Intervention de Isabelle Attard

Réunion du 10 avril 2013 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Attard :

Monsieur Racine, où sont ces contrats de partenariat public-privé ? Le résumé en quelques pages que vous nous avez transmis n'en tient pas lieu ; en particulier, tout contrat doit contenir un cahier des charges technique dont je ne vois pas trace. Pourtant, le 29 janvier dernier, en réponse à une question de M. Marcel Rogemont, la ministre de la culture et de la communication a indiqué que ces contrats pourraient être communiqués aux parlementaires. Alors que la question avait été posée en octobre 2012, vous avez attendu le 5 février 2013 pour solliciter l'avis de la CADA. De plus, celle-ci se prononce sur l'accès des citoyens aux documents administratifs ; mais il s'agit ici de parlementaires, parfaitement capables de lire l'intégralité d'un contrat sans qu'il soit besoin de le leur présenter sous une forme prémâchée. Le groupe écologiste considère que contrôle parlementaire doit s'exercer sur la BnF, établissement public, et je ne vois pas comment le Parlement peut remplir sa mission s'il ne dispose pas des documents nécessaires à ce contrôle.

La création d'une filiale, BnF-Partenariats – laquelle, bien qu'elle soit financée par des fonds publics, est une société par actions simplifiée à associé unique, entreprise privée – vous permet de bénéficier des ressources du Fonds national pour la société numérique. Le rôle de la BnF est de conserver des oeuvres et elle le fait très bien. Il est vrai que si ces oeuvres restent dans les réserves, cela ne sert pas à grand-chose ; la deuxième mission de la BnF est donc d'assurer leur diffusion. La création de l'internet, en 1990, a été une révolution dans le partage du savoir, en permettant de rendre accessible à tous le contenu des réserves de toutes les bibliothèques. Vous avez expliqué que 5 % du fonds numérisé dans le cadre de ce contrat serait mis en ligne gratuitement. Comment ces titres seront-ils choisis ? Comment jugerez-vous de leur intérêt scientifique quand vous partez du principe qu'il faut être chercheur et latiniste pour s'intéresser à ces documents ? Il s'agit pourtant de rendre ces oeuvres accessibles à tous les chercheurs potentiels, à tous ceux que le savoir intéresse.

Quant à la consultation dite gratuite, sur place, à la BnF, elle induit de facto une discrimination géographique et financière entre les étudiants et entre les chercheurs selon qu'ils habitent la région parisienne ou la province. Vous avez parlé d'un accord passé avec les bibliothèques universitaires pendant la durée d'exclusivité concédée. Outre que dix ans, c'est bien long, devront-elles payer un abonnement ? Si c'est cela, c'est un curieux schéma, l'argent public finançant d'autres développements publics. Pourquoi ne pas avoir opté, comme on l'a fait en Allemagne, au Danemark, en Italie, en Grande-Bretagne, pour la gratuité de l'accès au fonds dans le pays hôte, avec un financement uniquement privé ? Est-ce parce que, contrairement aux autres bibliothèques nationales, la BnF est intéressée financièrement à la commercialisation de sa base de données ? Si c'est le cas, j'en déduis que vous avez privilégié sciemment les rentrées d'argent à la communication des oeuvres au public.

Par ailleurs, des membres du personnel de la BnF sont déjà mis à la disposition de BnF-Partenariats pour préparer le développement de la numérisation avec ProQuest. L'effectif de la BnF – dont, en ma qualité d'utilisatrice frénétique de Gallica, je salue le remarquable travail – est pourtant suffisamment restreint pour ne pas être affecté à des tâches annexes.

Enfin, comment la BnF peut-elle accorder une exclusivité à une société privée alors que la loi de 1978 prévoit en son article 14 que « la réutilisation d'informations publiques ne peut faire l'objet d'un droit d'exclusivité accordé à un tiers, sauf si un tel droit est nécessaire à l'exercice d'une mission de service public » ?

Peut-être aurons-nous l'occasion de vous entendre à nouveau pour évoquer le projet « ReLIRE » – le registre des livres indisponibles en réédition électronique –, qui pose d'autres problèmes.

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