Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du 17 avril 2013 à 11h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances :

Les programmes de stabilité et de réforme décrivent la stratégie économique du Gouvernement, les prévisions macroéconomiques qu'il a élaborées et la trajectoire des finances publiques. Ils revêtent une importance et une portée symbolique égales à celles d'un projet de loi de finances, même si leur nature diffère. C'est donc avec solennité et avec la conscience des responsabilités qui nous incombent que M. Bernard Cazeneuve et moi-même présentons à la commission des Finances ces premiers programmes de la législature.

Le Président de la République a récemment rappelé les grandes orientations de la politique suivie par le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault : le redressement de l'économie du pays autour d'une approche équilibrée conciliant la remise en ordre des finances publiques, les réformes ambitieuses de notre économie et la recherche active de la croissance. Nous traçons ce sillon depuis notre arrivée aux responsabilités, équipés d'une boussole – la justice – et ne perdant pas de vue la ligne d'horizon représentée par l'inversion de la courbe du chômage.

Le programme de stabilité et le PNR s'inscrivent dans un contexte difficile. En 2012, la France a souffert d'un endettement supplémentaire – le ratio de la dette rapportée à la richesse nationale a augmenté de vingt points en l'espace de peu d'années –, d'un déficit structurel élevé et d'un déficit nominal supérieur à 5 % du PIB sans les mesures d'ajustement prises à l'été 2012. Souffrant de lourdes faiblesses structurelles, notre pays a connu, au cours de la période 2007-2011, une croissance nulle en moyenne annuelle et une forte augmentation du chômage. Le rapport Gallois avait également mis en évidence le grand affaiblissement de la compétitivité de notre économie dans les dix dernières années, qui s'est traduit par le développement d'un fort déficit commercial – encore supérieur à 65 milliards d'euros en 2012. Nous menons des efforts de redressement de long terme pour faire face à cette situation.

En outre, la zone euro se trouve confrontée à une crise sans précédent. Nous avons apporté des réponses adaptées à chacun des pays qui ont dû faire face à de forts déséquilibres financiers. Néanmoins, la zone n'a pas encore retrouvé la croissance et subit même, depuis la fin de l'année 2012, une dégradation de sa situation économique ; ainsi, la Commission européenne prévoit que la zone euro restera en récession – de l'ordre de 0,3 point de PIB – en 2013, sachant que le chômage touche près de 19 millions de personnes en Europe.

Le programme de stabilité illustre le sens de notre action, visant à conduire des réformes pour le redressement économique du pays. En France et en Europe, on débat du rythme et de l'ampleur de la réduction des déficits au regard de la croissance. Pouvons-nous redresser l'économie sans assainir les finances publiques ? D'autres choix sont-ils envisageables ? Il y a toujours des alternatives en économie, car toutes les décisions résultent d'arbitrages, mais il nous paraît impossible de laisser dériver les comptes publics, car l'excès d'endettement pèserait sur les générations futures et le coût de la dette se renchérirait – alors que la France emprunte à un taux d'intérêt à dix ans qui ne dépasse pas 1,8 %, record historique qui allège le service de la dette et favorise le financement des entreprises. Nous partageons tous le constat selon lequel un pays qui s'endette est un pays qui s'appauvrit et qui s'affaiblit. Or la France souffre d'un endettement public excessif – supérieur à 90 % du PIB – qui ne doit plus s'accroître.

La vraie question ne concerne donc pas la nécessité du redressement des finances publiques, mais son rythme et son équilibre par rapport à la croissance. Depuis l'élection de François Hollande, la France porte ce sujet avec force dans l'ensemble des forums de coopération économique internationale ; à l'échelle européenne, nous plaidons depuis mai 2012 pour un rééquilibrage des politiques en faveur de la croissance, notamment auprès de notre partenaire allemand – notre relation avec l'Allemagne constituant un moteur puissant dans la zone euro –, dont la solidité des finances publiques devrait l'inciter à dynamiser davantage son économie. Nos idées progressent dans les enceintes du G7, du G20, du FMI, de l'OCDE où nous défendons l'importance des politiques de relance de la croissance, mais notre voix sera d'autant plus entendue que nous serons crédibles et forts. Le programme de stabilité et le PNR ont précisément pour objet de définir cette politique conciliant soutien à la croissance et remise en ordre des comptes. Nous devons trouver le bon rythme pour que le nécessaire assainissement ne bride pas les moteurs de l'activité.

