Cette écotaxe devrait s'inscrire dans l'édifice encore à bâtir d'une fiscalité écologique vertueuse, afin de changer les comportements des acteurs économiques et de nos concitoyens.
Elle fut votée à l'unanimité lors des débats sur le Grenelle de l'environnement ; et aujourd'hui, rares sont les députés qui s'aventurent à la renier. Permettez-moi de rappeler une conviction à laquelle je suis attaché et qui me semble indispensable en ces temps troublés : au-delà des clivages partisans et des changements de majorité, il est de notre responsabilité de respecter notre parole d'élu.
Cela dit, les députés du groupe RRDP membres de la commission du développement durable ont déposé six amendements pour perfectionner encore l'application de ce texte. J'espère que nos débats nous permettront de prendre en compte ces modifications.
Les autres parties du texte sont principalement des clarifications juridiques des règles de droit, avec la transposition de directives et de règlements européens. Concernant les transports maritimes, ces ajustements juridiques devraient améliorer la sécurité à bord des navires, la protection de l'environnement et le renforcement des contrôles. Globalement, ce texte participera à l'évolution souhaitable vers des transports plus efficaces et moins polluants, indispensables pour une transition écologique de notre économie.
Monsieur le ministre, nous vous l'annonçons d'emblée, les députés du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste saluent votre travail. Sachez d'ores et déjà que nous ne mégoterons ni ne négocierons notre soutien et notre vote.
Venons-en au coeur du texte, c'est-à-dire au mécanisme de majoration des prix du transport pour la mise en oeuvre de l'écotaxe poids lourds. Rappelons-nous tout d'abord le travail effectué par l'ensemble des parties prenantes du Grenelle de l'environnement – associations, ONG, experts, parlementaires, acteurs économiques. Comment pourrions-nous oublier cela ?
À l'origine, l'écotaxe poids lourds était le fruit d'un engagement collectif et unanime de la part des parlementaires comme de la société civile. C'était la belle époque, une époque pas si lointaine où l'ensemble de nos collègues de droite avaient encore des convictions écologiques affirmées ! Aujourd'hui, permettez-moi de vous dire, sans le moindre esprit polémique, que les masques tombent ! Croyez bien que j'en suis peiné, car ce n'est pas avec plaisir que je note ce changement d'attitude. Nous avons en effet besoin de tous pour nous engager dans le développement durable.
Au groupe RRDP, nous nous réjouissons des efforts effectués pendant le Grenelle pour la transformation écologique de notre société, et nous comptons bien les prolonger au cours des prochaines années, conformément aux engagements du Président de la République.
L'engagement du Grenelle était que la prise en compte de cette écotaxe dans le tarif des transports serait à la charge des utilisateurs, selon le principe de l'utilisateur-payeur, afin de préserver la compétitivité de nos transporteurs routiers. Restait à savoir comment organiser les modalités du mécanisme de répercussion.
Je ne reprendrai pas les critiques fortes émises contre l'ancien décret, l'article 7 du présent projet de loi le remplaçant avec bonheur. Ce n'était pas simple, et le dispositif proposé n'est certes pas parfait, nous en sommes bien conscients ; nous espérons qu'il pourra être encore amélioré.
Les contraintes étaient lourdes mais, en concertation avec les acteurs sociaux professionnels, vous êtes parvenus à la majoration forfaitaire et au moins mauvais compromis possible, comme disent certains.
Nous avons tous entendu les craintes exprimées par les coopératives, les grossistes, les déménageurs, les entreprises qui font du transport en compte propre, et les élus qui anticipent des reports sur certaines routes.
Au cours des débats parlementaires dans les différentes commissions, à l'Assemblée comme au Sénat, des amendements successifs ont été adoptés pour prévoir, puis pour compléter, le fameux rapport d'évaluation du mécanisme de majoration. Aujourd'hui, dans le texte que nous étudions, ce rapport représente plus de la moitié de cet article 7 !
À ce propos, je tiens à souligner l'apport décisif de mon collègue Joël Giraud en commission des affaires économiques, ainsi que Fabrice Verdier, notre rapporteur pour avis, l'a souligné. Par un sous-amendement adopté à l'unanimité à un amendement du rapporteur pour avis, il a imposé pour ce rapport l'avis des comités de massif concernés pour évaluer les reports de trafic. N'oublions pas que les comités de massif élaborent le schéma interrégional des massifs : ils doivent donc avoir leur mot à dire ! C'est à cela que l'on reconnaît la patte d'un élu de montagne chevronné.
