Intervention de Jean Ludovic Silicani

Réunion du 10 avril 2013 à 10h00
Commission des affaires économiques

Jean Ludovic Silicani, président de l'ARCEP :

Je voudrais d'abord dire un mot sur la neutralité du net, avant d'apporter une réponse globale aux conclusions du rapport de Mmes Erhel et de La Raudière.

Nous sommes le régulateur européen qui a le plus travaillé sur les questions relatives à la neutralité du net, et nous sommes désormais opérationnels sur ces sujets, ayant pris dans ce domaine deux décisions réglementaires qui ont été homologuées par les ministres successifs. L'une d'elle vise à collecter des informations sur les conditions techniques et tarifaires de l'interconnexion et de l'acheminement de données, afin de favoriser la transparence des relations entre opérateurs de réseaux et fournisseurs d'accès à internet et autres acteurs du net, et de vérifier le caractère non discriminatoire des pratiques – je rappelle que la transparence et l'absence de discrimination sont les deux conditions de la neutralité.

Pour résumer notre doctrine quant aux flux financiers entre FAI et acteurs de l'internet, que je crois partagée par l'Autorité de la concurrence, je dirais que ces flux ne sont ni interdits ni obligatoires. C'est au cas par cas, en fonction de la situation des acteurs, de l'asymétrie des flux de données, de leur importance et de leur poids sur les marchés qu'il conviendra d'évaluer leur légalité.

L'ARCEP a fait savoir, le jour même de la publication de votre rapport, qu'elle approuvait vos préconisations. Nous sommes en particulier favorables à votre proposition de structurer la filière au niveau national. Le fait que seuls les opérateurs de réseaux et les fournisseurs d'accès à internet relèvent de la compétence du régulateur ne nous interdit pas de travailler avec les acteurs économiques qui oeuvrent en amont et en aval. Certes, cette filière rassemble des acteurs divers, puisqu'elle compte à la fois des industries et des services, mais c'est précisément de cette diversité que peut naître une dynamique de croissance en termes de chiffre d'affaires, de revenus et d'emplois.

Quant à la deuxième préconisation importante du rapport, à savoir renforcer les moyens de pilotage stratégique du Gouvernement, je l'avais déjà formulée il y a plus de deux ans. Je ne peux donc que me féliciter que vous le proposiez et que le Gouvernement envisage de mettre en oeuvre une telle préconisation. De ce point de vue, la mise en place d'une mission « très haut débit » est une excellente nouvelle. Nous avons d'ores et déjà noué de bonnes relations avec elle, et il y aura entre nous autant d'échanges d'informations que nécessaire.

Vous préconisez également de clarifier les très nombreux objectifs assignés au régulateur par l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques. Il est vrai qu'ils se sont accumulés au fil du temps, au point d'être peu lisibles. Nous sommes prêts à travailler, avec le Gouvernement et le Parlement, à leur clarification et à leur simplification, dans le respect du cadre communautaire.

On ne peut que partager l'objectif très ambitieux fixé par votre rapport en matière d'études d'impact ; il faut cependant travailler ensemble – Gouvernement, parlementaires et régulateur – à une définition commune de ce que doit être une étude d'impact économique. Nous n'avons pas les moyens juridiques de contraindre les acteurs extérieurs au champ de notre régulation à nous transmettre des informations. La question des moyens humains et financiers nécessaires se posera également. Il faut savoir qu'une étude préalable réalisée par une banque d'investissement coûte au Gouvernement un million d'euros, voire plus, alors que le budget d'études de l'ARCEP est de 800 000 euros par an. Pour notre décision sur le refarming 1 800 MHz, nous avons fait ce que nous pouvions avec ce que nous avions. C'est peut-être insuffisant, mais c'est la première fois qu'une autorité de régulation européenne réalise une étude économique avant de prendre une décision de ce type.

Nous avons en particulier demandé aux opérateurs quels seraient les effets d'une telle décision sur leur chiffre d'affaires et sur leurs effectifs dans la perspective de la neutralité du net à l'horizon 2016. France Télécom représentant 80 % des effectifs des opérateurs, on sait que la réduction des effectifs du secteur dans les prochaines années sera due essentiellement à cette société, si elle maintient son objectif de non-remplacement d'au moins 2 000 emplois par an. À cela s'ajoutera l'effet du plan de départs volontaires mis en oeuvre par Bouygues Télécom depuis 2012 et le projet de plan social de SFR, qui doit prendre effet en 2013 même s'il n'est toujours pas confirmé. Ces destructions d'emploi seront compensées par la création d'un nombre non négligeable d'emplois par Free. Il reste à déterminer l'évolution de l'emploi en amont de la filière – on est en droit de craindre une évolution négative – et en aval, où elle sera probablement positive.

S'agissant des moyens dont dispose l'ARCEP pour mettre en place un Observatoire de la qualité de service sur les réseaux fixes et mobiles, nous devons aujourd'hui laisser aux opérateurs le soin de choisir eux-mêmes le prestataire de services qui va faire les mesures, et vous préconisez de changer la loi sur ce point. Le résultat de ces études serait en effet plus légitime si nous pouvions choisir nous-même le prestataire tout en faisant payer les études par les opérateurs. Nous pourrions alors assurer une cohérence entre l'Observatoire de la qualité de service et l'Observatoire des investissements.

Je voudrais à ce propos rappeler que nous avons défini, à l'issue de consultations menées durant toute l'année 2012, une nomenclature détaillée des investissements des opérateurs. Nous disposons d'ores et déjà de résultats, que nous sommes tout disposés à soumettre aux parlementaires intéressés par ce sujet.

Je souhaiterais enfin exprimer le voeu que la préparation du deuxième dividende numérique ne soit pas trop retardée : c'est essentiel pour la dynamique et la croissance du secteur.

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