Afin de peser dans le débat européen, nous devons conduire – à notre façon et sans reniement – les réformes qui sont attendues de nous. C'est dans cet esprit que nous avons élaboré le pacte de compétitivité et le projet de loi sur la sécurisation de l'emploi, et nous devons poursuivre cette politique de réforme pour nous renforcer et peser davantage sur la scène internationale.

Nos prévisions de croissance pour les années 2013 et 2014 – progression du PIB de 0,1 % et de 1,2 % – sont identiques à celles de la Commission européenne. Nous tablons sur une croissance annuelle de 2 % entre 2015 et 2017, niveau qui ne nous permettrait d'ailleurs pas de rattraper la diminution de notre croissance potentielle enregistrée ces dernières années. Le HCFP – nouvelle instance de notre cadre rénové de gouvernance des finances publiques – estime que le scénario macroéconomique retenu par le Gouvernement est entouré d'aléas – certains à la baisse, d'autres à la hausse. Je confirme devant la Commission les prévisions de croissance du programme de stabilité. Compte tenu de l'ampleur des réformes engagées, il serait inopportun de se fixer un objectif de croissance plus prudent, comme vous l'évoquez, monsieur le Président, et de prendre par exemple en compte la prévision du FMI – qui pense que la France connaîtra une récession de 0,1 % cette année ; cela conduirait en outre à programmer un ajustement excessif pour ramener le déficit sous la barre de 3 % du PIB en 2014. Nos hypothèses reposent sur la conviction du redémarrage progressif de l'économie européenne – puisque la plus grande part de l'effort a déjà été effectuée dans de nombreux pays – et sur celle de l'impact des réformes que nous avons menées – le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) de 20 milliards d'euros, la réforme du financement de l'économie, les mesures volontaristes pour l'emploi, le plan d'urgence en faveur du logement, l'action pour l'investissement des collectivités locales, la création de la Banque publique d'investissement (BPI).

Le programme de stabilité et le PNR portent des réformes nécessaires pour renouer avec une croissance plus forte, plus équilibrée et plus solidaire. Ils s'orientent autour de trois axes.

Le premier concerne la compétitivité. Beaucoup a été fait en onze mois et l'année en cours sera consacrée à la mise en oeuvre et à l'approfondissement des mesures prises. Le CICE traduit la réorientation de notre système fiscal vers l'encouragement de la compétitivité et de l'innovation ; nous incitons les entreprises à se saisir de ce dispositif déjà opérationnel et dont la montée en puissance va se poursuivre – notamment grâce à son préfinancement par le système bancaire pour les PME. La nouvelle fiscalité des dividendes et l'extension du crédit impôt recherche constituent d'autres mesures favorables à l'investissement.

Dans le cadre des assises de l'entrepreneuriat, d'autres décisions seront arrêtées. La création de la BPI, la loi bancaire, le plan trésorerie et le soutien à l'investissement des collectivités locales ont remis le secteur financier au service de l'investissement des PME, des PMI et des ETI. Pour la prochaine étape de la réforme du financement de l'économie, nous mobiliserons le rapport de Mme Karine Berger et de M. Dominique Lefebvre pour utiliser plus efficacement l'épargne abondante des Français.

Plusieurs réformes dans les secteurs des services, de l'énergie et du logement visent également à soutenir notre compétitivité ; je présenterai ainsi début mai avec Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation, un projet de loi sur la consommation qui renforcera les droits des consommateurs et luttera contre les rentes injustifiées. Une réforme ferroviaire sera élaborée prochainement. Enfin, le Président de la République nous a demandé de conduire un choc de simplification. Toutes ces initiatives tendent à restaurer la compétitivité de notre tissu productif.

