Nous avons plaisir à aborder avec vous cette question complexe de l'égalité des territoires, qui ne peut qu'intéresser notre Commission au titre de sa compétence en matière d'aménagement du territoire. Je vous sais gré aussi d'avoir indiqué qu'il ne s'agit pas d'imaginer une structure de plus, mais plutôt de redonner de la cohérence à des dispositifs qui, depuis la création de la DATAR, se sont sédimentés dans un pays dont l'organisation a de surcroît évolué, justifiant par là même la réflexion que vous avez conduite.
Vous avez à juste titre écarté toute confusion entre égalité et uniformité, souligné la nécessité de garantir l'accès aux services essentiels et relevé la difficulté de mesurer l'égalité entre territoires. À ce dernier propos, je rappellerai que l'aménagement du territoire est historiquement le résultat de mouvements de populations qui étaient fonction du potentiel offert par l'espace où l'on s'établissait. Une politique d'égalité des territoires, respectueuse de leur diversité, devrait mettre en lumière la variété des ressources offertes par chacun, ce qui ne pourrait que favoriser une répartition rationnelle des populations et des activités, plutôt que leur concentration sur un petit nombre de sites. Au reste, une enquête datant des années quatre-vingt-dix a montré que le bien-être de la population sur un territoire donné ne dépendait pas de l'offre de services qu'elle y trouvait, mais uniquement du motif qui l'y avait amenée : une installation choisie est toujours mieux vécue, quelle que soit la qualité des services offerts, qu'une installation contrainte. Il est important de garder ce point à l'esprit.
Sachant cela, la politique d'aménagement du territoire, notamment l'organisation des services publics et des services de l'État, doit-elle tirer les conséquences de l'organisation économique et sociale qui s'est imposée en fonction des ressources propres à chaque territoire, ou procéder d'un volontarisme, qu'il s'agisse d'amorcer un mouvement ou de corriger une situation jugée insatisfaisante ? En d'autres termes, l'aménagement du territoire doit-il être prescripteur ou « suiveur » ?
Je suis convaincu comme vous de la nécessité de différencier les moyens d'intervention en fonction des territoires. Mais je sais d'expérience qu'un certain centralisme régional n'est pas meilleur que le centralisme parisien.
En matière d'ingénierie et plus généralement de services, le temps n'est-il pas un élément à prendre en compte ? Les besoins d'un territoire peuvent évoluer et on n'a pas indéfiniment l'usage des mêmes moyens. Au terme de six mois ou deux ans, selon les cas, d'efforts soutenus, la situation d'un territoire peut se trouver stabilisée, ne rendant plus nécessaire le maintien d'une forte ingénierie.
Il convient de rendre plus transparentes les décisions publiques, en particulier en ce qui concerne l'utilisation des crédits européens. Elles doivent obéir à des priorités claires, ce qui n'est malheureusement pas toujours le cas aujourd'hui.
L'État doit conserver sa capacité à intervenir en dernier ressort, dites-vous. Pourquoi ne pourrait-il pas le faire aussi en premier ressort, dans certains cas ?
Je vous remercie, monsieur Wahl, de laisser le choix ouvert entre vos différents scénarios et je souhaite, monsieur le président, que nous mettions cette liberté à profit pour poursuivre le débat au sein de notre Commission et avec le Gouvernement, en vue de permettre à chaque territoire de prendre son destin en main. Une initiative responsable me semble en effet dans tous les cas préférable à une obéissance contrôlée.