Intervention de Germinal Peiro

Réunion du 17 avril 2013 à 10h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGerminal Peiro, rapporteur :

La réforme de la PAC proposée en 2011 par la Commission est une réforme d'envergure, attendue de longue date. Pour suivre les négociations, la Commission des affaires économiques et la Commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale ont constitué un groupe de travail commun, dont les rapporteurs sont Danielle Auroi et Hervé Gaymard pour la commission des affaires européennes et Antoine Herth et moi-même pour la commission des affaires économiques. Les autres membres du groupe de travail pour la Commission des affaires économiques sont : Dominique Potier, Frédéric Roig, François Sauvadet et André Chassaigne. Mais je salue également la participation régulière à nos réunions de Brigitte Allain.

En contrepartie de la stabilisation du budget agricole, les États membres se sont accordés en 2003 sur une remise à plat de la PAC après 2013. Notre groupe de travail a travaillé sur la base des propositions faites par la Commission. Il était important que le Parlement français puisse prendre position sur cette réforme de la PAC, mais il faut nous mettre également dès à présent à travailler sur les orientations de la PAC après 2020.

La Commission européenne pose trois grands objectifs : assurer une production alimentaire viable ; encourager une gestion durable des ressources naturelles et des mesures en faveur du climat et soutenir un développement territorial équilibré. Au regard de ces objectifs, la Commission propose une refonte de la structure des paiements directs avec la fin des « références historiques » - c'est-à-dire la décision prise lors de la dernière réforme d'attribuer des aides aux exploitations en fonction du montant qu'elles percevaient sur la période 2000-2002, reproduisant les inégalités- afin de tendre vers une aide unique à l'hectare et une mesure de « verdissement » à hauteur de 30%.

Ces évolutions de la PAC vont incontestablement dans le bon sens. Encore faut-il que les résultats des arbitrages entre les trois instances de la codécision- Commission, Parlement et Conseil – n'aboutissent pas à une dilution de ces propositions.

Nous avons procédé à des auditions les plus larges possibles lors de tables rondes, effectué un déplacement à Bruxelles et rencontré les députés allemands à Berlin en janvier suite à la commémoration du traité de l'Elysée.

Notre groupe de travail a souhaité, exprimer quelques idées forces sur les orientations de la réforme de la politique agricole commune après 2013 :

– le budget agricole ne doit pas être un chèque en blanc, mais le groupe de travail se réjouit du fait que la PAC ait été relativement préservée dans la négociation budgétaire, ce qui n'était pas acquis. Cela ne sera toutefois qu'un sursis si cette réforme ne règle pas la question de la légitimité des soutiens accordés à l'agriculture. Les disparités des niveaux d'aides dont 80 % reviennent à 20 % de bénéficiaires sont de plus en plus difficiles à justifier.

– le verdissement a été une autre des justifications du budget de la PAC. Il n'est pas une option mais bien une condition du maintien à terme de cette politique. Les nouvelles orientations de la PAC doivent permettre à l'agriculture d'apporter une contribution active à la protection de l'environnement et de la biodiversité, par la réorientation des systèmes de production. La France, malgré des initiatives comme le Grenelle, est aujourd'hui la championne d'Europe des pesticides et le deuxième plus gros consommateur mondial. Il est donc important d'apporter des inflexions à cette tendance. C'est ce qu'attend la société.

– le groupe de travail s'est félicité de la proposition du ministre de l'agriculture Stéphane Le Foll d'accorder une surprime aux 50 premiers hectares, ce qui correspond à la taille moyenne française des exploitations. Cette proposition a été reprise par le Parlement européen et le Conseil, et acceptée par la Commission. Elle permet de soutenir l'emploi car les premiers hectares sont les plus intensifs en main d'oeuvre agricole. C'est la seule façon de soutenir efficacement l'emploi sans désavantager la France. Dans les pays de l'Est, il existe de nombreuses toutes petites exploitations. Introduire un paramètre uniquement lié à l'emploi aurait déséquilibré l'attribution des aides. Le groupe de travail a également envisagé d'accorder une surprime aux tout premiers hectares. Dans les installations, on retrouve en effet, des agriculteurs qui choisissent de toutes petites surfaces pour y faire du maraichage ou de l'arboriculture. La légitimité des aides de la PAC passent aussi par la cohésion des territoires, et elle doit permettre de maintenir la diversité des agricultures. A cet égard, nous avons souligné la problématique particulière qui se pose dans le secteur de l'élevage. Même si les prix se tiennent, l'augmentation du coût des intrants causent de réelles difficultés aux éleveurs. En 2012, l'abattage en France a baissé de 7%. Beaucoup d'éleveurs sont tentés de se convertir à la production de céréales, plus rémunératrice et moins contraignante.

– le groupe de travail se félicite également de la proposition de la Commission d'introduire un plafonnement des aides par exploitation. Il souhaiterait cependant que celui-ci soit plus ambitieux que les 300 000 euros envisagés par la Commission et le Parlement européen et propose donc un plafonnement à 200 000 euros. Le droit à paiement unique (DPU) moyen en France se situant aux alentours de 300 euros, le plafonnement s'appliquerait à des exploitations de 1 000 hectares.

– la PAC doit aussi être une politique économique orientée vers la stabilisation des marchés, si l'on veut assurer aux producteurs des prix rémunérateurs, selon leur revendication: « des prix, pas des primes ». Les agriculteurs européens, acteurs clés de la sécurité alimentaire et de la compétitivité agroalimentaire européenne, ne doivent pas être la variable d'ajustement de marchés agricoles instables, à mesure que la disparition des mécanismes de régulation accentue la spéculation. Toutes les grandes puissances agricoles de la planète ont renforcé, à l'instar des États-Unis, des filets de sécurité efficaces du revenu de leurs agriculteurs. Le groupe de travail est ainsi favorable à ce qu'une réflexion s'engage sur la pertinence d'aides contra cycliques. Il est difficile de faire comprendre aux citoyens qu'un secteur qui profite de cours favorables touche les mêmes aides qu'une année difficile. Le commissaire Ciolos a indiqué que l'Europe n'était pas mûre pour une telle mesure, les différents pays pouvant connaître des situations très variables. En outre tous les Etats membres ne sont pas en faveur d'une telle régulation.

– le groupe de travail s'est également déclaré favorable au maintien jusqu'en 2030 de l'encadrement des plantations de vignes, sous la forme d'un régime d'autorisation des plantations nouvelles, applicable à l'ensemble des plantations de vigne.

– enfin, la PAC doit aussi être une politique de solidarité, tant vis-à-vis des citoyens européens les plus démunis. La baisse des financements et la transformation du programme d'aide aux plus démunis en un fonds intégrant des cofinancements constituent un problème majeur pour les millions de citoyens européens pauvres.

Une fois les enveloppes nationales attribuées, il incombera aux autorités nationales d'utiliser les instruments de la PAC et leurs marges de subsidiarité, de la façon la plus conforme à l'intérêt général.

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