Intervention de Germinal Peiro

Réunion du 17 avril 2013 à 10h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGerminal Peiro, co-rapporteur :

On a cherché à aboutir à une répartition plus juste des aides. Or, la répartition 80 20 dont nous parlions tout à l'heure est actuellement une réalité. Le problème est qu'avec une aide unique à l'hectare tant au niveau européen qu'au niveau national, on va évidemment favoriser ceux qui ont le plus d'hectares, donc ceux qui ont les plus grandes exploitations, au détriment des plus petits. On encourage ainsi l'agrandissement ! Alors, pourquoi avoir introduit la surprime aux 50 premiers hectares ? Je souhaite insister sur le fait que c'est la préoccupation de l'emploi, et elle qui, pour l'essentiel, a conduit à son instauration. C'était la seule solution pour faire face aux exploitations de l'ancienne Europe de l'Est, auxquelles nous sommes confrontés puisque nous évoluons dans un cadre européen, et qui connaissent une main-d'oeuvre extrêmement importante : si le soutien avait été affecté en fonction de l'importance de la main-d'oeuvre, nous y aurions beaucoup perdu ! Il fallait donc trouver un système prenant en considération aussi bien le nombre d'actifs que la surface.

La remarque de François Sauvadet à l'égard de l'élevage extensif est très juste puisque, d'un côté, on encourage l'élevage extensif que l'on considère notamment plus respectueux de l'environnement et qui occupe mieux l'espace, mais d'un autre côté, on considère que 50 hectares, c'est « un peu court ». Surprimer les 50 premiers hectares revient à augmenter la prime jusqu'aux exploitations de 100 hectares ! Pour celles qui ont une superficie supérieure à 100 hectares, elles vont y perdre en théorie. Pour ce qui est de l'élevage extensif, il faut absolument se battre pour le maintien des ICHN (Indemnités compensatoires de handicaps naturels) dans toutes les zones de montagne, pour maintenir la prime herbagère, et pour obtenir du couplage pour l'élevage : sans cela, on ne s'en sortira pas ! Or, celles qui y perdront au final, ce seront essentiellement les grandes cultures. Il y aura alors un rééquilibrage des aides entre grandes cultures et élevage : je vous rappelle que Michel Barnier l'avait amorcé en 2006-2007 et nous l'avions alors soutenu. La surprime aux 50 premiers hectares va dans le sens d'un soutien à l'emploi, je l'ai dit : on l'a également mise en place dans une optique de convergence des aides. Plus personne ne réclame instamment aujourd'hui cette convergence puisque ce sont les zones aidées qui risquent d'y perdre le plus car ce sont les systèmes de polyculture et ceux alliant polyculture et élevage qui bénéficient aujourd'hui d'un DPU (droit à paiement unique) largement supérieure à 350 euros. Le DPU est actuellement supérieur à 350 euros (il est même parfois de 420 euros, notamment dans le Périgord noir) ; on risque là de voir son montant baisser à 280 euros. De fait, ce sont les secteurs qui souffrent le plus qui risquent également y perdre le plus, notamment dans le Grand Ouest où se développe l'élevage laitier. L'élevage extensif effectué pour la viande, qui connaît actuellement un DPU d'environ 170 euros, y gagnera ; les grands céréaliers, qui bénéficient d'un DPU d'environ 320 euros, n'y perdront pas trop non plus. C'est donc par le biais de l'emploi qu'il faut aborder le système de la surprime. On n'arrivera à compenser que si l'on parvient à recoupler. La Commission européenne avait proposé 10 pour 100 de recouplage, le Conseil européen 12, le Parlement européen 15 : sur ce point, c'est lui qui a raison car si l'on reste à un niveau de 10, on ne fait que maintenir le recouplage actuel. On soutient donc le Parlement sur ce point.

Sur la régulation, certains se demandent pourquoi nous n'avons pas de quotas laitiers ? Mais tout simplement parce que ce système des quotas, tel qu'il existait actuellement, a vécu ; pour autant, je vous signale qu'une des dispositions souhaite une certaine régulation. Le commissaire européen Ciolos est d'ailleurs conscient de la nécessité d'instaurer un contrôle minimal puisqu'il organisera en juillet ou septembre prochain une convention européenne sur le lait : il faut remettre en place un outil de contrôle de la production ou des volumes sur la lait. La disparition des quotas risque aujourd'hui de faire disparaître la production de lait dans tout le sud de la France car il ne faut pas oublier que les quotas encadraient non seulement les volumes au plan national mais également au niveau régional. Encore une fois, sans ces quotas, le lait risque de disparaître du sud mais aussi dans toutes les zones intermédiaires de la France, et ce au bénéfice exclusif des zones les plus rentables.

Sur la justification des aides de la PAC, on peut certes regretter que la production ne soit pas suffisamment encouragée par le nouveau régime des aides mais soyez assurés que nous sommes en faveur d'une agriculture de production car c'est essentiel pour l'économie de notre pays ; le Président de la République l'a très clairement affirmé à plusieurs reprises. On ne peut accepter de voir toutes les productions agricoles diminuer ainsi car, si la production baisse, on ne sauvera pas notre système social agricole . Cela dit, à partir du moment où les aides sont conséquentes (plus de 10 milliards d'euros), il faut que la protection de l'environnement ou de la santé des consommateurs soient également prises en compte, de même que la demande d'une plus grande justice sociale. On ne doit pas stigmatiser des secteurs ou des productions en particulier (les céréaliers notamment) mais, quand on regarde la moyenne des revenus annuels (76 000 euros pour les céréaliers en 2012, 13 000 euros pour un éleveur), on doit réfléchir à la péréquation des revenus. Jusqu'où l'aide publique doit-elle aller pour rééquilibrer les choses ? La nouvelle PAC ne va pas régler ce problème : les aides dépendant du nombre d'hectares d'une exploitation, il va de soi que ce seront toujours les plus grands qui percevront les aides les plus importantes.

Le soutien aux filières (notre collègue Joël Girault a par exemple parle de la filière porcine de montagne) : on a besoin de toutes les filières dans notre pays. On a ainsi besoin de la filière industrielle de l'élevage, de la filière du veau de boucherie industriel, de la filière porcine de montagne… Que les filières soient soumises à des réglementations différentes et qu'elles se voient imposer certaines contraintes en termes de bien-être animal ou autre me semble normal, mais il faut encore une fois veiller à ne pas opposer les filières entre elles. C'est l'agriculture dans son ensemble qui mérite et qui doit être soutenue.

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