Intervention de Thierry Wahl

Réunion du 10 avril 2013 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Thierry Wahl :

Merci pour toutes ces interventions. J'ai le sentiment, en vous écoutant, qu'au-delà de ce modeste rapport dont l'objet était de faire des propositions sur l'organisation administrative de l'État, il serait sans doute nécessaire d'engager un débat politique sur l'aménagement du territoire et sur l'égalité des territoires.

Mais je vais tenter de vous répondre. En premier lieu, ce rapport ne traduit aucunement une quelconque tentative, de la part de l'État, de reprendre en main les territoires. Bien au contraire, la proposition principale, qui est d'ailleurs un des invariants que j'ai énumérés, est de faire du commissariat général – s'il doit être créé – l'instrument d'un partenariat avec les collectivités. Il s'agit de mettre un outil de l'État au service de toutes.

M. Furst prétend n'avoir rien compris à ce rapport. J'ai au contraire le sentiment qu'il l'a bien lu et qu'il en a saisi le sens. Il a en effet très clairement indiqué que l'important était que les territoires puissent avoir une chance d'avenir. Or, pour y parvenir, l'une des idées forces du rapport consiste précisément à mettre à la disposition des collectivités locales les instruments et les boîtes à outils de l'État – outils de développement et d'ingénierie de développement –, sur la base de diagnostics territoriaux consensuels et de prospectives partagées, pour un travail commun entre les agglomérations, les zones périurbaines et les zones rurales qui les entourent. L'objectif du rapport est bien de revisiter, à travers cette question d'égalité des territoires, notre politique d'aménagement du territoire. Je me réjouis donc de cette compréhension mutuelle.

Nous ne cherchons pas à opposer rural et urbain. Si cela avait été le cas, nous aurions plutôt proposé de « sacraliser » l'organisation actuelle, qui sépare l'un de l'autre. Il y a en effet aujourd'hui, d'un côté, une administration, plus ou moins forte, chargée de la question de la ville et du fait urbain et, de l'autre, des administrations, plus ou moins éparses, chargées des questions rurales. Notre objectif, notamment dans le scénario 3 – qui peut se combiner avec les scénarios 4 et 5 – est au contraire de remédier à la dichotomie que vous regrettez et donc de porter un regard unifié sur les questions urbaines et rurales. À cet égard, la question de l'agrégation de la dépense publique par habitant sur le territoire, qui a été soulevée par M. Marleix, l'est également, explicitement, dans le rapport. Il est en effet essentiel, dans tous les territoires, qu'ils soient urbains ou ruraux, de bien connaître ce que la Nation met à disposition des personnes qui y habitent, tant en effectifs qu'en moyens de fonctionnement ou d'intervention. Nous avons donc formulé une proposition relativement précise en ce sens.

Nous pensons aussi qu'il faut un débat public afin de trancher la question des rôles respectifs de l'État et des collectivités en matière d'aménagement du territoire et d'égalité des territoires – encore une fois, notre rapport porte sur une refonte de l'organisation de l'État, et pas sur une reprise en main des territoires. En effet, il n'est pas aisé de concilier la capacité, pour les collectivités, de décider en pleine maîtrise de leur avenir et l'obligation, pour l'État, d'être présent, non seulement en dernier ressort, mais aussi en premier ressort.

S'agissant de l'intervention de l'État en premier ou en dernier ressort, je retiens ce qu'a dit Mme Martine Lignières-Cassou sur l'égalité des territoires et l'égalité d'accès aux services. Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Notre rapport a évoqué explicitement le sujet en proposant, pages 4 et 5, un certain nombre d'indicateurs de résultats – et non de moyens – pour apprécier l'efficacité des politiques publiques visant à réduire les inégalités territoriales.

Nous n'avons pas pris position sur la question des zonages, dans la mesure où François Lamy réfléchit actuellement à leur révision. Nous nous sommes contentés d'indiquer – ce qui me paraît faire consensus – que, si l'on décidait que l'action en faveur de l'égalité des territoires nécessitait une nouvelle géographie prioritaire, il faudrait faire en sorte que cette dernière soit plus resserrée que celle qui a été appliquée ces dix, quinze ou vingt dernières années.

Comme l'auront remarqué certains, nous avons exclu deux scénarios extrêmes.

Le premier était celui d'un CGET virtuel, ou d'une DATAR virtuelle. Il aurait abouti à supprimer toute administration – fût-ce une administration se limitant à réfléchir à ce que pourrait être demain le territoire –, au profit d'une simple mise en réseau des diagnostics territoriaux des uns et des autres. L'autre scénario extrême – allant au-delà de la combinaison possible des familles 4 et 5 que nous proposons – aurait consisté à laisser le CGET piloter l'ensemble des politiques sectorielles ayant un impact direct ou indirect sur le territoire. Il aurait mené à la création d'un ministère englobant la quasi-totalité des administrations françaises, à l'exception des seules administrations régaliennes des affaires étrangères et de la défense ! L'action publique n'y aurait certainement pas gagné en efficience. C'est pourquoi nous avons préféré proposer une sorte de droit de regard préalable aux décisions publiques susceptibles d'avoir des conséquences, directes ou indirectes, sur les territoires ou sur les populations qui y vivent.

Je souscris à ce qui a été dit à propos de l'aménagement numérique du territoire. Nous avons mentionné ce point sans le développer parce qu'il semble que ce soit un objectif partagé par tous, indépendamment de la question de l'organisation de l'État que cela suppose.

Pour finir, je reviendrai sur nos auditions pour nier qu'elles aient été exclusivement « urbaines ». Les grandes associations d'élus représentent l'ensemble des territoires et il me semble bien que le discours dominant des représentants de l'Association des maires de France, comme d'ailleurs des autres associations, tendait plutôt à nous demander de veiller tout particulièrement aux intérêts des territoires ruraux. Je ne crois pas non plus que nous ayons pris le parti que vous nous reprochez. Plus généralement, les personnes auditionnées ont été unanimes à souhaiter que la politique en faveur de l'égalité des territoires se traduise par une fin de la mise en concurrence des territoires. Et c'est bien dans cette optique que nous avons bâti les scénarios que je vous ai présentés.

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