Intervention de Christophe Borgel

Réunion du 17 avril 2013 à 17h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Borgel, rapporteur pour avis :

Le Président de la République, rendant hommage à M. Serge Haroche, prix Nobel de physique 2012, a affirmé, au Collège de France : « Investir dans le savoir, c'est préparer la France de demain. »

Disposer d'un enseignement supérieur et d'une recherche de qualité est un enjeu qui dépasse le périmètre académique et fait interagir toutes les composantes de la société. C'est nécessaire pour l'avenir des jeunes, car le renforcement de nos capacités de formation élèvera leur niveau de qualification et favorisera la réussite des étudiants, qui est l'une des priorités du projet de loi.

D'autre part, disposer d'un enseignement supérieur et d'une recherche de qualité n'a de sens que si la recherche fondamentale et technologique est transférée vers l'industrie. La recherche sert ainsi le développement et la compétitivité des entreprises, permet une meilleure compréhension du monde, car les innovations de rupture répondent aux défis du siècle, et aide à maintenir des emplois ou à en créer. C'est notre capacité à transférer la recherche vers l'industrie qui, dans un contexte marqué par les difficultés économiques, permettra de gagner la bataille de la croissance et de l'emploi. Au moment où nous débattons du texte, le rapport de MM. Beylat et Tambourin affirme d'ailleurs que ce transfert est une priorité.

Le texte a été élaboré de manière novatrice. Les Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui se sont conclues en novembre au Collège de France, ont rassemblé, outre la communauté scientifique, de nombreuses composantes de la société. Par ailleurs, le Parlement a été associé au texte en amont, à travers le rapport de M. Jean-Yves Le Déaut, premier vice-président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Notre système d'enseignement supérieur et de recherche, particulièrement complexe, a pu être comparé à un mikado. De fait, par le passé, les textes législatifs ont empilé des structures, de sorte que la simplification est devenue une priorité. Même si celle-ci échappe au champ de notre saisine, je salue l'effort accompli pour rendre nos formations plus lisibles tant à l'étranger que dans tous les milieux sociaux. Le texte vise à améliorer la réussite des étudiants, à simplifier les structures, à programmer la recherche en fonction d'un agenda stratégique et à renforcer les moyens destinés à établir un continuum entre la recherche et l'économie.

Notre Commission est saisie pour avis des articles 48 à 55 du titre VI, qui tendent à redonner à l'État un rôle de stratège en matière de recherche. L'article 11 pose un cadre. La stratégie nationale de recherche sera resserrée. Elle obéira à huit priorités concrètes, sur lesquelles la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche s'est déjà exprimée. À l'empilement de décisions et de propositions, qui caractérise le dispositif actuel, nous substituons des priorités, qui nous rapprocheront des grands pays développés et nous aideront à adopter une stratégie nationale.

Aux termes de l'article 53, cette stratégie sera élaborée par le Conseil stratégique de la recherche, outil de pilotage interministériel présidé par le Premier ministre ou par le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui la mettra en oeuvre. Ce conseil, qui remplacera le Haut conseil de la science et de la technologie, redonnera à l'État son rôle de stratège. Par amendement, je vous proposerai d'insérer dans le texte le terme d'innovation, pour inscrire dans la loi le principe d'un Conseil stratégique de la recherche et de l'innovation.

L'évaluation est le deuxième enjeu du titre VI. La création, en 2006, de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES), a lancé notre pays sur la voie de l'évaluation indépendante. Lors des Assises, plusieurs voix se sont élevées pour demander qu'on améliore le dispositif actuel. À cette fin, le texte propose de créer un Haut conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, dont la mission ne sera pas tant d'évaluer directement, même s'il pourra le faire ponctuellement, mais de garantir la qualité de l'évaluation et de l'auto-évaluation des organismes. Il sera régi par un conseil d'administration assisté d'un conseil d'orientation scientifique. Par amendement, je vous proposerai de lui donner le nom de Haute autorité, de clarifier l'article 49 qui définit ses missions et de faire du conseil d'orientation scientifique un comité d'orientation scientifique.

L'article 55 porte sur les activités de transfert. Tout chercheur qui aura fait une découverte dans le cadre d'un projet financé par des fonds publics devra la déclarer auprès de l'organisme employeur. Ensuite, au lieu de se perdre dans les laboratoires, les inventions devront remonter vers la direction des organismes et être sanctionnées par un brevet, première étape du transfert. L'employeur les valorisera d'abord auprès des PME de l'Union européenne. Je soutiendrai un amendement visant à faciliter le transfert en instaurant un mandataire unique quand le brevet peut avoir plusieurs propriétaires publics, ce qui arrive dans les unités mixtes.

Le transfert est essentiel pour que la recherche serve la compétitivité et aide notre économie à trouver sa place dans la compétition mondiale. Répéter que l'innovation est la clé de l'avenir ne suffit pas. Il faut passer de l'incantation à la réalité. C'est pourquoi le transfert doit devenir une des missions essentielles de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Ainsi, le titre VI du projet de loi rend toute sa place à l'articulation entre recherche fondamentale ou technologique, et développement économique. Il installe durablement dans notre pays, en réglant les problèmes que posait l'AERES, l'évaluation indépendante, indispensable pour faire reconnaître nos travaux à l'international. Enfin, il fait du transfert une mission clé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Pour toutes ces raisons, je vous propose d'émettre un avis favorable à son adoption.

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