La proposition de résolution que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui est le résultat de travaux menés pendant plusieurs mois par nos collègues Joaquim Pueyo et Yves Fromion dans le cadre de la Commission des affaires européennes, à laquelle ils ont présenté deux rapports d'information.
La résolution qu'ils ont présentée en conclusion de ces travaux a été adoptée mardi dernier à l'unanimité, moins deux abstentions, par la Commission des affaires européennes. Son but : que notre Assemblée contribue à l'effort de relance de l'Europe de la défense qui a été impulsé par les chefs d'État et de gouvernement lors du Conseil européen des 13 et 14 décembre 2012.
Je m'attacherai donc à vous présenter brièvement les enjeux de cette relance, avant de vous exposer le contenu de cette proposition.
Pourquoi la relance de l'Europe de la défense ? La question peut paraître simpliste et la réponse évidente : parce que depuis trop longtemps, si j'ose dire, elle piétine.
En réalité, les enjeux sont un peu plus complexes. En effet, l'essentiel des instruments juridiques nécessaires à une politique de défense ambitieuse existe d'ores et déjà : l'essentiel est dans le traité de Lisbonne.
Le traité de Lisbonne est en effet sous-tendu par une véritable ambition de renforcement de la politique européenne de défense. Celle-ci, d'ailleurs, n'avait pas dix ans lorsque le traité a été négocié : l'Europe a commencé à se doter d'une politique de défense commune à partir de l'initiative franco-britannique de Saint-Malo, en 1998. Développée dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Cette politique de défense a d'abord porté le nom de « politique européenne de sécurité et de défense », avant que le traité de Lisbonne procède à sa refondation, sous le nom de « politique de sécurité et de défense commune », ou PSDC.
Qu'a apporté ce traité, concrètement ? Plusieurs instruments assez prometteurs :
– il a consolidé la place de la PSDC dans les missions de l'UE et affirmé l'objectif d'une défense commune, et pas seulement d'une politique de défense commune ;
– il a renforcé l'Agence européenne de défense, afin d'en faire un véritable catalyseur de projets industriels ;
– il a établi entre les États membres une clause de défense mutuelle, comparable à celle qui lie les membres de l'OTAN, sans pour autant entrer en contradiction avec celle-ci ;
– surtout, il a prévu une procédure de coopération renforcée ad hoc, spécifique à la défense : la « coopération structurée permanente ».
Alors, bien sûr, ces instruments ne sont peut-être pas parfaits : on peut regretter un éparpillement des structures de décision, ou la faiblesse des mécanismes communautaires de financement de la PSDC. On peut toujours demander plus, mais ce serait s'enfermer dans le registre incantatoire, ce que nos collègues Yves Fromion et Joaquim Pueyo refusent, à juste titre.
Et si, déjà, tout le traité de Lisbonne était mis en oeuvre, l'Europe de la défense aurait plus de consistance qu'aujourd'hui. La crise malienne en a d'ailleurs bien montré les limites, que nous évoquons semaine après semaine avec le ministre lorsqu'il vient nous rendre compte du déroulement de l'opération Serval.
C'est donc par pragmatisme que la proposition de résolution qui nous est soumise, loin de toute tentation utopique, s'inscrit résolument dans le cadre des travaux actuels visant à relancer la PSDC.
Ces travaux ont été lancés en décembre dernier par le Conseil européen, qui a donné mandat à la Commission et à la Haute représentante, Mme Ashton, pour lui faire des propositions dans trois objectifs :
– augmenter l'efficacité, la visibilité et l'impact de la PSDC ;
– renforcer le développement des capacités de défense ;
– renforcer l'industrie de défense européenne.
Le Conseil européen a fixé un calendrier à ces travaux : il doit consacrer sa réunion de décembre 2013 à l'examen des propositions qui lui auront été faites. Il y a là une occasion à ne pas manquer ; 2013 peut marquer un tournant pour l'Europe de la défense.
L'initiative de nos collègues Yves Fromion et Joaquim Pueyo vise ainsi à ce que l'Assemblée apporte sa contribution à ces travaux de façon pragmatique, elle suit les trois axes définis par le Conseil européen.
Pour augmenter l'efficacité, la visibilité et l'impact de la PSDC, ils proposent notamment l'élaboration d'un document stratégique partagé, un Livre blanc européen, et recommandent vivement de mettre en oeuvre, enfin, la coopération structurée permanente : c'est autour d'un noyau d'États pionniers que l'Europe de la défense peut se constituer. Ils soulignent l'intérêt de « l'approche globale » suivie en matière de PESC, c'est-à-dire la mise en cohérence de toutes les politiques extérieures de l'Union, région par région : politique commerciale, actions civiles, missions militaires, aide au développement, etc. Ils recommandent aussi une simplification de l'architecture institutionnelle.
Pour renforcer le développement des capacités en matière de défense, ils proposent de mettre en cohérence les capacités nationales, c'est-à-dire que les États coordonnent leurs capacités de façon à ce que, à l'échelle européenne, on évite les doublons ainsi que les lacunes. Puisqu'aucun pays européen ne peut plus posséder l'ensemble des capacités – soyons réalistes –, autant que nous ne faisions pas tous les mêmes « impasses ». Puisque nous sommes d'ores et déjà interdépendants, assumons-le, et organisons-nous pour n'en être que plus efficaces. La mobilisation des instruments financiers existants, certes imparfaits, est nécessaire pour accompagner cette manoeuvre.
Enfin, pour renforcer l'industrie de défense européenne, nos collègues proposent une politique concertée de consolidation industrielle, passant par exemple par la relance de la fusion EADS-BAE Systems. Ils recommandent aussi d'harmoniser la demande d'équipements entre les États membres, de façon à unifier nos marchés, pour un meilleur fonctionnement de nos coopérations industrielles. Ils proposent également de mobiliser les fonds européens de soutien de la R&D au profit des technologies duales, et de faire jouer un système de préférence communautaire vis-à-vis des États – et il y en a beaucoup, et pas des moindres… – qui n'ouvrent pas leurs marchés d'armement à nos industriels.
Enfin, dans un double souci d'équité et de protection des capacités militaires européennes en période de tensions budgétaires, ils proposent que les États qui investissent peu dans la défense de l'Europe apportent une contribution à ceux qui paient le prix d'un outil de défense performant ainsi que, parfois, le prix du sang. Il est proposé qu'à tout le moins, les dépenses militaires contribuant à la défense de l'Europe soient exclues du calcul des déficits publics excessifs passibles de sanctions européennes. Les outils de défense français et britannique, principalement, pourvoient à la sécurité de l'Europe entière ; ce « bien commun » a un prix ; qu'à tout le moins, les États ne soient pas placés en position soit de subir des sanctions financières lorsqu'ils font le choix courageux de ne pas le sacrifier aux vicissitudes budgétaires du moment, soit de sacrifier leur défense, et avec elle celle de l'Europe.
Voici les principales orientations de la proposition de résolution qui nous est soumise. Je vous recommande son adoption, avec cinq modifications rédactionnelles.