Intervention de Jean Ludovic Silicani

Réunion du 10 avril 2013 à 10h00
Commission des affaires économiques

Jean Ludovic Silicani, président de l'ARCEP :

Je ne citerai personne en particulier. Toujours est-il qu'un régulateur doit prendre des décisions difficiles : après concertation, il lui revient de fixer des règles du jeu et éventuellement de sanctionner les acteurs – comme nous l'avons fait en 2009 en mettant Orange et SFR en demeure de respecter leurs engagements de déploiement de la 3G.

Et dès mars 2012, l'ARCEP a indiqué, lors d'un point presse consécutif au lancement de Free mobile, qu'elle était suffisamment armée pour assurer le suivi du déploiement du réseau du quatrième opérateur mobile, dans des conditions tout à fait différentes de celles de ses prédécesseurs puisqu'il ne dispose pas d'un réseau 2G. Nous lui avons donc accordé un droit à l'itinérance 2G pour une durée maximale de six ans. Par symétrie, les autres opérateurs se sont vu imposer l'obligation de lui fournir cette itinérance 2G dans le cadre de la licence 3G attribuée dans les années 2000 aux opérateurs historiques et il était possible d'utiliser un droit à l'itinérance dans le cadre de la licence accordée à Free à la fin de l'année 2009 et au début de l'année 2010. En revanche, nous ne pouvions accorder l'itinérance 3G à Free puisque les autres opérateurs n'avaient pas l'obligation de la lui fournir. C'est pourquoi l'Autorité de la concurrence a recommandé une itinérance 3G cadrée dans le temps.

Cet exemple illustre à quel point nos deux autorités jouent un rôle complémentaire dans la définition des règles du jeu. La mutualisation des réseaux constitue ainsi une nuance apportée à la règle de concurrence par les infrastructures. Quant à l'attribution de la licence 4G, pour la première fois en Europe, nous encourageons la mutualisation dans une vaste zone, appelée zone prioritaire de déploiement, qui correspond à 62 % du territoire. Un opérateur pourra donc bénéficier de la mutualisation si sa demande est raisonnable.

Appartenant au domaine public de l'État, le spectre hertzien est un bien rare et cher qu'il nous faut éviter de gaspiller. Or, depuis l'origine, dans les années 90, les licences ont toujours été spécifiquement réservées à une technologie ou à un usage précis. Loin d'être optimale, cette solution a conduit certains opérateurs à sous-utiliser leurs fréquences – la bande de 1800 MHz, qui avait été attribuée il y a près de vingt ans à la 2G, était ainsi sous-utilisée par des opérateurs tels que Bouygues Télécom – alors que les besoins de fréquence sont croissants pour le très haut débit. Et si nous avons attribué des licences pour la 4G à la fin de l'année 2011 et au début de l'année 2012, nous savons pertinemment que nous aurons rapidement besoin de fréquences supplémentaires.

C'est pourquoi, en août 2011, la France a transposé une recommandation communautaire préconisant d'optimiser ces fréquences en neutralisant chaque bande – une bande de fréquences pourra être utilisée pour tous les usages. Cette neutralisation sera automatique en 2016, mais les opérateurs sont autorisés à en bénéficier par anticipation, ce qu'a fait Bouygues. Avant de la lui autoriser à titre temporaire, nous avons vérifié, d'une part, si cela risquait de déséquilibrer le marché concurrentiel, et d'autre part, si cette autorisation risquait à elle seule de mettre en péril les objectifs d'innovation, de compétitivité et d'emploi. Nous en avons conclu que cette mesure transitoire n'occasionnait aucune distorsion de concurrence et qu'elle favorisait l'innovation en accélérant le déploiement de la 4G. Quant aux conséquences de cette décision sur les autres opérateurs, rien ne permet de conclure qu'elle risque de porter atteinte à leur chiffre d'affaires et à l'emploi dans le secteur.

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