Intervention de Frédéric Cuvillier

Séance en hémicycle du 10 avril 2013 à 15h00
Infrastructures et services de transports — Présentation

Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche :

Je parle d'abord d'un choc économique : j'y réponds par ce mécanisme de majoration, qui rend l'écotaxe économiquement supportable et constitue une véritable protection juridique pour les entreprises de transport routier de marchandises ; je parle ensuite d'un choc commercial, car les donneurs d'ordre vont vouloir renégocier les contrats, et certaines fédérations de chargeurs appellent déjà à contourner la répercussion en jouant sur les hauts de facture – il faudra, dans ce cas, pouvoir contrôler et sanctionner les abus ; je parle enfin d'un choc en termes d'organisation.

Il fallait donc accompagner les professionnels avec un mécanisme stable et lisible. Ainsi, des observatoires régionaux de suivi de l'écotaxe ont déjà été créés en Rhône-Alpes ou en Bretagne, et j'entends demander aux préfets de les généraliser dans toutes les régions.

Pourquoi enfin ai-je décidé de reporter le calendrier de mise en oeuvre de l'écotaxe poids lourds du 20 juillet au 1er octobre 2013 ? Tout simplement parce que le dispositif présenté par Écomouv, le partenaire de l'État chargé de la conception du dispositif destiné à la collecte, à l'information et au contrôle automatique de l'écotaxe poids lourds, n'est pas suffisamment abouti et qu'il nécessite des travaux complémentaires avant de passer à la phase de test d'ensemble. Compte tenu de ce décalage, et afin de s'assurer du caractère pleinement opérationnel du dispositif, le Gouvernement a décidé, comme le lui proposait un amendement déposé par le sénateur Roland Ries, de remplacer l'expérimentation du dispositif en Alsace par une phase d'essai du dispositif à l'échelle nationale, à compter du mois de juillet, sur la base du volontariat et sans perception de la taxe.

Je l'ai déjà dit, devant vous comme au Sénat, je ne défendrai pas un dispositif qui ne soit pas sécurisé, stable et efficace et qui risquerait de miner les fondements mêmes de l'écotaxe poids lourds. Nous attendons donc que l'opérateur Écomouv nous fournisse, dans les prochaines semaines, toute les garanties requises. Pour que la mise en oeuvre de l'écotaxe poids lourds soit une réussite, il faut qu'elle intervienne dans un cadre sécurisé, solide et cohérent.

Pour parvenir à un équilibre, j'ai donc souhaité privilégier la concertation, dans un secteur où le rapport de forces dans les négociations commerciales n'est pas toujours équilibré.

Je compte donc sur l'Assemblée nationale, sur vous, mesdames et messieurs les députés, pour permettre l'adoption d'un dispositif qui, en son temps, sous une autre majorité, avait été voté à l'unanimité.

Le texte que je vous présente comporte d'autres dispositions, destinées à réduire les risques pour l'environnement, à sécuriser la navigation, ou encore à protéger socialement nos professionnels, notamment nos marins.

Ce ne sont pas des dispositions mineures, toutes ont leur importance, mais l'une d'elles me tient particulièrement à coeur, car elle vise à assurer des conditions de concurrence équitables entre entreprises maritimes opérant sur une même ligne.

L'article 23, sur lequel je m'arrêterai quelques instants car il semble avoir été parfois mal interprété, élargit le champ d'application des règles de l'État d'accueil s'appliquant aux entreprises maritimes qui pratiquent le cabotage, tel que défini dans la réglementation de l'Union européenne, ainsi qu'à celles qui assurent une prestation de service dans les eaux intérieures et territoriales.

L'objectif est d'affirmer que, si la concurrence est normale lorsque les marchés sont ouverts, elle ne peut jouer à n'importe quel prix, notamment en matière sociale. Il s'agit d'éviter que des navires d'autres pavillons viennent opérer des lignes nationales, en pratiquant une politique sociale inacceptable et dans des conditions de concurrence déloyales.

