J'endosse volontiers le rôle de témoin, tout en ignorant encore si mon témoignage sera gênant.
Les chambres de commerce et d'industrie (CCI), qui sont des établissements publics chargés d'être les porte-parole des entreprises, ont conscience des efforts réalisés par les directions régionales (DRFiP) et les directions départementales (DDFiP) des finances publiques sur le terrain. Les CCI travaillent également la main dans la main avec BPIOséo pour collecter les questions et y apporter les bonnes réponses. Si l'ensemble des entreprises constitue notre public, il faut savoir que ce sont surtout les TPE et quelques petites PME qui demandent l'aide des CCI. Je rappellerai que les TPE, qui sont au nombre de 2,3 millions, représentent 95 % des entreprises de notre pays.
Les CCI sont mobilisées aux côtés des services de l'État et d'Oséo, depuis le 8 janvier 2013, à la demande du ministre de l'économie et des finances et du ministre délégué au budget et du Premier ministre qui a adressé une lettre le 9 janvier au président de CCI France, M. André Marcon. Toutes les chambres consulaires ont fait la promotion du CICE sur leurs sites Internet et ont organisé des réunions avec les DRFiP, les DDFiP et Oséo. La semaine dernière CCI France a également lancé une enquête auprès de toutes les chambres, afin de disposer des éléments d'information les plus récents possibles en provenance du terrain.
Il existe une grande disparité entre les différentes entreprises en termes d'appropriation du dispositif selon la taille de l'entreprise. De fait, comme le CICE permet de faire gagner à l'entreprise quelque 1 000 euros par salarié et que les dossiers moyens tournent autour de 300 000 euros, cela signifie que les entreprises concernées emploient 300 salariés : ce sont donc loin d'être des petites PME ! Cela est dû au fait que les PME et les TPE n'ont pas accès à l'information aussi facilement que les grosses entreprises car elles n'ont pas, en leur sein, de directeur des affaires financières et doivent donc chercher les conseils à l'extérieur. Les TPE et les petites PME étant pénalisées dans le montage des dossiers en raison de leur déficit d'information et d'expertise, il convient de mobiliser davantage encore les experts-comptables.
Dans toutes les réunions que nous avons organisées, des chefs d'entreprises nous ont posé des questions extrêmement basiques. Même dans une grosse CCI comme Marseille, un grand nombre des dirigeants présents croyaient que seuls les industriels avaient droit au CICE. La connaissance de base du dispositif n'est donc pas acquise. La mise à disposition d'un kit de communication sur le CICE devrait faire l'objet de notre première mobilisation. Je vous ai apporté, à titre d'illustration, la fiche établie par la CCI de Nantes-Saint-Nazaire.
Il existe également des différences selon les territoires en fonction de la mobilisation des services, notamment des DRFiP qui ont, parfois, dû établir elles-mêmes leur fiche technique ou leur Power Point.
De plus le dispositif, qui est récent, n'a pas été immédiatement stabilisé, comme vous l'avez souligné, monsieur le directeur général: loi de finances rectificative du 29 décembre 2012, instruction fiscale du 26 février 2013 modifiée au cours du mois de mars. Les entreprises attendent donc la stabilisation définitive du CICE avant d'engager des démarches mais il ne faudrait pas que leur méconnaissance se transforme en méfiance.
J'insiste sur ce point : même s'il ne l'est pas, le dispositif peut paraître compliqué aux entrepreneurs qui ne bénéficient pas des conseils d'un expert. La perception est donc différente de la réalité. C'est pourquoi il convient de faire un important travail d'explication. Il faut également prendre en compte le coût du conseil pour les TPE et les PME – vous avez vous-même souligné que l'ordre des experts-comptables ne pouvait pas fixer de tarification – : sommes-nous certains que les bonnes pratiques, que vous avez mentionnées, persisteront ? Si tel n'était pas le cas, ce serait la double peine pour les TPE.
Les entrepreneurs s'inquiètent également du taux de préfinancement ainsi que de l'attitude des banques. Joueront-elles le jeu ? Le CICE se traduira-t-il par un plus, en termes de trésorerie et de fonds de roulement ? Il s'agit là de la première attente des TPE et des PME. L'inquiétude durera tant que les réseaux bancaires n'auront pas adopté de position commune au plan national. Afin d'être rassurées, les entreprises souhaiteraient que l'ensemble des banques signent une charte ou une convention nationale.
Les inquiétudes portent également, vous l'avez du reste souligné, sur les contrôles fiscaux, car les règles relatives à l'assiette ne semblent pas encore bien fixées : comment faire entrer dans le calcul du CICE les temps partiels, les primes ainsi que les embauches et les licenciements effectués en cours d'année ? Les entrepreneurs ont été échaudés par les contrôles fiscaux qui ont suivi le crédit d'impôt recherche. La traçabilité du dispositif ne laisse pas non plus de les inquiéter : quel justificatif de l'utilisation du CICE devront-ils produire, avec quelle rétroactivité ?
Il est impératif de préciser rapidement les règles du jeu afin de lever les incertitudes : le kit de présentation et de communication que j'ai évoqué devra délimiter le champ d'utilisation du CICE, seule façon de convaincre les chefs d'entreprise que le dispositif ne se transformera pas pour eux en épée de Damoclès.
Je vous indique que les chefs d'entreprises nous ont également fait remonter des idées visant à améliorer le dispositif.