Intervention de Jean Ludovic Silicani

Réunion du 10 avril 2013 à 10h00
Commission des affaires économiques

Jean Ludovic Silicani, président de l'ARCEP :

S'agissant du rapport des deux ministres évoqué par M. Chassaigne, je suggère à celui-ci de demander aux ministres eux-mêmes de lui en préciser le contenu.

Il est tout à fait légitime de s'interroger sur l'impact de l'arrivée d'un quatrième opérateur sur le secteur des télécommunications en 2012. J'observerai d'abord que les évolutions que celui-ci a connues en France ont été observées dans tous les pays développés. Il est vrai que le marché a été mouvementé en 2012, mais l'économie c'est le mouvement. La question est de savoir si ces mutations ont été globalement positives ou négatives. Ma formation d'ingénieur m'incite à regarder les faits avant de les commenter.

Je résumerai ces faits en trois chiffres. Globalement, le secteur des télécommunications en France a connu une baisse de 3,5 % de son chiffre d'affaires, qui traduit exactement la baisse du tarif des terminaisons d'appel. Si on déduit l'effet de cette baisse, le chiffre d'affaires du secteur est resté stable en 2012, à l'inverse de ce que certains prophétisaient. Je rappelle que dans d'autres pays européens, qui n'ont pas connu l'arrivée d'un nouvel opérateur, le chiffre d'affaires du secteur a baissé : je pense notamment à l'Allemagne.

Deuxièmement, avec près de 9,5 milliards d'euros, les investissements dans le secteur ont atteint en 2012 un niveau record. L'achat de fréquences effectué en janvier 2012 représentant 2,5 milliards, il reste 7 milliards d'investissements physiques dans les réseaux, anciens ou nouveaux, ce qui est exceptionnel. C'est là un point extrêmement important pour le régulateur, les investissements permettant l'innovation et la croissance – c'est pourquoi nous veillons à ce qu'ils se maintiennent à un niveau suffisant dans les années qui viennent.

J'en viens au sujet de l'emploi, sujet délicat pour le régulateur qui sera critiqué, quelle que soit sa réponse. Si nous ne disons rien, on nous accuse de ne pas nous intéresser à la question ; si nous disons que l'emploi risque de baisser, comme je l'ai fait l'année dernière, on nous reproche d'être porteur de mauvaises nouvelles. Et si nous disons qu'il ne baisse pas, on nous dit que nous sommes aveugles.

Je prends cependant le risque de vous exposer les faits, en m'appuyant sur les chiffres qui sont ceux des opérateurs eux-mêmes. Le nombre d'emplois directs des opérateurs est resté stable en 2012, autour de 127 000. S'agissant des emplois indirects, il faut distinguer l'amont, c'est-à-dire les entreprises qui vendent des biens ou des services aux opérateurs – équipementiers, centres d'appel, boutiques – et l'aval, soit les entreprises qui leur achètent des services de communication en ligne. En amont, les effectifs des plus petits équipementiers ont cru, alors qu'ils ont baissé chez les plus importants, notamment chez Alcatel-Lucent. Ce serait accorder une importance excessive aux décisions de l'ARCEP que de penser que la diminution des effectifs de cette entreprise est due à l'arrivée d'un quatrième opérateur. Au risque de paraître politiquement incorrect, j'y verrais plutôt la conséquence d'erreurs de management gravissimes commises il y a plusieurs années. Par ailleurs, alors que le marché des opérateurs de télécommunications est un marché national, celui des équipements est un marché mondial et non régulé, où la baisse constante des prix est due à une concurrence exacerbée et à la baisse des coûts. Dans la mesure où nous sommes susceptibles d'avoir une influence positive dans ce domaine, nous sommes disposés à travailler avec les équipementiers, notamment dans le cadre du comité de filière.

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