Sans un accès gratuit en ligne des oeuvres du domaine public, la raison d'être de la numérisation reste problématique. Le domaine public implique une libre réutilisation des oeuvres par tous, laquelle demeure largement théorique si les oeuvres restent sous forme physique – et d'autant plus s'agissant des oeuvres figurant dans ce corpus, l'accès à la réserve de la BnF étant relativement complexe.
Le domaine public ne prend tout son sens que dans le cadre d'une numérisation des oeuvres suivie d'une mise en ligne, puis, de la gratuité de leur usage. Selon l'informaticien Philippe Aigrain, « c'est lorsqu'une oeuvre a été numérisée que la notion de domaine public prend vraiment tout son sens puisqu'elle peut alors être infiniment copiée et que l'accès ne fait qu'en augmenter la valeur. L'acte de numérisation d'une oeuvre du domaine public est un acte qui crée des droits pour tout un chacun, pas un acte au nom duquel on pourrait nous en priver. » L'acte de numérisation, hélas, est une occasion que nombre d'institutions culturelles utilisent pour faire renaître une couche de droits sur le domaine public, ce qui est très problématique puisque, à terme, l'existence même de cette notion sera annulée dans l'environnement numérique.
Plus largement, cette question soulève également celle de l'équilibre des partenariats public-privé (PPP), de leur impact sur les finances publiques et sur la réalisation des objectifs d'intérêt général. Selon le dernier rapport de l'Inspection générale des finances, les PPP peuvent entraîner des risques sur un plan budgétaire. La BnF a longuement fait valoir un argument financier pour les justifier mais nous montrerons qu'il est loin d'être valable si l'on se saisit globalement du problème – pas seulement en termes de budget de la BnF mais sur le plan plus général des finances publiques, y compris celles des collectivités territoriales et des universités.