Intervention de Christian Bataille

Réunion du 28 février 2013 à 8h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Bataille, député, vice-président :

Je remercie Jean-Yves Le Déaut pour ce rappel sur la contribution de l'Office à l'élaboration du cadre législatif de la gestion des matières et déchets radioactifs et du PNGMDR. Je vais revenir, comme il vient de l'annoncer, sur le rapport d'évaluation du précédent plan que nous avons publié, avec Claude Birraux, le 19 janvier 2011.

La préparation de ce rapport d'évaluation a constitué un parfait exemple des manières de travailler de l'Office, puisqu'il a été réalisé sur la base d'une consultation très large. Celle-ci a consisté, d'une part, en l'audition, dans les locaux de l'Office, d'une trentaine de participants au groupe de travail, et d'autre part, en la rencontre, sur le terrain, en France comme à l'étranger, d'une quarantaine de personnes impliquées, au quotidien, dans la gestion des matières et déchets nucléaires.

À la sortie de cette évaluation, nous avons estimé que le PNGMDR 2010-2012 répondait de façon satisfaisante aux objectifs fixés par la loi de 2006, que le bilan de la mise en oeuvre du dispositif de gestion des déchets nucléaires en France était plutôt encourageant et que les institutions prévues, dont le groupe de travail à l'origine du plan, fonctionnaient correctement.

Malgré ce bilan positif, nous avons émis un certain nombre de recommandations. Je me limiterai à évoquer celles relatives aux deux sujets qui nous occupent aujourd'hui : d'une part, le plan et sa démarche d'élaboration et, d'autre part, l'avancement du stockage des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue.

D'abord, sur le contenu du PNGMDR 2010-2012, nous avons noté l'effort réalisé pour couvrir des types de déchets peu ou pas pris en compte dans l'édition précédente : par exemple les résidus miniers ou encore ce qu'on appelle la radioactivité naturelle renforcée.

Malgré tout, nous avons jugé que d'autres progrès, dans cette direction, restaient possibles, car certains aspects étaient peu ou pas traités. Par exemple, le plan 2010-2012 ne prévoyait pas de façon assez complète toutes les options stratégiques d'évolution de la filière nucléaire pouvant être retenues à la suite d'un nouveau choix politique de la nation. Nous avons donc demandé que cela soit pris en compte dans le plan 2013-2015. Le débat en cours sur la transition énergétique démontre l'utilité de cette recommandation.

De la même façon, nous avons demandé que le plan comporte un descriptif des enjeux financiers de la gestion des matières et déchets radioactifs, notamment du point de vue des ordres de grandeur, avec des indications sur les coûts et les mécanismes de financement. Cette recommandation était déjà présente dans notre rapport d'évaluation du premier PNGMDR mais n'avait pas été suivie d'effet. Pourtant, nous avions constaté que dans d'autres pays, comme l'Espagne, ces informations étaient intégrées dès l'origine dans le plan de gestion des déchets radioactifs.

Nous avons aussi compris, à l'occasion des multiples auditions réalisées, que le PNGMDR avait dépassé les objectifs institutionnels assignés par la loi de 2006. Il est devenu, et je crois que c'est encore plus vrai aujourd'hui, pour les associations et le public, en quelque sorte, une référence sur la gestion des matières et déchets radioactifs. Ils s'attendent donc à y trouver toutes les informations sur ces matières et déchets mais sous une forme intelligible pour tout un chacun. C'est sur cette nouvelle ambition que portaient nos autres recommandations, le plan devant répondre, au-delà de la loi, aux attentes des citoyens.

En effet, malgré tous les progrès accomplis depuis sa première édition, le PNGMDR restait avant tout destiné aux spécialistes du domaine. Plusieurs de nos interlocuteurs nous avaient d'ailleurs avoué qu'eux-mêmes, alors qu'ils baignent dans ces sujets, ne comprenaient pas tout.

Nous avons donc fait plusieurs recommandations visant à transformer le plan en un document lisible pour tous, qui permette une consultation à plusieurs niveaux, suivant le détail que les lecteurs veulent avoir sur le sujet qui les intéresse.

