Intervention de Lionel Maurel

Réunion du 10 avril 2013 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Lionel Maurel, confondateur du collectif SavoirsCom :

Deux accords de partenariats ont été conclus, respectivement sur un corpus de 70 000 livres anciens de 470 à 1701 – le coeur patrimonial des collections imprimées de la BnF –, ainsi qu'un corpus d'enregistrements sonores de 190 000 disques édités de 1900 à 1962 qui représentent 700 000 titres.

Ces partenariats s'inscrivent dans le cadre des investissements d'avenir, les fonds dégagés devant avoir un effet de levier afin que des partenaires privés engagent également des financements.

En contrepartie, s'agissant des livres, le partenaire ProQuest bénéficie d'une exclusivité de dix ans, les collections n'étant pas accessibles gratuitement sur internet. Il faudra, pour les consulter, accéder à la base de données que ProQuest commercialisera, notamment auprès d'autres établissements documentaires français et étrangers.

S'agissant des enregistrements sonores, les prestataires Memnon Archiving services et Believe Digital ont été retenus pour assurer leur commercialisation et les mettre à disposition.

Les exclusivités consenties au bénéfice de ces partenaires privés constituent des enclosures remettant très fortement en cause la notion même de domaine public.

Tout d'abord, la façon dont ces accords ont été conçus est opaque. Nous avons alerté votre Commission parce que nous ne parvenons pas à accéder aux informations essentielles permettant d'évaluer la nature de ces partenariats et d'engager un débat public serein. Ils n'ont d'ailleurs pas été publiés, contrairement au voeu exprimé dès le 18 janvier par nombre d'associations.

Cela soulève le rôle du Parlement et de votre Commission dans le contrôle des institutions culturelles. M. le député Rogemont a posé une question au Gouvernement concernant les éventuels déséquilibres de ces partenariats, laquelle est restée sans réponse pendant des mois, jusqu'au 29 janvier, après que leur annonce officielle a été effectuée. En l'occurrence, la ministre de la culture a indiqué que les accords sont à la disposition des assemblées parlementaires qui en feraient la demande. Or, vous ne disposez que des seuls éléments de langage transmis par le BnF qui ne contiennent d'ailleurs rien de plus que ce qu'elle a déjà mis en ligne sur son site.

Nous attirons également votre attention sur le dysfonctionnement de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) puisque le site d'informations Actualitté a formulé une demande qui est toujours en cours d'instruction, dépassant ainsi le délai d'un mois fixé par décret, lequel avait été respecté voilà quelques années s'agissant de l'accès aux accords que Google avait conclus avec la Bibliothèque municipale de Lyon.

Nous vous alertons aussi sur le grave déséquilibre existant par rapport à certains pays étrangers : au Royaume-Uni, les accords conclus par Google avec les bibliothèques ont été rendus publics par l'équivalent de la CADA ; au Pays-Bas, la bibliothèque royale a d'elle-même procédé de la sorte ; aux États-Unis, il est également possible d'accéder à de nombreux accords conclus par les bibliothèques.

On argue parfois que l'accord a été conclu entre deux personnes privées, la filiale de la BnF et ces opérateurs, mais s'il suffit, pour des établissements publics, de créer une filiale pour se dédouaner des conditions minimales de transparence, nous avons toutes les raisons de nous inquiéter !

Enfin, une pétition signée par plus de 10 000 citoyens demande instamment la publication de ces accords et un vrai débat de fond sur l'équilibre de ces contrats.

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