Intervention de Dominique Dujols

Réunion du 27 mars 2013 à 18h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Dominique Dujols, directrice des relations institutionnelles et du partenariat de l'USH :

Ce bouclage s'inscrit tout de même dans le projet de mutualisation des ressources des organismes HLM.

Je vais évoquer l'accession à la propriété, dont la vente de logements HLM, toujours sous l'angle de l'optimisation des aides. Nous offrons la possibilité d'accéder à la propriété à 15 000 ménages par an. Ce n'est pas une production gigantesque, mais elle reste intéressante pour des ménages modestes.

Nous sommes favorables à une politique de soutien aux ménages qui veulent accéder à la propriété car cette politique, car si elle est bien ciblée, est relativement peu coûteuse pour les finances publiques. Dans une logique d'optimisation, elle apparaît comme assez facilement rentable en termes de satisfaction de besoins. Elle contribue en outre à la mobilité dans le parc locatif social au bénéfice de ménages en attente (des jeunes ou des personnes qui ont des revenus moindres que celles qui sont sorties). D'ailleurs, chaque année, 25 % des sortants d'HLM partent vers l'accession. En revanche, l'accession des ménages à revenus modestes s'est littéralement effondrée ces dernières années.

Nous avons trois axes de propositions : d'abord, développer à moindre coût l'accession sociale dans le neuf, d'abord en encourageant les mesures de gouvernance urbaine. Cela signifie travailler dans les documents d'urbanisme sur les zones de mixité sociale et y intégrer l'accession sociale à la propriété. Il peut être intéressant de définir de tels objectifs sur un territoire donné, d'y prévoir, par exemple, la réalisation d'un tiers de locatif social et d'un tiers d'accession - en parlant d'accession « sociale », on évite la concurrence des plus riches. C'est aussi favoriser l'individuel groupé en zone périurbaine etc.

Deuxièmement, il importe de cibler les aides sur les ménages à revenus modestes. Nous souhaitons ainsi que la TVA à 5 % sur les quartiers ANRU (Agence nationale pour la rénovation urbaine) et sur le PSLA (prêt social location accession) soit confortée. Le PTZ+ (prêt à taux zéro) doit être également ciblé. Cependant, dans les zones les plus tendues, on ne peut avoir des plafonds de ressources trop bas si l'on veut vraiment aider les ménages à accéder à la propriété.

La vente de logements HLM favorise aussi l'accession. Or, l'accès au PTZ+ a été fortement réduit pour ce type de produits : en 2012, seules 250 ventes HLM sur 7 000 ont été réalisées avec ce prêt aidé. Les conditions imposées au maintien de cette aide, notamment en termes de décote, en ont fait un dispositif vide – ce qui est regrettable. Il serait pertinent de supprimer l'obligation d'une décote systématique de 35 % car il y a des endroits où elle ne se justifie pas.

Nous pensons aussi travailler avec les locataires HLM sur une bonification spécifique autour du PEL (plan épargne logement). Ceci aiderait les ventes et favoriserait la mobilité à l'intérieur du parc HLM.

Un autre axe de réflexion relève de tout ce qui permet une meilleure gestion des copropriétés, notamment quand il existe une mixité entre logements sociaux et propriétaires occupants. Nous assurons également la sécurisation des accédants grâce aux garanties de rachat à prix convenus. Les banques ne prennent donc aucun risque dans ces opérations. Pour autant, elles n'allègent pas leurs conditions d'assurance ; aussi estime-t-on qu'il devrait y avoir une négociation avec ces dernières.

