Monsieur le ministre, depuis votre arrivée au ministère, vous avez ouvert méthodiquement, audacieusement, courageusement tous les dossiers majeurs en matière de transports et de mobilité.
Vous avez demandé à Jean-Louis Bianco un rapport sur la nécessaire réforme du système ferroviaire, sa gouvernance et son organisation, et vous présenterez, dans quelques semaines ou quelques mois, cette réforme tant attendue.
Jacques Auxiette doit, quant à lui, vous remettre un rapport sur la place des régions et des collectivités dans la gouvernance ferroviaire.
Michel Massoni et Vincent Lidsky viennent, à votre demande, de vous remettre les résultats de leur étude sur le canal Seine-Nord et, ne perdant pas une minute, vous avez confié à notre collègue Rémi Pauvros le soin de repositionner ce dossier difficile mais stratégique.
Vous avez mis en place la commission Mobilité 21, qui doit vous faire des propositions de planification et de programmation sur les soixante-quinze projets du SNIT et les 245 milliards d'euros qu'il faut répartir dans le temps, de la manière la plus judicieuse et dans l'intérêt général.
Vous avez demandé à RFF de définir, via le Grand projet de modernisation ferroviaire, un programme efficient de modernisation, qui permettra d'identifier et de planifier les priorités pour un réseau plus fiable, plus performant et plus sûr.
Enfin, vous négociez avec la Commission européenne le quatrième paquet ferroviaire.
On le voit, c'est l'ensemble de la politique de mobilité que vous revisitez, avec le souci de promouvoir un système efficace, éco-compatible et finançable.
Ce projet de loi portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transport est un texte de modernisation et de rationalisation des dispositions existantes. Il aborde des questions aussi importantes que la clarification des comptes des entreprises ferroviaires, pour compléter la transposition de la directive européenne de 1991 révisée en 2011, ou la transmission aux régions par la SNCF des comptes d'exploitation des lignes TER, proposée dans un amendement adopté par notre commission. Cette dernière mesure était attendue par les régions ; elle clarifiera les coûts réels du service fourni par l'opérateur de transport. On évitera ainsi des malentendus et le risque de transférer aux collectivités territoriales des charges indues, comme les charges de structures de l'opérateur historique.
Mais la disposition la plus novatrice, la plus attendue, la plus importante de ce texte, c'est bien sûr l'écotaxe poids lourds.
L'écotaxe poids lourds est une fiscalité d'inspiration européenne, intelligente et efficace. Elle est une application de la directive eurovignette, voulue et décidée par l'Union européenne ; vous l'avez dit, monsieur le ministre, c'est la première fiscalité écologique à entrer en vigueur dans notre droit.
C'est une fiscalité intelligente, car elle s'inscrit dans une logique vertueuse, en envoyant un « signal prix » qui permettra un rééquilibrage entre les modes de transports. On a largement évoqué ici le difficile transfert modal de la route vers les autres modes de transport, mais ce signal répond néanmoins au souci de promouvoir une mobilité durable.
C'est une fiscalité efficace enfin, car cette contribution est perçue sur tous les poids lourds de plus de 3,5 tonnes qui circulent sur les 10 500 kilomètres du réseau national non concédé et sur les quelque 5 000 kilomètres du réseau des routes départementales les plus structurantes. Ce système, mis en place dans d'autres pays européens, notamment en Allemagne, où la fraude est marginale, et en Autriche, a le mérite d'être sûr. Il est également évolutif et pourra permettre, si le Gouvernement en décide ainsi, d'orienter le trafic vers des itinéraires moins pollués ou moins saturés, grâce à une modulation des tarifs.
J'entends les craintes des transporteurs et du monde de la route, qui redoutent que le pavillon français ne soit pénalisé par cette taxe supplémentaire. Vous avez en grande partie répondu à cette légitime inquiétude, en mettant en place un système de répercussion clair, qui fait porter le poids modeste de cette taxe sur les chargeurs.
Cette contribution a, de ce point de vue, une autre vertu, celle de rétablir l'équilibre entre les poids lourds français et les camions étrangers qui, trop souvent, ne paient pas le droit d'usage de la route en évitant les itinéraires autoroutiers concédés à péage.
Enfin, et ce n'est pas son moindre avantage, la taxe poids lourds contribuera au financement des infrastructures de transport, puisque ses recettes seront affectées pour partie à l'AFITF et pour une autre part aux conseils généraux. La recette de l'écotaxe poids lourds devrait rapporter autour de 800 millions d'euros à l'agence. Elle en deviendra ainsi la première ressource, avant la taxe d'aménagement du territoire, avant la redevance domaniale et avant la part des amandes radars qui lui revient.
Cette ressource nouvelle est d'autant plus nécessaire qu'elle doit se substituer à la subvention d'équilibre qui s'éteindra en trois ans : en 2012, elle était d'un milliard d'euros ; elle sera cette année de 658 millions et, en 2014, de 400 millions d'euros.
Vous avez décidé de repousser la mise en place de la taxe du 20 juillet au 1er octobre de cette année. C'est une sage décision : l'exemple allemand de la Toll Collect nous a en effet montré la difficulté de mise au point du système, qui a nécessité deux ans pour être réellement efficace.
Si ce report est bienvenu pour les transporteurs, il n'est toutefois pas sans conséquence pour l'AFITF, qui avait inscrit une recette de 262 millions d'euros à son budget 2013. Avec le report au 1er octobre, la recette ne devrait pas excéder 80 à 90 millions d'euros, alors que l'Agence devra décaisser cette année 27 millions d'euros pour la rémunération du consortium Écomouv', au titre du PPP qu'il a conclu avec l'État. Si le fonds de roulement de l'Agence permettra d'exécuter le budget de cette année, il serait cependant indispensable de compenser ce manque de recettes absolument nécessaires au financement des projets d'infrastructures qu'attendent les territoires, les élus – y compris en Bretagne – et les populations.