Intervention de Lionel Tardy

Réunion du 9 avril 2013 à 17h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLionel Tardy :

Le CICE pose un vrai problème de pédagogie au chef d'entreprise que je suis – nous ne sommes pas beaucoup à l'Assemblée nationale. Alors qu'il est en place depuis le 1er janvier, la première réunion organisée sur le sujet par la préfecture de Haute-Savoie n'aura lieu que le 21 avril prochain, nous avons donc perdu quatre mois. Les dirigeants de TPE ne redoutent pas forcément l'inspecteur des impôts, mais ils n'ont pas de directeur financier, et pas non plus le temps de se pencher sur un dispositif qui n'est pas vraiment un choc de simplification.

Une étude TNS Sofres portant sur 800 dirigeants a été récemment publiée : 21 % des PME et 46 % des TPE n'ont pas entendu parler du CICE. Quant à l'impact du dispositif, il n'en aura aucun sur la croissance pour 64 % des PME et 45 % des TPE, aucun sur l'emploi pour 64 % des PME et 48 % des TPE, ni aucun sur la compétitivité pour 56 % des PME et 47 % des TPE. De gros efforts d'explication doivent être fournis, puisque 80 % des PME et des TPE considèrent que le dispositif n'aura finalement aucun impact sur leur entreprise ! Les chefs d'entreprise avaient mieux compris et apprécié le système de suppression de la taxe professionnelle, qui avait été largement salué à l'époque.

Alors que ce dispositif est censé cibler 1,5 million d'entreprises, aujourd'hui, seules 223 – sur 1 300 demandes – auraient demandé à bénéficier d'un préfinancement. Et dire qu'en novembre le Gouvernement avait présenté le CICE comme la mesure phare de sa politique visant à relancer la compétitivité du pays – 20 milliards pour relancer l'investissement et encourager l'embauche, un véritable bol d'air pour les PME touchées par la crise. Pourtant ce dispositif peine à démarrer, puisque les demandes de préfinancement que les entreprises peuvent déposer depuis le 1er avril en vue de soulager rapidement leur trésorerie se font très rares.

Pourquoi un tel flop ? La première raison est la complexité du dispositif. Pour solliciter le préfinancement avec sérénité, les entreprises devraient être capables de calculer avec précision le montant de leur crédit d'impôt, ce que le dispositif, bien moins simple qu'il ne paraît, ne permet pas. La deuxième raison, une enquête du Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables, réalisée en mars dernier par l'institut TNS Sofres, la révèle : seulement 24 % des dirigeants de TPE et de PME – le chiffre a progressé depuis le mois de janvier – ont déclaré prévoir que le crédit d'impôt aurait un impact positif sur la croissance. Quel chef d'entreprise a baissé ses prix au 1er janvier 2013 ou embauché de nouveaux salariés grâce au CICE ? C'est une vraie question.

Il est également à craindre que certaines entreprises ne demandent à leurs fournisseurs de baisser leur prix, arguant du fait qu'ils pourront bénéficier de l'aide du CICE. Il convient par ailleurs d'évoquer le risque d'effet de seuil pour les salariés gagnant autour de 2,5 SMIC : pourquoi les augmenter si le crédit d'impôt n'est assuré que jusqu'à ce montant ?

Le CICE montre ainsi ses limites. Le Gouvernement a préféré une nouvelle usine à gaz à une vraie baisse des charges qui aurait porté immédiatement des fruits. Nous sommes bien loin du choc de simplification annoncé comme la nouvelle norme pour libérer les énergies. Je poserai demain une question sur le sujet au cours de la séance des questions au Gouvernement.

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