Enfin, dernier point : il faut des opérateurs pour optimiser ces aides publiques. La disparition programmée du Crédit immobilier de France est une mauvaise chose et il faudra le réinventer dans peu de temps. Il serait dommage de se priver de l'alternative, à laquelle la commission européenne se montre parfaitement ouverte, de le restructurer en service économique d'intérêt général (SIEG), avec un recadrage sur les missions sociales,

L'autre chantier en matière d'optimisation est celui de la maîtrise des coûts fonciers et de construction. Leur dérive est telle depuis trente ans, qu'il y a forcément des marges de manoeuvre. Certes, des mesures ont été prises, dans la loi ENL notamment (loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement) mais elles n'ont pas suffi. Les deux sujets doivent être distingués : le prix du foncier et les coûts de construction, mais les deux explosent : on est passé d'opérations coûtant 76 000 euros par logement en 2000 à 141 900 euros en 2011.

Pour nous, le goulet d'étranglement à traiter en priorité en France est le foncier. Notre pays présente une des densités les moins fortes d'Europe et connaît pourtant une crise endémique du foncier accessible en milieu urbain. La loi sur le foncier public constitue une véritable ouverture, mais son décret d'application nous inquiète : malgré des annonces envisageant jusqu'à 100 % de décote, nous savions que les personnes publiques, elles-mêmes soumises à des critères économiques, ne s'engageraient pas aisément. Le problème est que le décret restreint le champ des personnes publiques concernées et celui des terrains. Dès lors que la loi ne crée pas une obligation de cession à titre gratuit, ces limitations sont regrettables. Il est ainsi prévu qu'un terrain bâti ne pourra être cédé que si celui-ci n'a pas de valeur – ce qui exclut la reconversion en logements de casernes ou d'hôpitaux sans que nous en voyions la raison.

Nous sommes favorables, en revanche, au développement d'autres modalités de mise à disposition, tel que le bail emphytéotique et nous savons qu'il serait indispensable d'apporter des contreparties aux propriétaires publics pour qu'ils modifient leurs raisonnements économiques. Nous comprenons que les hôpitaux, contraints aujourd'hui d'être gérés comme des entreprises rentables, ne veuillent pas céder leurs terrains à titre gratuit mais ils peuvent avoir intérêt à aider des programmes qui permettent de loger leurs infirmières. La plupart des personnes publiques connaissent des difficultés pour loger leurs salariés.

Le fait est, enfin, que de nombreux terrains publics sont pollués : 300 sites seraient ainsi gelés en Île-de-France – l'Observatoire régional du foncier est en train d'examiner les possibilités. Nous suggérons que les reliquats du « grand emprunt » préfinancent les actions de dépollution, ce qui accroîtrait rapidement le nombre des terrains disponibles, en dehors de ceux qui, mal situés, sont inadaptés au logement social.

Toutefois, la mobilisation du foncier public ne peut suffire.

Or, même si plusieurs mesures techniques vont dans le bon sens, la future loi sur l'urbanisme et le logement, telle qu'elle est aujourd'hui en concertation, va manquer d'ambition. Toutes légitimes qu'elles soient, plusieurs mesures visant à limiter l'étalement urbain et l'artificialisation des sols, sans que l'on force l'offre de terrains en centre-ville, vont faire flamber les prix de ces derniers. Les dispositifs de densification prévus en parallèle ne sont pas à la hauteur des enjeux. Le principal obstacle à une action efficace sur le foncier en France est que l'on y considère que le droit de propriété s'oppose à tout. Or, si ce droit a valeur constitutionnelle et qu'il est protégé par les traités européens, la France a pourtant su agir, en son temps, sur le foncier agricole. Les propriétaires ont été forcés de les mettre en exploitation sans pour autant avoir été spoliés.

Nous travaillons avec des constitutionnalistes à la rédaction d'une proposition d'amendement par laquelle nous suggérons la définition, dans les zones les plus tendues, de périmètres où les propriétaires seraient tenus d'occuper au moins 50 % du COS (coefficient d'occupation des sols) - ou du dispositif qui lui succédera. Nous proposons, s'ils ne le font pas dans les trois ans, qu'ils payent, en sus de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, la taxe foncière sur les propriétés bâties qu'ils paieraient s'ils avaient totalement construit leur terrain. Ce surcoût les fera réfléchir. Le dispositif créé dans la dernière loi de finances reste encore très supportable.

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