Intervention de Lionel Maurel

Réunion du 10 avril 2013 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Lionel Maurel, confondateur du collectif SavoirsCom :

Les exclusivités durent donc dix ans et, à leur terme, les oeuvres peuvent être théoriquement mises en ligne gratuitement. Cela est néanmoins fort long à l'échelle d'internet. Songeons à ce qu'était le paysage numérique il y a une dizaine d'années et à ce qu'il sera dans dix ans ! Il est grave que des corpus aussi essentiels soient soustraits à une telle dynamique.

De plus, il existe deux sortes d'exclusivité : l'exclusivité d'accès qui interdit la mise en ligne des oeuvres, et l'exclusivité commerciale qui réserve à un seul acteur la possibilité d'en faire commerce. L'exclusivité d'accès aurait dû être un terminus ad quem et n'aurait jamais dû être acceptée comme l'estimait d'ailleurs le rapport du « Comité des sages » européens définissant l'équilibre de ces partenariats : « Les institutions culturelles doivent faciliter le plus possible l'accès et la réutilisation des oeuvres du domaine public ayant fait l'objet d'une numérisation. Cet accès doit être rendu possible au-delà des seules frontières nationales et devenir l'une des conditions pour obtenir un financement public à des fins de numérisation. » La BnF aurait dû faire de l'accès en ligne l'une des conditions non négociable des partenariats.

Dans le cadre des partenariats avec Google – même si nous ne sommes pas des défenseurs acharnés de cet acteur de la numérisation, notamment pour des raisons qui tiennent au pluralisme et à un risque de constitution d'un monopole –, les oeuvres sont en l'occurrence immédiatement accessibles en ligne comme c'est le cas avec la bibliothèque de Lyon. La semaine dernière, la Bibliothèque royale des Pays-Bas, quant à elle, a mis en libre accès gratuit sur son site 80 000 ouvrages du domaine public numérisés par Google.

Le contrat signé par la BnF avec ProQuest est le plus mauvais qui ait été conclu en Europe. ProQuest a signé des accords avec une grande bibliothèque anglaise, la Bibliothèque royale des Pays-Bas, la Bibliothèque royale du Danemark et les bibliothèques nationales italiennes. Dans tous les cas, l'accès en ligne est gratuit pour les habitants du pays concerné via le contrôle de l'adresse IP des usagers. La France est le seul pays dans lequel la réservation d'accès sur place a été maintenue. Pourquoi ? Parce que nous sommes le seul pays dans lequel la bibliothèque partenaire est intéressée commercialement, à travers sa filiale, à la vente de la base. Dans tous les autres pays, ProQuest numérise à ses frais, les bibliothèques n'étant pas intéressées aux retours financiers. Nous sommes donc dans une situation un peu perverse.

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