Intervention de Jean Ludovic Silicani

Réunion du 10 avril 2013 à 10h00
Commission des affaires économiques

Jean Ludovic Silicani, président de l'ARCEP :

Je vous remercie, monsieur le président, de nous avoir invités à cet échange : il me paraît fort utile que les autorités administratives indépendantes soient placées sous le contrôle du Parlement, comme du juge d'ailleurs.

J'ai depuis quinze ans la profonde conviction – liée à ma formation et à mon expérience – que l'État doit jouer un rôle de régulateur. L'économie de marché – seul système qui fonctionne – doit être régulée non seulement par des autorités telles que l'Autorité de la concurrence ou l'ARCEP, mais plus généralement par des politiques publiques relevant du Gouvernement et du Parlement. Seules certaines politiques spécifiquement délimitées par le législateur – qui, souvent, transpose des directives européennes – relèvent d'autorités indépendantes, notamment lorsqu'un opérateur est propriété de l'État, ce qui risque de placer ce dernier en situation de conflit d'intérêts.

Ce secteur étant régulé, il appartient au Gouvernement de mener une politique publique d'investissement, de recherche, de fiscalité et de formation, les autorités indépendantes étant pour leur part chargées d'assurer l'animation concurrentielle du marché. Nombreuses sont les entreprises et les décideurs politiques qui partagent une vision naïve – ou faussement naïve – selon laquelle la concurrence existe spontanément dans l'économie alors que sans intervention publique, les grands groupes capitalistes ont tendance à se concentrer massivement et à constituer des monopoles et des oligopoles. L'intervention de l'État est donc nécessaire pour animer la concurrence.

La construction de ce système concurrentiel s'effectue en deux temps. La régulation ex ante est l'oeuvre du régulateur sectoriel, sorte d'architecte contribuant à construire un marché – ex nihilo lorsque la situation d'origine est monopolistique – en fixant des règles, en procédant à des consultations publiques et à des auditions de l'ensemble des acteurs du secteur et en menant des études et des expérimentations. Une fois le marché construit, on en assure le suivi en fixant des règles symétriques ou asymétriques en ce qui concerne les réseaux fixes, ou en attribuant des fréquences sur les réseaux mobiles. Il appartient ensuite à l'Autorité de la concurrence d'observer ex post – et éventuellement de sanctionner – les défaillances du marché. Celle-ci rend également des avis définissant les objectifs généraux et des lignes directrices pour les acteurs économiques.

Lorsqu'une autorité de régulation telle que l'ARCEP souhaite construire une économie de marché à partir d'une situation de monopole, elle se retrouve confrontée à la fois aux opposants à l'économie de marché et aux adversaires de l'intervention publique – ce qui n'est pas peu dire dans un pays tel que la France ! Je me méfie d'ailleurs des secteurs dans lesquels on ne critique jamais le régulateur …

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