En 2010, j'étais le rapporteur général des états généraux de l'industrie, présidés par M. Dehecq, à l'occasion desquels est née l'idée de travailler à partir des filières. Un consensus s'était en effet établi : l'approche par filière paraissait la bonne façon de procéder pour permettre aux entreprises, petites et grandes, de communiquer ensemble.
À cette époque, nous nous étions livrés à un travail de benchmarking par rapport aux Allemands. Ceux-ci, bien que proches de nous, ont un tissu industriel très différent du nôtre : leurs entreprises sont réunies dans un écosystème dont les stratégies communes sont plus développées qu'en France. À l'issue de cette étude, nous avons proposé de créer douze comités stratégiques de filière (CSF), réunissant les entreprises associées à des fédérations, ainsi que des organisations représentant les personnels. Ces douze filières sont : l'automobile, le ferroviaire, le nucléaire, la chimie et les matériaux, le naval, les éco-industries – qui se composent de plusieurs sous-domaines, comme les énergies renouvelables, les déchets, l'eau et l'efficacité énergétique –, l'aéronautique, l'agroalimentaire, les industries de santé, la mode et le luxe, les biens de consommation et le numérique. Si leur taille et leur poids diffèrent, elles possèdent toutes une cohérence. En outre, elles représentent 84 % de la valeur ajoutée industrielle et 75 % des emplois, même si certains secteurs transversaux, comme la mécanique, sont nécessairement mal comptabilisés.
Une fois réunis sous l'égide de leur président, les CSF élaborent des contrats de filière visant à fixer des objectifs communs aux entreprises d'une même filière. Ceux-ci sont clairs, à court terme, c'est-à-dire à trois ou cinq ans, et noués autour de projets particuliers – le véhicule du future pour l'automobile. Ces contrats peuvent comporter un volet emploi ou un volet international tourné vers l'exportation, ainsi que différentes déclinaisons en termes de recherche ou de recyclage. Le CNI, présidé par le Premier ministre et animé par M. Dehecq, est la structure faîtière qui donne cohérence à cet ensemble.
Le 5 février dernier, lorsque la Conférence nationale de l'industrie est devenue le Conseil national de l'industrie, sa composition a été étendue pour y intégrer plus d'acteurs qu'en 2010 : des représentants de la BPI, apparue récemment, de l'ARF et de l'AMF, qui aident à établir un lien plus fort avec les collectivités, des chambres de commerce, des chambres de métiers et de l'artisanat, et enfin de l'Union professionnelle artisanale (UPA). Ainsi étendue, la Conférence a gagné en représentativité. Cinq contrats de filière existent actuellement, sur les douze filières structurées. Et nous espérons qu'un contrat sera signé par filière d'ici à l'été.
Pour aller plus loin que les états généraux de 2010, le ministre entend préparer l'avenir de deux façons.
À l'horizon de 2020, il veut faire émerger les filières de demain. Il s'agit de définir un petit nombre d'axes qui, avec l'appui de moyens publics et privés, structureront les filières actuelles ou d'autres à créer. Ce travail, qui n'est encore qu'amorcé, vise à identifier des plans industriels qui permettront de faire travailler des acteurs sur des défis nouveaux. Citons, parmi les défis à cinq ou dix ans, les réseaux électriques intelligents, le traitement des déchets, le recyclage ou le très haut débit, ainsi que tout ce qui tourne autour du véhicule électrique.
À l'horizon de 2030, il s'agit de rechercher des programmes permettant de faire émerger de nouvelles filières d'avenir, fondées sur des ruptures non seulement technologiques, mais industrielles. Ces programmes contenant une part d'innovation permettront de créer de nouvelles entreprises ou d'en développer sur de nouveaux secteurs. Tel sera le but de la commission « Innovation 2030 », qui sera présidée par Anne Lauvergeon.
Ainsi, depuis les états généraux de 2010, la politique de filière s'est structurée. À travers le Conseil national de l'industrie et les douze comités stratégiques de filière, elle propose une animation qui sera opérationnelle dans trois à cinq ans. Cette politique sera complétée par des plans industriels opérationnels en 2020, qui réuniront des industriels présents en France, mais qui n'ont pas encore l'habitude de collaborer pour développer de grands programmes. En vue de 2030, nous élaborons un volet prospectif fondé sur des ruptures plus industrielles que technologiques.