Le deuxième axe vise à préparer l'avenir en structurant notre économie autour de filières industrielles clefs et en soutenant les secteurs stratégiques par une politique d'investissements ciblés. Un fonds multisectoriel, doté de 590 millions d'euros et placé au sein de la BPI, appuie les filières prioritaires. Nous développons également une stratégie d'investissement de long terme dans les secteurs cruciaux du logement, de la rénovation thermique et du numérique, notamment.

Le troisième axe englobe la politique de lutte contre le chômage et la précarité avec le plein déploiement des mesures déjà adoptées, comme la réforme du marché du travail.

Au total, nous souhaitons mettre en oeuvre ces réformes dans les prochains mois avec le concours de la représentation nationale, afin de stimuler la croissance, objectif principal de notre action.

Trois temps scandent notre stratégie de redressement des comptes publics. Le premier couvre 2013 où nous ajusterons le rythme d'assainissement des comptes pour ne pas briser la croissance. Le deuxième s'ouvrira en 2014 où nous approfondirons notre effort structurel pour atteindre nos objectifs de déficit. Enfin, à partir de 2015, nous commencerons à réduire la part de l'endettement dans le PIB afin de progresser vers l'équilibre structurel grâce à la montée en puissance des économies en dépenses.

Il ne s'agit pas, comme l'a rappelé le Président de la République, d'une politique d'austérité, mais d'une politique sérieuse et juste, car nous sommes revenus sur notre objectif – voté par le Parlement dans la loi de programmation des finances publiques – de 3 % de déficit en 2013 du fait de la détérioration du contexte économique européen : le maintenir nous aurait conduits à précipiter l'entrée de la France en récession avec des conséquences sur les entreprises et sur l'emploi. Nous avons donc élaboré une nouvelle prévision de déficit – identique à celle de la Commission européenne et située à 3,7 % du PIB. Il n'y aura pas d'effort d'ajustement budgétaire supplémentaire – et pas de collectif budgétaire – en 2013 afin de ne pas peser sur la croissance.

En 2014, nous réduirons le déficit à 2,9 %, grâce à un effort structurel de 1 point de PIB, obtenu notamment par la modernisation de l'action publique – MAP –, qui nous permettra de respecter nos engagements européens sans briser l'activité. Au-delà de 2014, nous maintenons le cap de l'équilibre structurel pour l'atteindre en 2017.

En 2013, deux tiers des efforts d'assainissement proviennent de la fiscalité et un tiers seulement des dépenses ; cette proportion sera inversée à partir de 2014, l'objectif étant de stabiliser le taux de prélèvements obligatoires par rapport au PIB en 2015, avant de le faire diminuer en 2016 et 2017. Le rythme de progression de la dépense publique n'atteindra que 0,5 % et sera donc divisé par quatre par rapport à celui de la dernière décennie ; le poids de la dépense publique dans le PIB sera réduit de trois points de PIB au cours du quinquennat – soit plus de 60 milliards d'euros – grâce à la montée en puissance de la MAP qui dégagera des économies pérennes. Enfin, tous les acteurs publics contribueront à l'effort de redressement des comptes : ainsi, les dépenses de l'État – hors dette et pensions – baisseront de 1,5 milliard d'euros en 2014 et les concours financiers aux collectivités locales diminueront de 1,5 milliard d'euros en 2014 et de 3 milliards d'euros en 2015.

Le programme de stabilité et le PNR représentent l'occasion de valider nos orientations responsables et équilibrées de politique économique. Le Gouvernement entend associer crédibilité et ambition en adoptant un rythme de consolidation budgétaire qui ne pénalise pas la croissance, en mettant en oeuvre les réformes qui préparent l'avenir, qui permettent de réorienter la construction européenne et qui donnent plus de poids à la France. Nous refusons l'austérité que les Français ne veulent pas, mais nous opérons des choix sérieux et responsables, ambitieux et réalistes. Je souhaite donc que votre Commission, avant l'Assemblée nationale dans son ensemble le 23 avril, soutienne ces programmes.

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