Intervention de Gaby Charroux

Séance en hémicycle du 16 avril 2013 à 15h00
Élection des conseillers départementaux des conseillers municipaux et des délégués communautaires et modification du calendrier électoral — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGaby Charroux :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, notre assemblée est appelée à examiner en lecture définitive ce projet de loi relatif aux élections locales. Force est de constater que, s'agissant des grands enjeux du texte, notre désaccord demeure profond, tout comme notre opposition à l'égard de la loi de décembre 2010, que nous aurions souhaité voir entièrement abrogée.

Concernant en premier lieu la réforme du scrutin départemental, le Sénat, qui assure la représentation des collectivités territoriales de la République, a clairement rejeté le scrutin binominal majoritaire pour les élections départementales tout au long de la navette parlementaire. Une majorité de sénateurs estime en effet que ce mode de scrutin ne permettra pas une représentation satisfaisante des territoires et craint que la coexistence de deux élus d'un même canton ayant la même légitimité soit source de difficultés.

Ces inquiétudes, légitimes, ont également été formulées au sein de notre assemblée par plusieurs groupes parlementaires, et renouvelées à l'instant même. Aussi, nous ne comprenons pas l'intransigeance et le refus d'entendre les critiques formulées.

Comme vous l'a déjà indiqué mon collègue Marc Dolez, monsieur le ministre, il ne peut y avoir de pacte de confiance avec une réforme d'un mode de scrutin si peu consensuelle.

Depuis la discussion de ce texte en première lecture, nous sommes fermement opposés à la création de ce binôme. S'il contribue certainement à faire avancer la parité, ce dont nous nous réjouissons, ce sera au prix de la pluralité, ce que nous refusons.

Le fait d'élire en même temps deux candidats dans un même canton, dont le nombre serait réduit de moitié, entraînera de façon quasi automatique un renforcement du bipartisme. Là où deux candidats de sensibilités différentes pouvaient être élus, il y aura dorénavant deux élus du même courant. En outre, ce nouveau mode de scrutin s'accompagnera d'un redécoupage des cantons, avec toutes les injustices démocratiques que cela peut engendrer. Et il ne favorisera pas la proximité, puisque ces mêmes cantons seront considérablement agrandis.

Pour consacrer une avancée démocratique plutôt qu'un recul, le mode de scrutin devrait concilier parité et pluralisme, et non pas les opposer. Pour atteindre ces deux objectifs constitutionnels, nous avons proposé un autre mode de scrutin : l'élection à la proportionnelle sur liste, composée alternativement d'un candidat de chaque sexe. Il s'agit du mode électoral le plus juste, mis en place pour toutes les autres élections locales : régionales comme municipales.

Durant les débats, à l'Assemblée comme au Sénat, des amendements variés proposant des alternatives au binôme ont été présentés. Tous ont malheureusement été balayés alors même que certains auraient permis un large rassemblement.

Notre second désaccord majeur avec cette réforme concerne les modalités de désignation des délégués des communes. Les délégués des communes au sein des assemblées communautaires deviennent des conseillers communautaires. Ce changement sémantique est loin d'être anodin.

Il marque un changement de statut de ces délégués, qui ne seront plus les représentants des conseils municipaux, mais des élus au suffrage universel représentant leurs électeurs au sein des intercommunalités. Cette dénomination induit une indépendance de ces conseillers à l'égard des conseils municipaux et ouvre, avec le fléchage, la perspective d'une élection au suffrage universel direct et différencié dès 2020.

Le fait de ne plus parler de délégués des communes montre bien que ceux-ci n'émaneront plus des conseils municipaux, puisqu'ils seront élus directement. Ils n'auront donc plus de comptes à rendre à ces conseils. Nous sommes fermement opposés à une telle évolution, qui signifie à terme la mort des communes.

Pour notre part, nous réitérons le souhait de l'abrogation de la réforme territoriale de 2010 qui institue le fléchage. Nous proposons de réintroduire l'élection des délégués des communes par les conseils municipaux tout en assurant, cette fois, la promotion du pluralisme et de la parité par l'élection de ces délégués dans les communes de plus de 500 habitants à la proportionnelle sur liste, comportant autant de noms qu'il y a de sièges à pourvoir et composée alternativement d'un candidat de chaque sexe.

Enfin, je vous rappelle que, dès la présentation de ce texte en première lecture, nous avions souligné l'incohérence du calendrier retenu. Décider un mode de scrutin avant que ne soit établi le contenu de la réforme institutionnelle est pour le moins insolite. Il aurait été plus logique de reporter la date des élections départementales et régionales à 2015, puis d'examiner le projet d'acte III de la décentralisation, et de finir en déterminant les modalités d'élection des conseillers départementaux.

Nous regrettons, monsieur le ministre, votre refus de suspendre le débat sur le mode de scrutin et de reporter les élections cantonales et régionales. Cela nous aurait permis d'examiner les choses dans l'ordre et de laisser un temps de réflexion et de débat indispensable avec les associations représentatives des élus locaux.

En définitive, l'importance et la persistance de désaccords essentiels sur le mode de scrutin départemental et la désignation des délégués dans les intercommunalités fondent notre opposition à ce projet de loi.

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