La situation de notre pavillon national n'est pas facile, même si nous connaissons de belles réussites, dans des créneaux spécialisés, à forte valeur ajoutée. Une réflexion est en cours sur le sujet, puisque j'ai proposé au Premier ministre de confier à l'un d'entre vous une mission chargée de faire des préconisations sur la compétitivité du pavillon français. Je crois profondément qu'on peut être compétitif tout en respectant des règles sociales à bord des navires. Cet enjeu répond aussi à l'ambition maritime qui est la nôtre. Il répond à une certaine vision, qui est l'honneur de ce gouvernement, d'une politique maritime intégrée reconnue de tous.

J'ai reçu un représentant de la Banque mondiale qui m'a informé de la tenue d'une convention internationale en septembre, en précisant combien il tenait à ce que la France soit présente, car celle-ci a désormais valeur d'exemple, s'agissant de sa vision maritime et des initiatives prises ces derniers mois. L'existence du ministère de la mer n'est pas étrangère à cette forme de consécration.

Mesdames, messieurs les députés, ce premier projet de loi que je présente devant le Parlement s'inscrit dans une politique de transports globale que je mets en place depuis maintenant onze mois. Elle est la traduction législative de ce que doit être notre politique de transports.

Je m'étais engagé, en conseil des ministres, le 3 octobre dernier, à mettre en place une politique des transports qui reposerait sur trois grands axes.

Le premier axe est une politique favorisant la transition écologique. L'écotaxe s'inscrit dans ce cadre.

Je rappelle que je m'apprête à engager un nouvel appel à projets de transports en commun en site propre. Le Gouvernement a dégagé 450 millions d'euros en faveur de la mobilité urbaine qui doit permettre de donner un nouvel élan au développement des transports collectifs de province. Pas uniquement des projets de tramways, mais aussi de nouvelles politiques innovantes d'intermodalité.

Dans ce cadre, sera prévu un soutien aux modes de développement alternatifs, comme le vélo. J'y reviendrai.

Parallèlement à l'appel à projets, j'engagerai prochainement une démarche pour aboutir, avant la fin de l'année, à un plan ambitieux de développement des modes de déplacement actifs : vélo, autopartage, covoiturage… C'est le premier pilier de la politique de transports et de mobilité voulue par ce gouvernement.

Le deuxième axe est une politique construite à partir d'une volonté protectrice d'un point de vue social.

Dans le domaine du transport routier, j'ai pris une position très ferme en novembre dernier devant la Commission européenne : aucune nouvelle étape d'ouverture du cabotage ne sera acceptable pour nous, à défaut d'une harmonisation préalable des conditions sociales d'exercice de la profession.

J'ai engagé également sur le plan national une action vigoureuse pour lutter contre la concurrence déloyale et je continuerai à le faire. Sur ce point également, je reviendrai.

Il est important de prendre la mesure du contexte de libéralisation à outrance auquel sont confrontés les travailleurs de la route : les traitements sociaux sont inexistants et le coût de la main-d'oeuvre négligeable, du fait même de l'absence d'harmonisation sociale de la législation. Nous sommes en droit d'exprimer des revendications, notamment au niveau européen, je m'en suis clairement entretenu avec le commissaire Kallas. C'est pour nous le préalable à toute réflexion sur les transports routiers.

Dans le domaine maritime, mon action depuis que je suis arrivé au ministère des transports il y a onze mois, a été de défendre du pavillon français et de l'économie maritime française. Je l'ai montré avec les batailles que j'ai menées parce que d'autres ne les avaient pas menées ! Puisque M. Capet est là, je signalerai dans quelles conditions nous avons eu à traiter le dossier SeaFrance et les 1 500 personnes concernées par des vagues successives de licenciements. Le Gouvernement, aujourd'hui, a créé les conditions d'une sortie honorable. Peut-être y serions-nous parvenus si nous avions été aux responsabilités plus tôt, mais nous aurions souhaité pouvoir mieux défendre le pavillon français de cette grande compagnie qu'est Sea France.

Nous soutenons aujourd'hui My Ferry Link, notamment à la veille de menaces suite à la position – qui n'est pas définitive – de l'autorité de la concurrence britannique.

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