Je travaille encore sur le projet de loi organique portant application de l'article 11 de la Constitution et n'anticiperai pas non plus sur nos débats.
Le débat que nous vivons est exceptionnel, monsieur le rapporteur, j'en conviens. Mais pas dans le sens où vous l'entendez : il l'est par vos revirements, par votre aveuglement et par votre cynisme !
Vos revirements prêtent en effet à sourire. Le texte réécrit par le Sénat en première lecture vous semble tellement parfait que vous envisagez de le faire vôtre, même lorsqu'il s'agit de modifications contre lesquelles vous vous êtes battus becs et ongles en première lecture ! Voilà en tout cas une bonne nouvelle pour nos amis sénateurs : le Sénat n'est plus une « anomalie de la République », pour reprendre les termes d'un ancien Premier ministre qui vous est cher !
Vos revirements et votre cynisme sont également manifestes en ce qui concerne le contenu de la notion de mariage pour tous. Dois-je rappeler que le titre initial de votre projet de loi mentionnait l'adoption pour les couples de même sexe ? Probablement afin de dissiper les inquiétudes de nos concitoyens, vous l'avez modifié et avez mis en avant le mariage pour tous, faisant ainsi de l'égalité un argument à l'appui d'un enfumage sophistiqué. C'était témoigner d'une grande indélicatesse à l'endroit du peuple français.
Ce débat est exceptionnel aussi à raison de votre aveuglement et de la surdité dont vous faites preuve face aux interrogations des Français. Le président de la République a reçu sans délai ceux qui redoutaient un affaiblissement de sa détermination après les propos qu'il avait tenus lors du congrès de l'Association des maires de France, mais il a pris son temps pour faire de même, brièvement et très discrètement, des organisateurs de la principale des deux grandes manifestations auxquelles votre projet a donné lieu – en attendant celles qui vont suivre !
Cet aveuglement est d'autant plus préoccupant qu'il va vous permettre d'aller jusqu'au terme de votre projet et qu'il créera, dans une France qui souffre, un motif d'inquiétude supplémentaire : nos concitoyens redoutent de voir leur pays abîmé.
Votre cynisme se manifeste dans vos revirements successifs sur l'ouverture du droit à la PMA pour les couples de personnes de même sexe : cette étape, maintenant renvoyée à plus tard, certains voulaient la franchir dès l'examen du présent projet – j'ai le souvenir de M. Roman défendant ici même cette volonté, déterminée – et que nous pensions alors définitive –, du groupe socialiste. Ce même cynisme vous conduit aujourd'hui à proposer, comme cela devient votre habitude, une « vente à la découpe » de votre projet de loi : aujourd'hui, vous proposez le mariage et l'adoption ; un jour, dont nous ignorons la date, ce sera le tour de la PMA, puis, inéluctablement, au nom de l'égalité que vous brandissez en toute occasion, la GPA. Cette « vente à la découpe » est une provocation à l'égard de nos concitoyens.
En réponse à M. Roman, je rappelle que nous sommes favorables à un acte d'état civil consacrant l'union en mairie de deux personnes de même sexe. Nous nous sommes battus pour faire adopter cette disposition, mais vous ne l'avez pas acceptée. Nous sommes opposés au mariage tel que vous le concevez car il ouvre le droit à l'adoption. Mais vous souhaitez aller plus loin. Vous n'y renoncez aujourd'hui que pour franchir plus facilement cette première étape ; d'où cette « vente à la découpe » !
Votre cynisme se révèle enfin dans votre choix d'un vote conforme. Sur un tel sujet, il s'agit d'une provocation, à l'égard non pas tant des parlementaires que nous sommes, habitués à ce genre de procédé, que de nos concitoyens.
Enfin, ce n'est pas parce que vous êtes majoritaires que nous avons le devoir de nous taire et – pour reprendre la belle formule de votre collègue M. Laignel – que nous avons juridiquement tort. Votre position majoritaire ne vous autorise pas à donner sans cesse des leçons de morale. L'actualité devrait au contraire vous inciter à l'humilité.
Depuis vendredi, vous nous reprochez de tenir des propos indécents, de parler de « coup de force »…