Intervention de Gilles Savary

Réunion du 16 avril 2013 à 17h15
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Savary, rapporteur :

Le texte proposé sur la gouvernance est asymétrique : la Commission européenne pose des conditions particulières pour les entreprises intégrées, qui conduiraient notamment à interdire tout lien financier entre la SNCF et RFF. Je vous propose – c'est l'alinéa 15 de l'article 2 de la proposition de résolution – d'approuver une interdiction des mouvements financiers mais uniquement dans un sens : il faut qu'il puisse y avoir des flux financiers de la SNCF vers RFF.

En Allemagne, le gestionnaire du réseau, DB Netz, a un budget très excédentaire : 1,5 milliards d'euros en 2012. Via la holding, cet excédent vient financer la Deutsche Bahn. C'est de cette manière que la DB a les moyens financiers d'acheter Veolia Transdev, ce qu'elle s'apprête à faire, grâce aux péages très élevés perçus par DB Netz.

Il ne faut pas faire la courte échelle à la DB ! En revanche il faut permettre à la SNCF de financer RFF, c'est-à-dire rendre possible l'affectation de profits de la SNCF au financement du réseau au lieu de les faire sortir du système ferroviaire en les versant à l'Etat sous forme de dividendes.

L'alinéa 16 de l'article 2 de la proposition de résolution concerne une disposition très particulière : la Commission européenne prévoit qu'à partir de 2019 il ne sera plus possible pour un Etat d'organiser son système ferroviaire en holding. C'est une asymétrie injustifiée. Ce qui est important, et conforme au principe de subsidiarité, c'est de garantir la liberté d'accès, l'équité et la transparence quel que soit le mode d'organisation choisi par chaque Etat.

L'alinéa 21 de l'article 2 de la proposition de résolution souligne l'intérêt que présentent les comités de coordination proposés par la Commission, car ils feront participer les nouveaux entrants à la gouvernance. Ces comités permettront de pointer les dysfonctionnements et de les régler en évitant les contentieux longs à résoudre.

Enfin, l'alinéa 25 de l'article 2 vise à prévenir dans le ferroviaire ce qui est advenu dans les secteurs routier, aérien et maritime : le dumping social. Un texte sur la certification des conducteurs existe déjà, et les personnels demandent qu'un texte soit élaboré sur la certification professionnelle des personnels de bord. J'appelle donc la Commission européenne à présenter une proposition en ce sens, car le « paquet » ferroviaire n'aborde pas cette question.

Le deuxième texte du « paquet » est une proposition de révision du règlement « OSP » qui concerne les aides d'État aux missions de service public. Il convient de ne pas laisser croire que les règles européennes empêchent l'exercice des missions de service public ! Dans le cadre de la mise en oeuvre du quatrième « paquet », les autorités publiques continueront de conclure des contrats incluant toutes les obligations de service public qu'elles souhaitent y inclure, avec une compensation à due concurrence par des subventions, c'est-à-dire par des aides d'État.

Le « règlement OSP » prévoyait plusieurs exceptions : les métros, les tramways, et les chemins de fer lourds. Cette dernière exception avait été obtenue par M. Dominique Perben, afin de protéger le monopole de la SNCF. Bien sûr, cette exception va disparaître avec l'adoption du quatrième « paquet ». La proposition de résolution en prend acte. Je propose, dans l'alinéa 3 de l'article 3, que l'exception concernant les tramways soit également supprimée : il n'est pas acceptable qu'en Allemagne par exemple le marché des transports collectifs urbains demeure fermé alors qu'il est ouvert en France.

L'alinéa 6 de l'article 3 rappelle qu'il sera toujours possible, pour les élus locaux, en matière de transports collectifs, de choisir entre appel d'offres et régie. Il s'agit de mettre fin à la confusion, souvent faite, entre l'ouverture des TER à la concurrence et l'impossibilité de recourir à la régie pour les exploiter. Ce qui ne sera plus possible, c'est d'attribuer le marché directement à la SNCF : si une région choisit de procéder autrement qu'en régie directe, elle devra mettre la SNCF en concurrence avec d'autres entreprises dans le cadre d'un appel d'offres.