Mais la qualité du plan est aussi le résultat de son processus d'élaboration. Nous avons observé que le groupe de travail pluraliste qui participe à l'élaboration du plan fonctionnait de façon plutôt satisfaisante.

Ce groupe de travail est d'ailleurs précurseur, puisqu'il a été le premier lieu de concertation entre les acteurs de la filière nucléaire française, avec cet objectif de parvenir à une vision commune de la gestion des matières et déchets radioactifs.

L'un de ses grands succès a été d'associer, dès le départ, les associations, conformément à la volonté du précédent président de l'Autorité de sûreté nucléaire française, M. André-Claude Lacoste. De nouvelles associations ont d'ailleurs rejoint le groupe de travail et certaines y sont revenues, ce qui est un bon signe. C'est cette participation des associations qui a transformé ce document, au départ interne à la filière nucléaire, en un document de référence aux yeux du public.

Or, plusieurs associations nous avaient fait part, à l'occasion des auditions, des difficultés qu'elles avaient rencontrées dans le fonctionnement du groupe de travail. Certaines d'entre elles nous ont semblé assez simples à résoudre : éviter que certaines délégations, en surnombre, déséquilibrent le groupe de travail, ou encore diffuser les documents de travail suffisamment tôt avant les réunions.

Nous avons aussi estimé que si la recherche du consensus est indispensable, dans certains cas, il faut acter les désaccords. Cela n'empêche pas le Gouvernement de prendre ses responsabilités. Mais les positions des uns et des autres doivent être explicitées dans le document final.

Après avoir parlé de ce qui nous était apparu satisfaisant, je vais évoquer nos recommandations sur le stockage des déchets de haute et moyenne activité à vie longue.

En ce qui concerne ce projet stratégique de centre de stockage, dont l'ouverture est prévue en 2025, nous avons constaté avec satisfaction que les délais fixés par la loi étaient tenus, grâce à l'action efficace de l'agence nationale en charge de la gestion des déchets radioactifs - l'Andra.

Malheureusement, nos auditions ont également fait apparaître que l'annonce par l'Andra d'une estimation de coût du futur stockage nettement plus élevée que la précédente avait créé des tensions avec les industriels producteurs de déchets et conduit ces derniers à proposer des solutions techniques alternatives, dont l'impact sur la sécurité restait totalement à évaluer.

J'ai donc été amené à rappeler que cette démarche des industriels contredisait la loi qui confie à l'Andra la mission « de concevoir, d'implanter, de réaliser et d'assurer la gestion [...] des centres de stockage de déchets radioactifs [...] ainsi que d'effectuer à ces fins toutes les études nécessaires ».

La perspective d'une prise en charge par les producteurs de la gestion de leurs déchets radioactifs est d'ailleurs inacceptable, non seulement sur le plan légal mais aussi sur le plan éthique.

Je peux comprendre la crainte des producteurs de déchets face à un risque d'inflation excessive des coûts. Mais je leur ai néanmoins rappelé que ces discussions de concertation devaient se dérouler dans le cadre institutionnel défini par la loi.

En fait, avec Claude Birraux, nous avons été conduits, à l'occasion de notre rapport d'évaluation du PNGMDR, à adresser aux producteurs de déchets un véritable rappel à la loi.

Nous avons également demandé au Gouvernement, à cette occasion, de veiller, sans délai, à l'installation effective de la Commission nationale d'évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs, qui avait été prévue dans un délai de 2 ans au plus par la loi du 28 juin 2006. Ce rappel, qui n'était pas le premier, a été suivi d'effet, puisque cette commission s'est finalement réunie, pour la première fois, en juin 2011.

L'audition d'aujourd'hui sera, j'en suis certain, l'occasion de dégager de nouvelles pistes d'amélioration du plan de gestion des matières et déchets radioactifs, dans son contenu comme dans sa présentation, ainsi que du fonctionnement du groupe de travail pluraliste qui en est à l'origine.

Mais il constitue également une opportunité, un peu plus de deux ans après la publication du rapport d'évaluation du précédent PNGMDR, de mesurer les progrès réalisés, aussi bien sur le PNGMDR lui-même et le fonctionnement de son groupe de travail que sur la gestion des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue.

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