Intervention de Alain Gest

Réunion du 16 avril 2013 à 17h15
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Gest :

Je voudrais tout d'abord saluer la qualité de la présentation du rapporteur, qui ne nous surprend pas compte tenu de sa compétence reconnue sur l'ensemble de ces sujets et même si nous n'en partageons pas toutes les analyses. Il a réussi à introduire un peu de clarté dans un ensemble de textes complexes.

Les propositions du quatrième « paquet ferroviaire » visent à achever un marché ferroviaire unique à l'échelle de l'Union européenne, à ouvrir le trafic national de passagers à plus de concurrence et à assurer une totale interopérabilité au sein du réseau transeuropéen, sous le contrôle de régulateurs indépendants. Le marché de l'électricité a connu, dans un passé récent, une évolution assez similaire.

Le groupe UMP est très favorable à l'ensemble des principes sous-jacents à ce mouvement. Nous souhaitons que s'établisse un espace ferroviaire unique européen, qui fonctionne et au sein duquel la concurrence transfrontalière puisse se déployer sans entraves.

Le quatrième « paquet ferroviaire » doit néanmoins être replacé dans la perspective de la réforme ferroviaire en France, qui doit conduire à un système unique intégré et un pôle ferroviaire public unifié à travers le rapprochement de la SNCF et de RFF.

La question de la compatibilité de ces deux approches, celle de la Commission européenne et celle de la France, me conduit à présenter trois remarques sur les propositions présentées par le rapporteur.

Je souscris au propos de notre collègue Rémi Pauvros, lorsqu'il estime que la concurrence n'est pas une fin en soi. Ce n'est pas, à l'évidence, une condition suffisante de qualité et de compétitivité du rail. Mais quelle peut être alors sa justification ? Elle constitue, pour le groupe UMP, un formidable outil d'amélioration de la performance et de stimulation de l'innovation des entreprises ferroviaires, au service de leurs clients – État, régions, entreprises, particuliers. Si l'on prend pour postulat que l'ouverture à la concurrence dans notre pays permettrait d'atteindre des coûts similaires à ceux de l'Allemagne, la facture ferroviaire des conseils régionaux s'en trouverait allégée d'au moins 25 % – je rappelle, en passant, que les conducteurs de train allemands sont aujourd'hui mieux payés que leurs homologues français.

Le président de la SNCF, M. Guillaume Pepy, a maintes fois expliqué qu'il avait besoin de concurrence pour faire progresser son entreprise. C'est d'ailleurs bien la raison pour laquelle le précédent Gouvernement avait planifié une ouverture progressive du secteur à la concurrence, en commençant par quelques lignes de TET en 2014. Nous regrettons que l'actuel Gouvernement ait renoncé à cette ouverture, car cela aurait permis à la SNCF de se comparer à ses concurrents et de se préparer à l'échéance de l'ouverture totale en 2019.

Ma deuxième remarque porte sur le fait que la proposition de résolution met sur un pied d'égalité les deux systèmes de gouvernance ferroviaire possibles et renvoie, sur ce point, au libre choix des États en vertu du principe de subsidiarité. La Commission soutient le modèle dit de « séparation » et ne tolère le modèle dit « intégré » que dans les seuls pays où il existe déjà – et encore, sous certaines conditions.

Nous estimons que la Commission européenne est fondée à vouloir orienter les systèmes de gouvernance nationaux et qu'elle a raison de défendre la solution de séparation. Le premier argument en faveur de la séparation tient au développement de la concurrence qu'elle autorise : il ne peut y avoir de véritable concurrence que si toutes les entreprises ferroviaires sont à égalité devant le gestionnaire d'infrastructures, opérateur en situation de monopole par nature.

Un autre argument est lié à la construction d'un espace ferroviaire unique au sein de l'Union européenne, car le développement des trains à grande vitesse encourage les déplacements de voyageurs à longue distance et la route a évincé le fret ferroviaire du transport de marchandises à courte distance. Le ferroviaire doit s'adapter à l'enjeu de la distance et, à cette fin, les gestionnaires d'infrastructures nationaux doivent se rapprocher les uns des autres et coopérer plus étroitement. Ce n'est pas en reconstituant des bastions nationaux, reposant sur des couples gestionnaire-opérateur historique, que nous inciterons les uns et les autres à construire cet espace intégré et nous sommes donc profondément en désaccord, sur ce point, avec la proposition de résolution.

Ma dernière remarque tient à l'opacité, souvent dénoncée, des flux financiers entre l'État, RFF et la SNCF. Il nous semble qu'un effort de simplification s'impose et qu'il est impératif de prévenir tout flux entre le gestionnaire d'infrastructures et l'opérateur historique.

Quant aux flux inverses, de l'opérateur vers le gestionnaire, ils sont constitués par les péages et les redevances d'infrastructures. Si l'opérateur fait des bénéfices considérés comme trop importants, on peut soit augmenter les péages, soit prévoir un dividende exceptionnel à l'État actionnaire, susceptible d'être ensuite reversé par celui-ci au gestionnaire sous forme de subvention. Nous sommes donc également opposés à votre proposition d'autoriser les flux unilatéraux de l'opérateur vers le gestionnaire : celle-ci aboutirait à une complexification inopportune d'un système déjà passablement intriqué.

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