Intervention de Marie-Claude Dupuis

Réunion du 28 février 2013 à 8h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Marie-Claude Dupuis, directrice générale de l'Andra :

En ce qui concerne le fonctionnement du groupe de travail du PNGMDR, j'ai bien entendu le souci des ONG sur leur disponibilité pour participer à tous ces travaux, qui deviennent de plus en plus techniques. Je suis intimement convaincue que nous avons besoin de travailler sur les différentes filières de gestion des déchets, en associant, au travers des ONG, les représentants de la société. C'est pour cela que les travaux de groupes sont fondamentaux. Mais pour l'avenir, il me semble, en appuyant ce qu'a dit M. Fabrice Boissier, que nous ne devons pas nous noyer dans le détail technique et le détail des différentes solutions, mais essayer de rester à un niveau suffisamment stratégique où leur regard me parait essentiel.

Je voudrais citer deux exemples, qui sont à mon avis très importants pour l'avenir de la gestion des déchets radioactifs, et qui visent à optimiser les filières de gestion de déchets en cherchant à tout prix à réduire le volume de déchets radioactifs. En ce sens je rejoins un peu Maryse Arditi. Mais quand nous y travaillons dans nos bureaux techniques, nous sommes très vite confrontés à des choix difficiles à prendre seuls.

Cela se passe quand nous travaillons avec les producteurs, ou avec les laboratoires académiques sur différents procédés de traitements innovants. En effet nous pouvons avoir à choisir d'investir dans de la R&D ou sur des prototypes pour traiter les bitumes, etc. ou même les déchets des petits producteurs pour lesquels se pose la question du tri-traitement. Nous nous apercevons que très vite nous arrivons à un débat qui concerne la société : vaut-il mieux stocker directement les déchets tels qu'ils sont dans le sol de l'Aube, de Meuse ou de Haute-Marne, ou investir dans la recherche et l'innovation, dans une unité de traitement qu'on implantera peut-être à Marcoule, Cadarache, La Hague ou peut-être ailleurs en France, et qui là conduira à des rejets, parce que la radioactivité ne disparaît pas mais décroît dans le temps ?

Mais à travers ces choix techniques que nous devons faire et qui vont nécessiter des investissements, il y a un débat difficile. Est-ce qu'il vaut mieux concentrer la radioactivité dans un sol, où qu'il soit, ou est-ce qu'on la disperse par des rejets dans l'eau ou l'atmosphère ? Ces choix à faire, qui incitent à débattre avec la société, sont parfois très importants pour décider de tel ou tel budget de recherche.

Enfin, en ce qui concerne les déchets de démantèlement et de la possibilité de les recycler, beaucoup parlent des matières valorisables qui peuvent devenir déchets. J'aimerais que l'on discute dans le groupe de travail dees déchets qui pourraient devenir matières. On me dit qu'en France existe un frein aux budgets de R&D sur la décontamination des « objets » radioactifs. C'est peut-être parce qu'une fois qu'ils sont décontaminés, nous n'aurions pas, exception française, la possibilité de les recycler dans le monde industriel normal. Sans remettre en cause l'absence de seuil de libération, ce qui, dans le contexte actuel, me paraîtrait difficilement acceptable, j'aimerais qu'il y ait un débat au sein du groupe de travail du PNGMDR, sur la possibilité de mettre en place, en France, un système opérationnel pour faire face, par exemple, aux 130.000 tonnes de ferrailles du démantèlement de Georges Besse I.

Aujourd'hui, le choix de référence est de les mettre dans le sol de l'Aube. Je ne suis pas sûre que cette perspective enthousiasme les Aubois. Une autre solution serait de les fondre. Dans ce processus de fusion, les ingénieurs me disent qu'on parvient à décontaminer à tel point que ces aciers seront finalement moins contaminés que ceux importés couramment en France pour la manufacture. Ce sont donc des sujets importants. Je pense que le groupe de travail du PNGMDR est suffisamment mature pour avoir une discussion à ce sujet. Cela voudrait dire, peut-être, instaurer un système de contrôle, pour que les associations qui ont des moyens de mesure, comme la CRIIRADE ou l'ACRO, viennent mesurer les lingots à la sortie du four et constater que c'est un acier moins radioactif qu'un acier couramment importé. C'est ce genre de sujet que je souhaiterais voir traiter au sein du groupe de travail du PNGMDR, et peut-être que les ONG y trouveraient pour certaines un peu plus leur compte que de discuter dans le détail des rapports qui deviennent de plus en plus techniques.

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