La politique d'aménagement du territoire est une spécificité française issue de notre tradition jacobine. Dans la plupart des autres pays européens, les pouvoirs locaux bénéficient d'une plus grande latitude dans l'organisation de leurs territoires.
Cette politique, née dans les années cinquante et commandée par les nécessités de la reconstruction, était définie par son promoteur, Eugène Claudius-Petit, comme « la recherche, dans le cadre géographique de la France, d'une meilleure répartition des hommes en fonction des ressources naturelles et de l'activité économique ». Cela revenait à la soumettre à trois exigences : une exigence de justice spatiale, par la correction des disparités ; une exigence économique et une exigence de spécialisation fonctionnelle des territoires.
Qu'implique à ces trois égards le glissement sémantique d'« aménagement du territoire » à « égalité des territoires » opérée dans votre rapport ? Signifie-t-il que cette politique se concentre désormais exclusivement sur la première exigence, au détriment des deux autres et notamment de la compétitivité ? L'emploi du pluriel « des territoires » procède-t-il d'une volonté de valoriser la diversité des régions françaises ou d'une incapacité à prendre en considération un territoire national unique, en raison de disparités désormais trop marquées ?
Alors que l'État était en 1950 l'opérateur unique de l'aménagement du territoire, ce n'est plus le cas parce que s'est produit depuis le double mouvement de la construction européenne et de la décentralisation. Pour tenir compte de cette nouvelle donne, quels partenariats suggérez-vous que cet État noue avec les collectivités territoriales et avec l'Europe ?
En 1950, au début des Trente Glorieuses, la croissance et l'absence de déficits permettaient de financer les investissements nécessaires à l'aménagement du territoire. Comment mener aujourd'hui une politique de correction des inégalités territoriales alors que l'État est démuni, que les collectivités locales sont financièrement asphyxiées et que l'Union européenne voit son budget baisser pour la première fois ?
Pourquoi avoir écarté d'emblée de vos propositions l'hypothèse d'un grand ministère de l'égalité des territoires, regroupant l'ensemble des administrations dont les politiques ont un impact direct sur les territoires ? La lecture des sigles utilisés dans votre rapport ne peut que faire approuver le choc de simplification voulu par le Président de la République. Quelle peut être la valeur ajoutée du nouveau commissariat général par rapport à la multitude de structures ainsi citées : DATAR, FNADT, EPA, CGSP, CGDD, SGCIV, ACSé, DGPAT, DGITM, DHUP, ANRU, sous-direction FLAE de la DGCL, sans parler des ARS ?
Un jour, dans l'hémicycle, j'ai proposé de manière provocante la création d'un observatoire des observatoires. Ne faudrait-il pas bientôt aussi un commissariat des commissariats ?