Intervention de Marcel Rogemont

Réunion du 10 avril 2013 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarcel Rogemont :

Alors que l'internet est gouverné par un oligopole, la question de l'accès de tous aux oeuvres de l'esprit se pose avec acuité. Notre Commission s'intéresse à ces choses de longue date : le 25 novembre 2009 déjà, vous participiez, monsieur Racine, à la table ronde consacrée en ces lieux à la numérisation des oeuvres du patrimoine écrit. Nous souhaitons une nouvelle fois connaître les initiatives prises par la BnF à ce sujet. Il ne s'agit pas de prononcer un jugement de valeur. Le groupe SRC n'entend nullement dire, par exemple, que la BnF n'aurait rien fait en matière de numérisation ; nous vous remercions au contraire de vous être mobilisés à cette fin.

Le contexte est propre à des accords de différentes sortes ; on sait, par exemple, qu'en Italie l'accès aux fonds de nombreuses bibliothèques publiques ne se fait pas par Europeana mais par le biais de Google Books, un choix qui s'écarte des recommandations du « Comité des sages ». Le 25 novembre 2009, vous déclariez pour votre part : « Nous avons besoin d'un cadre européen pour aborder la question de la numérisation » ; dont acte. En janvier 2011, dans le rapport qu'il remettait à Mme Neelie Kroes et à Mme Androulla Vassiliou, commissaires européennes, le « Comité des sages » recommandait en particulier que les États membres garantissent « que tout le matériel numérisé grâce à des fonds publics [soit] accessible sur le site Europeana » et qu'ils permettent que « tous leurs chefs-d'oeuvre du domaine public [soient] sur Europeana d'ici à 2016 ». Le « Comité des sages » évoquait par ailleurs l'éventualité de partenariats public-privé en recommandant de les encadrer.

Vous avez expliqué que les partenariats public-privé que vous avez signés trouvent leur place dans le cadre des investissements d'avenir. Mais ne visaient-ils pas à soutenir des entreprises françaises ? Ce que vous nous avez présenté n'entre pas dans ce cadre. Pourriez-vous expliciter la procédure de lancement de ces partenariats ?

Jusqu'à présent, le CNL versait à la BnF une subvention annuelle de 6 millions d'euros dont 4 millions étaient destinés à la numérisation proprement dite et 2 millions à la maintenance du dispositif, et la BnF consacrait elle-même 1 million d'euros à la numérisation. Qu'en sera-t-il une fois le contrat avec ProQuest entré en vigueur ? Les 5 millions d'euros attendus de BnF-Partenariats sont-ils ceux-là ?

Autre recommandation du « Comité des sages » : « L'accès privilégié au matériel numérisé accordé au partenaire privé ne devrait pas être octroyé pour une période de plus de sept ans ». Pourquoi, alors que vous êtes attaché au respect des recommandations du Comité, avez-vous concédé un accès privilégié pendant dix ans ?

Nous ne connaissons pas les détails du contrat que vous avez passé, mais la manière dont vous nous avez présenté les choses m'incline à penser que, puisque des aides publiques seront accordées aux chercheurs et aux universités qui auront besoin de consulter certaines des publications numérisées, on assistera en fait à un transfert d'argent public. Qui, en bref, paiera les droits d'accès aux documents numérisés? Quels seront les clients autres que publics ? Je comprends que vous cherchiez à enclencher un cercle vertueux, BnF-Partenariats réinvestissant dans la numérisation les produits de la commercialisation. Cependant, le schéma imaginé peut laisser craindre que l'on ait en réalité créé une usine à gaz destinée à financer la numérisation par des fonds publics jusque-là manquants.

Ce disant, je ne cherche aucunement à discréditer le fonctionnement de la BnF ; votre toute récente reconduction à la tête de l'établissement montre d'ailleurs que votre travail est apprécié. Il n'empêche : des précisions sur le financement de cette opération et sur l'accès du public aux fonds patrimoniaux seront bienvenues.

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