Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du 17 avril 2013 à 11h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances :

Le Haut Conseil des finances publiques est une instance indépendante qui a rendu son avis au terme d'une semaine d'échanges avec nos services. Il a d'ailleurs également formulé des observations sur la forme de l'exercice, laquelle est perfectible puisqu'il s'agit d'une procédure nouvelle, qui s'est déroulée dans la plus grande transparence et qui a demandé beaucoup de travail supplémentaire à notre administration. Au total, l'expérience a été concluante et elle sera renouvelée. Son résultat m'inspire le même sentiment qu'à Mme Berger. Si notre scénario ne va pas sans risques ni sans aléas, le Gouvernement n'a aujourd'hui aucune raison de modifier ses prévisions de croissance. En effet, il ne serait pas opportun de se fixer un objectif exagérément prudent pour 2014 étant donné la politique que nous menons et l'ampleur des réformes engagées ; en outre, cela nous conduirait à programmer un ajustement structurel excessif.

J'invite Mme Pécresse à relire l'avis du Haut Conseil, selon lequel « un certain nombre d'aléas pourraient […] avoir un impact positif sur la prévision », dont « une contribution plus forte des stocks à la croissance sous l'effet d'une amélioration des anticipations d'activité des entreprises », ainsi qu'« une dépréciation éventuelle du taux de change effectif réel ». Si les aléas baissiers mentionnés par le Haut Conseil sont plus nombreux que les aléas haussiers, l'on ne peut pour autant passer ces derniers sous silence.

Je le répète après M. Alauzet, les prévisions du FMI diffèrent très peu des nôtres, les deux variant légèrement autour d'une croissance nulle en 2013. Nous devons viser cet objectif en proscrivant tout pessimisme qui pourrait entraîner un effet récessif supplémentaire.

Plusieurs d'entre vous se sont interrogés sur la sincérité de nos prévisions. Nous sommes convaincus que, en 2014, la croissance sera soutenue par le redémarrage de l'activité de nos principaux partenaires, par la reprise au sein de la zone euro, à laquelle nous travaillons, et par les réformes mises en oeuvre par le Gouvernement. On peut dénombrer quatre bonnes raisons pour que la situation s'arrange dans la zone euro au cours du deuxième trimestre 2013, puis en 2014. D'abord, il y aura forcément moins d'austérité en 2014 qu'en 2013 : à l'exemple de la France, on peut ajouter celui des Pays-Bas et même celui de l'Allemagne, où le débat s'engage sur la reprise de la demande. Ensuite, les décisions adoptées lors du Conseil européen de juin dernier vont produire leurs effets ; je songe notamment à l'union bancaire. Troisièmement, la politique monétaire restera durablement accommodante, comme l'a annoncé la Banque centrale européenne. Enfin, nos partenaires européens appliquent des réformes tendant à réduire le déficit par des politiques de croissance.

Plusieurs éléments expliquent que nous ayons les mêmes prévisions de croissance que la Commission européenne tout en présentant un scénario différent : une demande internationale un peu supérieure du fait de cette réorientation des politiques européennes, l'effet des réformes qui n'avaient pas été intégrées aux calculs de la Commission – ce que nous lui avions d'ailleurs signalé –, auxquels s'ajoute un niveau d'importations légèrement inférieur. Tels sont les éléments dont découlent nos prévisions, qui sont parfaitement sincères. Voilà pourquoi, tout en saluant le travail du Haut Conseil et en prêtant la plus grande attention à ses conclusions, nous avons maintenu nos chiffres.

En ce qui concerne l'important débat sur la cible structurelle ouvert par Karine Berger, le solde public nominal est passé de + 0,5 % en 2017, prévu en loi de programmation des finances publiques, à – 0,7 % dans le présent programme, et le solde structurel de 0 à – 0,3 %. Mme Berger le sait bien, les évaluations du solde structurel, si intéressantes soient-elles, notamment pour le Haut Conseil auquel elles servent de boussole, sont très incertaines, a fortiori à l'horizon 2017. Elles opposent d'ailleurs les économistes. Toutes choses égales par ailleurs, la Commission estimera que notre progression, vue au prisme de son analyse plutôt conservatrice, devrait nous conduire en 2017 à un solde structurel proche de l'équilibre, mais négatif, alors que selon, l'OFCE, par exemple, nous aurions déjà atteint l'équilibre structurel en 2013 ou en 2014 et devrions donc cesser nos efforts. Je n'approuve ni l'une ni l'autre. Ne mettons pas en péril notre crédibilité, en général et vis-à-vis de la Commission en particulier. Quoi qu'il en soit, l'écart confirme que l'analyse économique n'est pas une science exacte et que nous avons raison de porter au niveau européen le débat relatif au calcul de la croissance potentielle et à l'écart de production. Nous devons nous fonder sur des principes simples : la poursuite de l'effort est indispensable ; le cap, c'est la réduction du déficit structurel sans austérité inutile, sans masochisme et en préservant les moteurs de la croissance. L'inversion de la courbe de l'endettement prévue pour 2015 devrait y concourir.

