Intervention de Brigitte Allain

Réunion du 10 avril 2013 à 10h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBrigitte Allain :

Cette audition arrive à point nommé, alors que le Gouvernement vient de publier sa feuille de route pour le numérique, et a annoncé l'insertion d'un volet consacré à l'aménagement numérique dans le projet de loi de décentralisation à venir.

La concurrence me paraît plus dommageable à long terme que la coopération : si elle fait baisser les prix pour le consommateur dans un premier temps, elle a également pour effet de déstructurer l'offre, et par conséquent les emplois du secteur et la qualité de service – à l'inverse de l'objectif visé initialement. Lorsque le téléphone fut rendu accessible à tous, parce qu'il s'agissait d'un service public, les bénéfices réalisés dans les zones denses permettaient d'équiper les zones moins denses et par conséquent moins rentables du territoire. À l'inverse, le plan numérique du Gouvernement privatise ces bénéfices, laissant à l'État le soin de financer les zones les moins denses : cela ne correspond-il pas à une forme de concurrence déloyale ?

Dans la filière des télécoms, cette concurrence a été si féroce et rapide qu'il n'a guère fallu attendre longtemps pour en ressentir les effets néfastes : dès 2012, tous les opérateurs ont annoncé des plans de licenciement – 856 suppressions d'emploi chez SFR, 566 chez Bouygues, le non-remplacement des départs à la retraite chez France Télécom, sans parler des conséquences subies par les équipementiers ou les centres d'appel. Dans un tel contexte, les acteurs sont-ils encore en mesure d'investir dans la recherche-développement et les technologies innovantes ?

Par ailleurs, les inégalités d'accès aux nouvelles technologies demeurent très fortes en France : ainsi, 75 % des cadres supérieurs disposent d'une connexion internet à domicile, contre seulement 24 % des ouvriers, 15 % des retraités et 13 % des non diplômés. Tout le monde n'a donc pas le même accès aux outils informatiques.

Le Gouvernement s'est récemment fixé l'objectif d'une couverture de 50 % du territoire en très haut débit d'ici à 2017 : comment améliorer la situation des 50 % non servis dans un délai acceptable ? Comment l'Autorité de la concurrence peut-elle assurer l'égalité d'accès des citoyens et des territoires à la technologie numérique ?

Enfin, comment qualifieriez-vous l'état de vos relations avec les opérateurs ? Le système actuel garantit-il véritablement l'indépendance des autorités régulatrices ? Le poids politique des opérateurs n'est-il pas supérieur au pouvoir juridique du régulateur, comme nous l'avons vu récemment lors de l'examen de la proposition du groupe écologiste relative aux ondes électromagnétiques ?

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