Intervention de Jean Ludovic Silicani

Réunion du 10 avril 2013 à 10h00
Commission des affaires économiques

Jean Ludovic Silicani, président de l'ARCEP :

La question est d'importance en effet. Comme vous le savez, l'importation d'équipements sensibles, notamment de coeur de réseaux, est déjà soumise à une procédure d'autorisation préalable par le secrétariat général de la défense nationale, service rattaché au Premier ministre. J'ai cru comprendre que le Gouvernement et certains parlementaires réfléchissaient à l'opportunité de durcir la réglementation dans ce domaine, voire d'interdire totalement l'importation de certains équipements. En tout état de cause, une telle décision relève du cadre communautaire et excède les compétences du régulateur des télécommunications.

En ce qui concerne l'emploi, c'est une erreur profonde que de penser qu'une économie des télécommunications comptant moins d'acteurs favoriserait la création d'emplois. Les États-Unis sont un contre-exemple en l'espèce : alors que le nombre d'opérateurs de télécommunications y est passé de onze à quatre, l'emploi dans le secteur a baissé de 35 %, contre moins de 12 % en France. Quand on réduit le nombre des entreprises, ce n'est pas pour créer des emplois ; c'est pour en supprimer.

Nous souhaitons que le marché de la téléphonie mobile reste un marché à quatre opérateurs. C'est grâce à cela que le prix des services de téléphonie mobile en France est désormais, non pas le plus bas d'Europe, mais dans la moyenne européenne, alors qu'il lui était auparavant supérieur de 20 %.

On peut donc dire qu'en 2012, l'arrivée d'un quatrième opérateur n'a pas occasionné d'effets trop perturbants sur le secteur. Il faudra cependant rester extrêmement vigilants en 2013 et en 2014.

Les rapports entre l'ARCEP et l'Autorité de la concurrence sont excellents. Quant à l'opportunité de fusionner ces deux autorités, tout est possible en matière d'organisation administrative. Dans la plupart des pays, concurrence et régulation sont confiées à deux autorités distinctes. Dans ceux où les deux missions relèvent d'une instance unique, soit l'autorité chargée de la concurrence absorbe les autorités sectorielles, soit, comme aux États-Unis ou au Royaume-Uni, le régulateur sectoriel est compétent dans le domaine de la concurrence. Tout est une question de choix. Si l'on pense que le régulateur sectoriel doit poursuivre d'autres objectifs que la concurrence – l'aménagement du territoire ou la neutralité du net par exemple –, il peut être utile de maintenir pendant un certain temps une autorité de régulation distincte.

La feuille de route du Gouvernement pour le déploiement du très haut débit prévoit une couverture de 100 % du territoire en dix ans. Je ne sais pas si une étude d'impact a précédé l'annonce de cet objectif. C'est un objectif politique, dont l'ambition dépasse celui du précédent gouvernement, qui était déjà très ambitieux, et qui implique l'engagement de moyens financiers, techniques et opérationnels très importants. Si les moyens sont là, c'est faisable : on est bien parvenu à faire passer le nombre de lignes téléphoniques de six à trente millions entre 1975 et 1983.

Free étant un opérateur de réseau, et non pas un MVNO, il est essentiel qu'il investisse dans les réseaux, et c'est pourquoi ses possibilités d'itinérance doivent être encadrées. L'ARCEP a limité dans le temps le droit à l'itinérance de Free pour la 2G et, sur recommandation de l'Autorité de la concurrence, pour la 3 G, hormis dans les cas où cet opérateur rencontrerait des difficultés de déploiement indépendantes de sa volonté, du fait notamment de la réglementation administrative.

L'Observatoire des investissements et du déploiement dans les réseaux mobiles que nous sommes en train de mettre en place doit nous permettre de vérifier l'effectivité du déploiement des réseaux, notamment celui de Free. Dès le mois de janvier, nous avons, après consultation des acteurs, fixé par voie réglementaire la nomenclature des investissements fixes et mobiles dont les opérateurs devront nous fournir un état trimestriel. Nous devrions pouvoir rendre publics nos premiers résultats dès la fin du semestre. Ce que je peux vous dire, c'est que le taux de couverture de Free, qui était à l'origine de 28 %, et de 38 % à la fin de l'été 2012, se situerait aujourd'hui entre 45 et 50 %.

Nous pouvons vérifier la véracité des informations que les opérateurs nous communiquent à partir d'éléments tels que le nombre des sites d'antennes-relais. D'après les chiffres de l'Agence nationale des fréquences – l'ANFR – Free a construit 2 200 sites, dont 1 800 sont ouverts. Free nous a indiqué être actuellement à la recherche de 2 000 sites supplémentaires « au fil de l'eau » et d'un nombre équivalent auprès d'acteurs institutionnels et d'autres acteurs de télécommunications. Cet opérateur est donc actuellement à la recherche de 4 000 sites au total. Il ne faut pas sous-estimer par ailleurs les difficultés rencontrées par Free, comme par les autres opérateurs, pour déployer des antennes 4G, du fait notamment d'une réglementation de plus en plus contraignante. Sachant qu'un site représente 100 000 euros d'investissements physiques, hors coût de l'itinérance et des redevances, on peut dire qu'aujourd'hui Free déploie son réseau normalement.

En tout état de cause, nous disposons, avec la mise en demeure anticipée, d'un outil juridique qui nous permet, dans l'éventualité où nous constaterions qu'un opérateur est en retard au regard de ses obligations réglementaires, de le contraindre, avant même l'échéance, à accélérer le rythme de son déploiement, sous peine de sanctions financières qui peuvent être extrêmement lourdes.

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