Les mesures contenues dans le PNR ont fait pour la plupart l'objet d'études d'impact : c'est le cas du CICE, des emplois d'avenir, des contrats de génération. L'effet de chaque réforme est intégré au scénario macroéconomique. Toutefois, il est exact que nous ne disposons pas d'une évaluation globale. Je vais donc demander à mes services d'y travailler afin d'améliorer l'information du Parlement. Précisons que le rythme de la croissance potentielle va, selon nos prévisions, s'accélérer au cours des quatre années à venir sous l'effet de nos réformes, pour atteindre 1,5 à 1,6 %, ce qui représente une hausse de 0,5 point au cours du quinquennat.

Monsieur Mariton, vous m'avez interrogé sur les prévisions du FMI. Après avoir été, de son propre aveu, trop optimiste quant aux effets des politiques d'ajustement, il semble avoir aujourd'hui tendance à accroître exagérément les multiplicateurs. Plusieurs facteurs sont en jeu. Notre hypothèse de croissance potentielle de 1,5 à 1,6 % intègre l'évolution du stock de capital, du travail, de la productivité globale des facteurs.

Quel est notre cap ? Nous visons l'équilibre structurel à la fin du quinquennat et comptons nous rapprocher de l'équilibre nominal en 2017. Nous nous y tiendrons, compte tenu des incertitudes attachées aux prévisions à long terme. En ce qui concerne l'après-2017, il conviendra de déterminer à nouveau la meilleure trajectoire.

La baisse du taux d'épargne me paraît logique, car elle reflète une résilience de la consommation dans un contexte où les ajustements ciblent les agents les plus susceptibles d'épargner. Elle n'est pas du tout incompatible avec la réforme des retraites. Sur ce dernier sujet, l'approche qui sera retenue dépend des partenaires sociaux, qui doivent jouer leur rôle, et des travaux de la commission Moreau. Il s'agit d'assurer l'équilibre des régimes de retraite à court, moyen et long terme.

Les cessions d'actifs n'apporteront pas de recettes maastrichtiennes, mais des recettes en capital, que l'État peut affecter soit au désendettement, soit à des dépenses en capital. On peut citer l'exemple de la cession de 3,1 % d'actions Safran, pour un peu plus de 450 millions d'euros. Par ailleurs, l'État apporte des ressources nouvelles à la BPI pour financer des investissements d'avenir. Responsable de la politique patrimoniale – prérogative du ministre des Finances depuis 1948 –, je vous présenterai une doctrine globale d'utilisation de ces cessions d'actifs, préférable à des débats au coup par coup.

S'agissant de l'effet du CICE, nous escomptons la création de 300 000 emplois et un gain de 0,5 point de PIB d'ici à 2017. Nul ne peut le nier, la mise en oeuvre du dispositif a été exceptionnellement rapide. On nous a même reproché de l'avoir fait voter trop vite une fois que le Président de la République l'eut décidé dans le cadre du pacte national pour la compétitivité. Nous avons lancé l'offre de préfinancement de la BPI dès le 26 février et nous l'avons étendue le 5 avril aux TPE pour lesquelles le CICE ne dépasse pas 25 000 euros, constatant que les banques commerciales ne jouaient pas leur rôle auprès d'elles. Selon mes informations, plus de 1 400 demandes de préfinancement ont été accordées au cours de ce bref laps de temps, pour près de 500 millions d'euros. Je vous propose de revenir vous présenter d'ici à un mois l'état d'avancement de ce dispositif, qui fonctionne bien et dont nous souhaitons accélérer la mise en place, comme l'a rappelé ce matin le Président de la République en Conseil des ministres.

Madame Pécresse, j'ai déjà en partie répondu à vos questions. En ce qui concerne la sincérité de nos prévisions, notre objectif de croissance pour les années 2015 à 2017 n'est pas hors de portée ; je le qualifierais même de tout à fait raisonnable – même si, vous le savez comme moi, à cet horizon l'exercice de prévision demeure très conventionnel et assez incertain. Mais ce n'est pas parce que la France vient de vivre deux années de croissance nulle qu'elle y est condamnée pour l'éternité. Au cours des dix années qui ont précédé la crise, la croissance française était en moyenne supérieure à 2 %, soit un rythme à peine supérieur à la croissance potentielle que nous prévoyons pour la période 2015 à 2017, alors que nous disposons d'une capacité de rebond nettement plus élevée qu'alors.

Je n'ai pas pour habitude de raisonner avec des « si ». Si la croissance n'atteint pas 2 %, nous en débattrons le moment venu. Mais, pour notre part, nous n'avons nullement l'intention de mener une politique d'austérité. Il n'y aura donc pas de projet de loi de finances rectificative, parce que notre stratégie est absolument opposée à celle du gouvernement précédent : nous n'entendons pas revenir tous les trois mois sur le cap et sur la trajectoire que nous avons fixés. Je le répète, nous ne ferons pas d'effort supplémentaire outre ce qui a déjà été voté.

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