Intervention de Laurent Stricker

Réunion du 28 février 2013 à 8h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Laurent Stricker, président de WANO, administrateur de l'Andra :

Une première revue du projet de stockage géologique profond a eu lieu avant le lancement de la phase d'esquisse proprement dite. Cette deuxième revue de projet, demandée par la DGEC, a comme objectif de vérifier que tout ce qui doit être fait avant d'engager la phase d'avant-projet est bien réalisé.

Notre lettre de mission précise comment structurer le processus d'évaluation des solutions d'ensemble envisageables : la faisabilité et la flexibilité de la solution retenue, les propositions en matière de réversibilité, le contenu des évolutions pour le programme industriel de gestion des déchets, et l'organisation du projet pour prendre en compte l'expérience nucléaire française. De plus, cette seconde revue devait valider la prise en compte des recommandations de la précédente de 2011. Elle inclut également un objectif sur la méthodologie d'évaluation des coûts du projet, et enfin sur les risques et opportunités qui y sont liés.

Pour organiser cette revue, des experts, français et étrangers, ont été proposés et agréés par la DGEC, dans les nombreux domaines couverts par ce projet : la géologie, la gestion de grands projets, l'ingénierie et l'exploitation d'installations nucléaires, les mines et ventilations associées, les tunnels ou la sûreté, que ce soit au niveau de l'exploitation ou de la construction, en radioprotection, en matière d'incendie.

Ces experts se sont attelés à l'étude d'une base documentaire comportant de l'ordre de deux cents documents, représentant plus de dix mille pages. A cette fin, ils se sont répartis en plusieurs groupes de travail après le lancement de l'étude le 21 novembre dernier. Les experts ont rencontré les producteurs, le maître d'oeuvre système et la direction de l'Andra, notamment la direction du projet Cigéo. Ils ont travaillé non seulement en sous-groupes, mais également lors de réunions plénières qui ont permis de conforter les visions d'experts venant de spécialités différentes, permettant soit de conforter leurs avis, soit de les confronter. Cela a abouti une réunion conclusive de la revue, le 13 février dernier, avec l'ensemble des experts, le commanditaire, l'Autorité de sûreté nucléaire et son appui technique l'IRSN, un représentant de la CNE, le président du Groupe permanent déchet, l'Andra ainsi que les producteurs.

S'agissant des principales conclusions de cette revue, il convient d'abord de souligner, d'une part, le très important travail effectué par l'Andra, depuis le début de la phase industrielle du projet, et, d'autre part, la bonne prise en compte des aspects sociétaux, en lien avec les élus et les pouvoirs publics, le Comité de haut niveau, les discussions avec les communes et les visites du laboratoire, ainsi que, d'une façon plus générale, des recommandations de la revue précédente, ce qui peut montrer l'intérêt de ce type de revue. Je présente les conclusions en trois points : l'organisation générale, des aspects techniques, et des aspects liés aux coûts.

Du point de vue de l'organisation générale, la recommandation la plus importante consiste à bien structurer le projet, pour prendre en compte l'ensemble du périmètre concerné. En un mot, nous avons le projet de stockage souterrain, sa construction et son exploitation, mais bien entendu il faut prendre en compte ce qui se passe en amont, à savoir la création proprement dite du déchet, son conditionnement chez les producteurs, l'entreposage, les contrôles associés, le transport et le stockage. De façon à ce que le projet ait une structure industrielle solide, la revue de projet a fortement suggéré de jalonner les différentes étapes, c'est-à-dire de prévoir plusieurs étapes clé, et, avant de passer à l'étape suivante, de vérifier qu'un certain nombre d'options ont été clairement validées. C'est bien sûr l'objectif donné par la loi du 28 juin 2006, avec la mise en service en 2025, si l'autorisation est donnée. Nous avons insisté sur la nécessité de préciser les conditions de réversibilité qui feront l'objet de la loi de 2016, et également de mettre en évidence les coûts associés à cette réversibilité.

D'un point de vue technique, la revue recommande de compléter ce qui a été fait en matière d'études pour les esquisses avant de passer à la phase d'avant-projet proprement dite, de façon à ce que cette dernière se déroule de manière robuste et que la solution retenue, à savoir bien entendu viser un stockage sûr et réversible, dans les meilleures conditions technico-économiques, soit bien compris par les différents acteurs, toutes les parties prenantes, que toutes les décisions qui seront prises par le maître d'ouvrage se comprennent bien.

La deuxième recommandation est d'établir un référentiel en matière de sûreté nucléaire, de radioprotection, de sécurité et d'environnement. C'est déjà fait sur l'incendie, mais ce sont des choses qui méritent d'être précisées. Les éléments existants de la phase d'esquisse doivent être rassemblés et consolidés, pour valider quelques options techniques telles que les modalités de creusement - quelques travaux restant à compléter pour le tunnelier - les moyens retenus pour la descente des colis, les protections, les ruptures de charge entre l'arrivée et le stockage proprement dit et l'amélioration de la standardisation des colis, pour faciliter leur manutention, leur stockage et leur récupérabilité. De même, il serait possible d'optimiser le nombre, le diamètre, la longueur, le taux et le rythme de remplissage des alvéoles, toujours pour optimiser l'exploitation.

Les coûts ne faisaient pas partie du champ de la revue. En revanche, la méthodologie a été analysée, ce qui amène à plusieurs recommandations : structurer les différents postes de coûts de façon à bien délimiter coûts de construction, d'exploitation, de maintenance, de rénovation et leur actualisation sur la durée, préciser les marges pour aléas prises, de façon à mieux évaluer l'enveloppe globale et les incertitudes, et mettre en place, le moment venu, un dispositif incitatif rigoureux de suivi des contrats avec les différents maîtres d'oeuvre.

Enfin, il conviendra de procéder périodiquement à une analyse du risque projet et de vérifier l'adéquation des parades, car compte tenu de la durée du projet, il est peu probable que l'on soit capable de lister tous les risques dès 2013.

Pour conclure, l'objectif des experts durant l'étude et lors de la rédaction de leurs recommandations, était d'aider le maître d'ouvrage et de prendre en compte les différentes parties prenantes, de façon à ce que l'on puisse engager la partie d'avant-projet dans les meilleures conditions possibles.

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