Intervention de Jean-Claude Duplessy

Réunion du 28 février 2013 à 8h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Jean-Claude Duplessy, président de la CNE :

La Commission nationale d'évaluation, créée par la loi Bataille de 1991, renouvelée par la loi de 2006, travaille en toute indépendance et remet chaque année à l'Office parlementaire un rapport sur les études et recherches sur la gestion des matières et déchets radioactifs qu'elle a suivies au travers de ses auditions.

Tout d'abord, concernant les acquis des quinze dernières années d'études et de recherches, nous considérons que l'Andra a tiré parti au maximum des études qu'elle a menées dans toute la zone d'intérêt pour une reconnaissance approfondie. Cela concerne la géologie, la sismique 3D et le modèle hydrogéologique, parvenus au degré de maturité que nous souhaitions. Nous considérons également que d'une part les verres dans lesquels sont mis les déchets de très haute activité à vie longue, et d'autre part l'argile de cette zone, assurent réellement un confinement des radionucléides pour des centaines de milliers d'années. Le site géologique de Meuse-Haute-Marne révèle d'excellentes qualités de confinement, et par conséquent il nous paraît clair que les acquis scientifiques autorisent à passer à la phase industrielle concrète de réalisation des opérations. Toutefois il reste encore des choses à faire, et j'en parlerai longuement à la fin.

Nous considérons que le débat public et l'examen en 2015 de la demande de création de stockage seront des jalons importants. Pour le passage à la phase industrielle, nous avons reçu les esquisses préliminaires. Nous avons noté qu'elles respectent le cahier des charges élaboré par l'Andra, qu'elles portent une attention à la sécurité du personnel et à la sécurité à long terme. La commission est sensible à ces précautions et les approuve. Je vais répéter ce qu'a dit Mme Evrard et je m'en excuse d'avance auprès d'elle. Nous considérons que la démarche de sûreté ne se limite pas à chercher la solution la moins coûteuse qui respecte un niveau donné d'impact radiologique, mais elle consiste aussi à rechercher l'impact le plus faible possible qui reste techniquement et économiquement réalisable. Nous considérons que dans les documents que nous avons reçus jusqu'en janvier 2013, l'Andra s'est correctement inscrite dans cette démarche.

Je ne parlerai pas des bitumes, puisque je constate avec plaisir que le CEA et l'Andra ont décidé de suivre nos recommandations. Je voudrais juste dire un mot sur la réversibilité. Nous allons remettre à Mme la ministre de l'Environnement l'avis de la commission sur le document de réversibilité de l'Andra. Nous prenons toujours collectivement nos décisions, donc je vous en parlerai très peu afin de réserver la primeur de nos avis à Mme la ministre. Toutefois, je rappelle que nous avons, depuis dix ans, toujours dit qu'il ne faut pas oublier que la vocation du stockage est d'être scellé pour que soit garantie une sûreté passive à long terme. Si des contradictions devaient apparaître entre réversibilité et sûreté passive à long terme, alors la priorité devrait être donnée à cette dernière, sans jamais altérer la sûreté des travailleurs.

J'en viens aux aspects restant à approfondir. Au plan de la géologie, nous estimons que l'Andra a tiré toutes les informations qu'elle pouvait et que s'il reste des choses à faire, car il peut toujours y avoir des surprises en milieu géologique, il faut mettre en route le stockage pour pouvoir poursuivre les études. Nous recommandons qu'un programme d'acquisition de telles informations soit prévu dans le cahier des charges. D'autre part, nous disons qu'il y a des expériences à poursuivre dans le laboratoire souterrain, notamment parce qu'il y a des études de très long terme qui peuvent être menées pour les creusements de galeries et la diffusion. Par ailleurs, nous recommandons qu'un programme d'expériences de longue durée soit aussi réalisé dans le stockage, par exemple pour la mise en oeuvre d'un scellement à l'échelle un. Pour étudier le comportement des alvéoles, il faut commencer par ces études qui ne pourront être menées correctement que dans le site même.

Un point important concerne le comportement mécanique différé de la roche. Nous recommandons que le dimensionnement des ouvrages s'appuie sur des bases scientifiques robustes, et que l'Andra poursuive l'effort qu'elle a mené pour parvenir à un résultat satisfaisant avant le dépôt de la demande de création du stockage. Dernier point de long terme : l'observatoire pérenne de l'environnement. Nous approuvons sans réserve l'action de l'Andra. Nous recommandons la mise en place d'une surveillance épidémiologique raisonnable, et d'un site environnemental témoin éloigné de la zone de stockage.

Brièvement, pour terminer, nous attendons deux informations : l'une sur le coût du stockage et l'autre, rejoignant les préoccupations exprimées par les associations, sur les installations de surface. Il est essentiel que l'Andra ne réalise qu'un entreposage tampon, destiné à fluidifier la gestion du stockage, et non à accroître les capacités d'entreposage de l'ensemble des producteurs de déchets. Nous insistons également sur l'absolue nécessité d'une procédure d'admission et de contrôle des colis rigoureuse, laquelle nécessitera des installations permettant l'examen et éventuellement le reconditionnement des colis défectueux à leur arrivée.

Je m'excuse d'avoir été un peu long M. le président, mais j'ai condensé d'un facteur deux mon exposé.

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