moins long selon les territoires. La longue marche pour l'égalité sociale a commencé depuis plus longtemps aux Antilles ou à La Réunion qu'à Mayotte, par exemple. Mais quel que soit le statut institutionnel des territoires, l'objectif doit rester le même : l'égalité des citoyens dans la diversité de notre République. Et si parfois il faut des coups de pouce, ils relèvent de notre responsabilité collective. Les problèmes de l'outre-mer sont les problèmes de la République tout entière. Cela s'appelle la solidarité.

Puisque je suis sorti voilà quelques instants des auditions de la délégation aux outre-mer sur la défiscalisation – c'est la raison pour laquelle je suis arrivé en retard en séance –, permettez-moi d'anticiper sur la suite en gardant à l'esprit les débats du mois de novembre dernier. Oui, les outre-mer bénéficient de dispositifs dérogatoires pour encourager les investissements – notamment dans le logement, domaine dans lequel on connaît leurs besoins immenses –, et donc l'emploi. Oui, certains riches contribuables utilisent ces dispositifs pour payer moins d'impôts : ce sont les niches fiscales.

En cette période de grande moralisation et de rappel de la responsabilité de chacun devant l'impôt, prenons garde de ne pas confondre nos collectivités d'outre-mer, des territoires français, avec les vrais paradis fiscaux voisins, même si la végétation y est la même. Les avantages fiscaux de nos territoires, qui sont la contrepartie de handicaps réels – distance, héritage des économies de comptoir, etc. – ne sauraient être considérés comme des dispositifs de dissimulation fiscale. Il faut les réduire progressivement au bénéfice de la production locale, mais nous ne pouvons les supprimer brutalement au nom de je ne sais quelle bonne conscience : ce serait recréer les conditions des émeutes de 2009.

Pour conclure, comme je vous invitais au début de mon intervention à voter ce texte à l'unanimité, j'en appelle à notre sagesse collective pour que les outre-mer ne subissent pas les conséquences des turpitudes de quelques contribuables métropolitains indélicats.

Depuis l'arrivée de la nouvelle majorité, la bonne approche a été initiée : s'attaquer aux causes structurelles des déséquilibres des économies d'outre-mer. C'était l'objet de la loi sur la régulation économique, dont la promulgation a été immédiatement suivie de la publication d'un décret d'application ; c'est suffisamment rare pour que nous en rendions hommage à Victorin Lurel. Les résultats ne se feront toutefois ressentir ni tout de suite ni tous seuls : les citoyens, les consommateurs, les producteurs doivent s'emparer des nouveaux outils que la loi leur a donnés, et ce au bon rythme, c'est-à-dire sans immobilisme ni précipitation. En attendant, veillons à ne pas dégrader un pouvoir d'achat déjà si fragile outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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