Ce rapport apporte ainsi une réponse aux craintes légitimes liées à l'application de l'écotaxe poids lourds ; les évaluations seront nombreuses. Autant vous dire, monsieur le ministre, que ce rapport sera étudié à la loupe. Quoi qu'il en soit, nous vous faisons confiance pour faire évoluer le dispositif si les craintes se révélaient justifiées.
Par ailleurs, les députés RRDP membres de la commission du développement durable considèrent que nous pouvons encore améliorer la rédaction du texte de l'article 7. Nous vous proposerons donc plusieurs amendements.
Un premier amendement aura pour objet de conditionner l'application de la majoration forfaitaire au paiement de l'écotaxe par le transporteur. Il nous paraît plus simple en effet de ne pas prévoir la majoration du prix des transports s'il est incontestable qu'aucune taxe n'a pu être acquittée par le transporteur.
Nous présenterons également un amendement pour les transporteurs utilisant les reports modaux. Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi pourrait avoir pour conséquence de désavantager les services multimodaux, qui sont en concurrence directe avec les services exclusivement routiers. Ainsi, il pourrait aboutir à des effets inverses à ceux recherchés. Compte tenu de l'incidence minime – de l'ordre de 2 % – sur le produit de l'écotaxe, il nous a semblé opportun de ne pas créer cette distorsion de concurrence.
Enfin, il existe un débat sur la taxe à l'essieu. Nous vous proposerons deux amendements, un premier pour la supprimer, et un deuxième, de repli, pour demander un rapport d'évaluation sur son articulation avec l'écotaxe poids lourds. Certes, le réseau routier est strictement délimité pour l'écotaxe poids lourds ; certes, la taxe à l'essieu ne s'applique qu'à partir de douze tonnes ; et ce n'est certainement pas le meilleur moment pour diminuer les recettes de l'État. Mais il nous semble que cela fait peser un véritable risque juridique de double taxation pour le même objet.
Concernant les autres aspects de ce texte, je souhaite dire quelques mots de la protection des conditions de travail françaises sur les navires qui naviguent dans les eaux territoriales nationales. Ce texte va sur les crêtes du respect du droit issu de l'Union européenne pour faire face à la concurrence déloyale et au dumping social des armateurs étrangers. C'est un premier pas nécessaire pour sauvegarder l'emploi maritime, même si nous savons que cela ne suffira pas. En effet, dans le secteur des transports, comme dans les autres secteurs, nous ne parviendrons pas à une concurrence équitable sans une Europe sociale digne de ce nom.
Dans cette attente, permettez-moi de vous dire au nom du groupe RRDP – je pense notamment à mon collègue de la commission du développement durable Olivier Falorni – que nous saluons et soutenons les efforts déployés par le Gouvernement pour protéger l'emploi maritime et réduire ces distorsions de concurrence à l'intérieur de l'Union européenne qui minent notre économie.
Enfin, ce texte apporte des améliorations juridiques significatives et des réponses concrètes aux difficultés administratives qui pèsent sur l'organisation et la gestion des professionnels du transport. Ces professionnels vous en sont reconnaissants car ils attendaient ces adaptations parfois depuis longtemps.
À ce propos, je voudrais rappeler l'attachement des députés RRDP à la simplification des procédures administratives pour nos entreprises. Des efforts doivent encore être accomplis dans ce domaine. Trop souvent, ces règles connaissent dans leur environnement législatif et réglementaire des changements difficiles à suivre. La sécurité juridique suppose la stabilité, l'intelligibilité, l'applicabilité et l'accessibilité de la norme.
Ce texte améliore donc la sécurité juridique ; c'est une demande forte à laquelle nous avons la responsabilité de répondre à chaque fois que nous légiférons.
En conclusion, si les élus ne croient plus au grand soir fiscal, nous croyons cependant que l'acceptabilité de l'éco-fiscalité ne sera possible qu'à partir du moment où elle sera perçue non comme un impôt de plus, mais comme un impôt à la place d'un autre.
Il faut ouvrir la voie vers un changement des comportements, mais nous ne pouvons pas pour autant ajouter constamment de la fiscalité à la fiscalité, car le pouvoir d'achat des ménages s'effrite et nos entreprises perdent leur compétitivité.
La Fontaine disait dans la fable Le renard et le bouc : « En toute chose, il faut considérer la fin ». Mes chers collègues, prenons garde de ne pas oublier les finalités d'une bonne éco-fiscalité : elles doivent s'engager complètement en faveur du développement durable et du respect de notre environnement.