Le troisième texte du « paquet » porte sur l'Agence ferroviaire européenne, dont le siège est à Valenciennes, pour étendre fortement ses prérogatives. J'y suis favorable, sauf sur un point : la délivrance des certificats de sécurité pour le matériel roulant. Actuellement, les normes en la matière sont européennes, mais ce sont les agences nationales qui délivrent les certificats. Or il y a des pays, tels que l'Allemagne, où sous couvert d'exigences de sécurité, les agences nationales refusent de délivrer ces certificats d'une manière qui constitue du protectionnisme déguisé. Il est donc nécessaire que l'Agence européenne joue un rôle dans la délivrance des certificats, mais je propose qu'elle ne le fasse qu'en appel, au lieu de lui donner cette compétence totalement – elle n'aurait de toute façon pas les moyens de l'exercer. Il est utile qu'elle décide en dernière instance, y compris en s'auto-saisissant.

Les trois derniers textes du « paquet » sont également importants mais beaucoup plus techniques : une proposition de directive de refonte sur la sécurité ferroviaire, une proposition de règlement sur la comptabilité des entreprises ferroviaires, et une proposition de directive relative à l'interopérabilité.

La sécurité ferroviaire n'est en aucune façon remise en cause par la libéralisation, pas plus que dans le secteur aérien. En matière de sécurité aérienne il faut saluer les progrès remarquables qui ont été faits grâce à l'Union européenne. Les règles européennes de sécurité ferroviaire sont aussi un corps de règles très puissant. Le quatrième « paquet » va simplifier leur mise en oeuvre et les étendre à l'ensemble des matériels, même ceux qui sont totalement nationaux.

Quant à l'interopérabilité, il s'agit d'un chantier considérable, lancé dans les années quatre-vingt-dix. Il porte sur une vingtaine de spécificités techniques. Des pools d'ingénieurs et de techniciens travaillent sur tous les composants des trains, mais aussi du ballast, du réseau et des voies. Ce chantier durera probablement plusieurs décennies, et ne pourra peut-être pas être complètement achevé – notamment en ce qui concerne le problème du gabarit des trains. Eurostar est plus « efflanqué » que le Thalys, parce que le gabarit des trains britanniques, et donc la taille des tunnels ferroviaires en Grande-Bretagne, imposaient un train moins large.

Les travaux d'interopérabilité en cours portent, par exemple, sur les systèmes de contrôle-commande qui guident le train sur la voie. Il y en a actuellement sept qui coexistent pour le Thalys !

Ces problèmes d'interopérabilité ne sont qu'une des illustrations de la difficulté particulière qu'il y a à faire progresser « l'Europe du rail », par rapport au secteur routier. Les systèmes ferroviaires nationaux ont été volontairement conçus, historiquement, comme hétérogènes, pour protéger l'économie nationale et pour protéger le territoire en entravant les intrusions des armées étrangères.

Enfin, la dernière proposition de règlement vise à abroger le règlement 119269 qui n'a jamais été appliqué en France. Ce règlement demandait aux États d'assainir la situation financière de leurs opérateurs ferroviaires, c'est-à-dire de récupérer la dette et de faire en sorte que les systèmes de retraite ne relevant pas du régime de base soient pris en charge par les États, ce qui n'est que partiellement le cas en France. C'est ce qui explique que le système français soit lourdement endetté alors que le système allemand, lui, s'est désendetté. Ce règlement n'est plus nécessaire puisque de nouveaux textes régissent l'assainissement financier des compagnies ferroviaires.

Le quatrième « paquet ferroviaire » constitue globalement un dispositif lourd, complexe et plein de nuances.

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