Intervention de Gilles Savary

Réunion du 16 avril 2013 à 17h15
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Savary, rapporteur :

S'accoler à DB peut être intéressant dans un premier temps, mais j'y reviendrai, de même que je reparlerai de la nécessité d'un groupe intégré. Il faut dissocier les vertus de la concurrence de la politique industrielle. La Commission européenne réduit la politique industrielle à la politique de la concurrence, ce qui est dangereux et affaiblit, voire démantèle, les grands groupes européens.

Il est nécessaire de clarifier et de simplifier la gouvernance de notre système ferroviaire, notamment en fonction de ce principe simple : qui décide paye ! Ce qui est proposé à travers le quatrième « paquet ferroviaire », ce n'est ni plus ni moins que la construction de « l'Europe du rail », en même temps que la transformation de la SNCF en opérateur majeur de cette Europe en devenir, en prenant en compte ses obligations de service public.

La concurrence dans le domaine ferroviaire prend d'abord la forme de celle qui voit s'affronter quotidiennement le rail et la route. Je rappelle qu'en France 83 % du trafic intérieur transite par la route, 17 % seulement par le réseau ferré, et que celui-ci génère 29 milliards d'euros de recettes, dont 13 qui bénéficient directement aux opérateurs ferroviaires. Nous avons tous collectivement été impuissants à modifier cet équilibre : le port du Havre n'est par exemple toujours alimenté qu'à 5 % par le réseau ferré qui le relie à son hinterland ! Nous avons donc besoin d'une vision logistique stratégique. Il ne suffit malheureusement pas de sauter comme un cabri en disant « Le fret, le fret » - comme le disait le général de Gaulle à propos de l'Europe – pour faire avancer sa cause.

En 2001, la relance du fret ferroviaire s'est soldée par un échec. Pour une bonne raison, quasiment culturelle : notre système ferroviaire privilégie le trafic voyageurs, et on imagine mal un train de ligne bondé patienter quatre heures sur une voie de garage pour laisser passer un train de marchandises ! Tout le contraire du modèle américain, dans lequel la priorité va très clairement au fret, et qui comporte très peu de trafic voyageurs.

La concurrence n'est donc pas une fin en soi. Conduit-elle dans le domaine ferroviaire à une baisse des prix ? J'en doute, car les investissements colossaux à réaliser sur le réseau et la nécessité de les amortir imposent rapidement une augmentation des péages et des redevances d'utilisation. Une solution pourrait être d'adopter la logique du modèle allemand, qui consiste à augmenter les péages au fur et à mesure de l'apparition des nouveaux entrants sur le marché. Nous ne pouvons cependant y songer pour ce qui nous concerne, car elle aboutirait à peser lourdement sur les finances de notre opérateur historique, et donc à le pénaliser, ce que je refuse.

Prenez les TER : nous en conservons une approche un peu mythique, auréolée de leur succès. Dans quelle situation se trouvent-t-ils en réalité ? Les voyageurs les plébiscitent s'ils n'ont pas à contribuer à leur financement – ils ne le font aujourd'hui qu'à hauteur de 28 %… Les présidents de région, qui sont aujourd'hui financièrement « au taquet », connaissent le coût exorbitant des rames cadencées en heure creuse, circulant à vide en rase campagne : ils évoluent vers une gestion mixte, en lançant notamment des liaisons par car.

Pour répondre à M. Alain Gest, nous n'avons aucune volonté de casser l'opérateur historique. L'exemple de la Grande-Bretagne nous enseigne que ce risque existe en cas d'ouverture non maîtrisée de l'espace ferroviaire à la concurrence : l'Angleterre est découpée en 27 régions ferroviaires, chacune desservie par un opérateur exclusif, dont aucun n'a la taille critique européenne pour affronter la concurrence mondiale, notamment chinoise, qui déjà pris position au sein de l'Union, par exemple à Stockholm.

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