Intervention de Silvère Mercier

Réunion du 10 avril 2013 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Silvère Mercier, cofondateur du collectif SavoirsCom :

M. Bruno Racine a reçu l'ensemble des associations professionnelles des bibliothèques, dont l'Association des directeurs et personnels de direction des Bibliothèques universitaires et de la documentation, l'Association des bibliothécaires de France – qui compte 3 000 membres – et l'Inter-association Archives Bibliothèques Documentation (IABD) qui regroupe une quinzaine d'associations. Il leur a fait valoir l'achat de l'accès aux oeuvres en licences nationales pour l'ensemble des bibliothèques d'enseignement supérieur et de recherche mais 60 millions d'euros de crédits, là encore étrangement issus des investissements d'avenir, sont néanmoins prévus afin d'acheter de la documentation à l'ensemble de ces bibliothèques ainsi qu'à certaines grandes bibliothèques territoriales. Financera-t-on la numérisation à partir des fonds du grand emprunt en même temps que les oeuvres numérisées seront achetées pour les bibliothèques avec, je le répète, l'argent du grand emprunt ? Nous nous interrogeons, à tout le moins, sur un tel montage financier.

SavoirsCom1 ne préconise pas un accès gratuit dans l'ensemble des bibliothèques françaises mais un accès gratuit pour tous sur internet parce que l'ensemble des citoyens, bien au-delà des chercheurs, est susceptible de se réapproprier les éléments du domaine public.

Je précise également que les dix ans d'exclusivité sont « glissants » et commencent pour chaque oeuvre au moment de leur publication sur le réseau.

En France, et c'est naturel, le domaine public fait l'objet d'une exploitation commerciale. En 2008, une étude du MOTif, l'observatoire du livre et de l'écrit de la région Île-de-France, a ainsi montré que deux acteurs majeurs, Gallimard et Hachette, profitent économiquement de la numérisation et de la réédition d'un certain nombre d'oeuvres qui sont dans le domaine public. Mais veut-on donc financer ProQuest ou favoriser une réactualisation commerciale ?

La Bnf, quant à elle, pourra au cas par cas exploiter commercialement un titre dans la période d'exclusivité sous réserve de ne pas faire concurrence à la base ProQuest et donc, de ne pas réaliser une base de données équivalente.

D'un côté, des éditeurs français pourraient tirer partie de l'opération et, de l'autre, une entreprise américaine de 1 500 salariés se situe dans une dynamique de développement économique qui la transforme peu à peu en multinationale dans le domaine de l'information.

S'agissant du financement, il est certes possible de nous considérer comme des idéalistes mais je vous invite à vous reporter au très intéressant rapport de M. le député Françaix sur les aides à la presse, à la fois directes et postales. Elles sont attribuées par l'État à hauteur de 23,5 millions d'euros pour les cinq titres suivants, qui sont éminemment culturels : Télé 7 Jours, Télé Star, Télé Loisirs, Télé Z et Télécâble Sat Hebdo. Une telle somme annuelle représente un petit peu moins que la totalité du budget du CNL, lequel consacre 15 millions d'euros, sur trois ans, à la numérisation.

La vision « économiciste » de ce problème doit donc être remise en cause et en perspective du strict point de vue de l'efficacité des aides publiques à un certain nombre d'entreprises.

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