Intervention de émile Bayer

Réunion du 3 avril 2013 à 16h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

émile Bayer, directeur général de l'établissement public foncier de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur :

Nous ne l'avons pas demandé non plus, mais elle nous a été imposée par le ministère du budget, ce qui nous pose un vrai problème bien que nos conventions prévoient aussi l'engagement des collectivités au rachat des biens. Nous avons demandé, au titre de l'égalité de traitement avec l'Île-de-France, d'être exemptés de cette garantie - que nos prêteurs ne sollicitent pas - compte tenu du fait que nous disposons d'un portefeuille liquide de 326 millions d'euros et que nous devrions disposer d'une notation favorable.

En 2005, à la demande du maire d'Antibes, qui cherchait à permettre aux actifs de Sophia-Antipolis de se loger, nous avons préempté un site voué à être intégralement converti en résidences secondaires. Il était alors impossible, faute d'anticipation et de réserves foncières, de répondre à la demande de multinationales qui voulaient loger leurs salariés. Interpelés par ces entreprises renonçant à s'installer, à la demande des maires des Alpes-Maritimes, nous avons lancé un appel à candidatures réunissant trois promoteurs – un bailleur social, un spécialiste du logement intermédiaire et un spécialiste du logement libre – ainsi qu'une équipe d'architectes. 4 candidats ont été retenus pour un programme comportant 50 % de logements libres et 50 % de logements conventionnés autour d'un parc et une école – une sorte d'écoquartier avant la lettre. Les deux équipes classées ex aequo par le jury ont été départagées lorsque le maire a finalement demandé que 100 % des logements soient conventionnés : l'une des a accepté à condition que l'EPF lui vende le terrain au prix de revient, ce qui a été fait car la qualité du projet primait sur le prix. On est ainsi passé de 100 % de résidences secondaires à 220 logements conventionnés à 100 %.

Nous travaillons avec environ 120 collectivités. Nous concluons avec les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) des conventions qui fixent les grandes orientations issues du schéma de cohérence territoriale (SCOT) et du programme local de l'habitat (PLH) et nous définissons des conventions opérationnelles avec les communes, car l'EPCI, compétent sur le plan stratégique, ne l'est pas en matière d'urbanisme, ni pour la délégation du droit de préemption, indispensable, même si nous en faisons un usage modeste.

Cet outil est également indispensable à la régulation des marchés. En effet, le code de l'urbanisme imposant une concertation préalable à l'élaboration de tout projet, le simple fait que la collectivité communique sur un projet se traduit du jour au lendemain par une augmentation de 30 % des prix dans la négociation. Aussi mettons-nous en place des périmètres de veille avant l'élaboration du projet. Notre action se décompose en trois temps : anticipation, veille foncière et intervention en annulation de prix, puis une phase d'impulsion au cours de laquelle nous déterminons avec les collectivités le contenu du projet en termes d'intérêt général, de parti d'aménagement et d'équilibre financier.

Nous missionnons une équipe pluridisciplinaire pour élaborer plusieurs scénarios. Lorsque la collectivité a choisi l'un d'entre eux, vient la phase de réalisation. Nous achetons alors systématiquement, à l'amiable, ce qui figure dans le périmètre. Conformément aux règles de Pareto, il se trouve toujours une frange de 20 % justifiant une procédure de déclaration d'utilité publique (DUP) durant laquelle nous cherchons les candidats susceptibles de réaliser le projet, tout en menant les consultations pour identifier les opérateurs. Quand les opérateurs sont trouvés, ils déposent un permis de construire pour une division parcellaire, à moins qu'il ne s'agisse d'une opération d'aménagement. Nous revendons les biens lorsque les recours des tiers contre le permis de construire sont purgés : l'opérateur est alors prêt à démarrer. Le temps d'intervention de l'EPF va ainsi de l'accompagnement de la réflexion stratégique de la collectivité au niveau du SCOT et du PLH jusqu'à la cession aux opérateurs. Lorsqu'il s'agit d'aménageurs, nous aidons techniquement la collectivité à réaliser le dossier de création, comme la loi le prévoit. La consultation porte alors sur le dossier de réalisation.

Nous disposons aujourd'hui de 300 sites, qui représentent un potentiel de 18 000 logements. Le temps de portage moyen est de 6 ans – il peut aller jusqu'à 15 ans pour les OIN. En 2005, notre conseil d'administration souhaitant que nous allions plus vite, nous avons élaboré des conventions « habitat à caractère multi-sites », aux termes desquelles les collectivités nous délèguent ponctuellement le droit de préemption pour des périmètres sur lesquels les projets ne sont pas encore bien définis, afin que nous puissions réaliser - à l'instar de la SAFER en milieu rural - un remembrement urbain sur des lots un peu denses. Ces opérations portent généralement sur une surface d'un hectare, au lieu de 6 à 7 hectares pour les autres opérations. Ces conventions habitat représentent environ 25 % de nos cibles d'intervention, sachant que les sites pour les moyens et longs termes représentent 50 % de nos conventions opérationnelles. Les 25 % autres sont constitués des sites que nous acquérons au titre de l'anticipation foncière dans le cadre de la régulation des prix en phase « amont », ou lorsqu'il s'agit de l'acquisition de gros tènements ou d'opportunités qu'il nous faut saisir.

La cible de notre troisième programme pluriannuel d'intervention (PPI), pour la période 2010-2015, est de produire 10 % de la production régionale de logements, soit autour de 3 000 logements, sachant que les objectifs annuels de production fixés par l'État et la région sont de 40 000 logements, conformément à l'objectif national fixé à 500 000. Cet objectif collectif n'est pas atteint – le meilleur score étant de 36 000 logements en 2011 – mais nous devrions, quant à nous, parvenir l'année prochaine à l'objectif de 3 000 logements par an.

Pour le prochain PPI, je pense qu'il serait souhaitable, compte tenu des spécificités du territoire, de viser un chiffre de 150 millions d'euros à consacrer aux acquisitions, afin que des achats ne nous échappent. Ainsi, en 2003, dans le périmètre d'Euroméditerranée I, la rue de la République, propriété de deux grands opérateurs, était à vendre pour 53 millions d'euros. La TSE dont nous disposions ne nous ont pas permis de saisir cette opportunité. Euromed, l'opérateur-aménageur, a vu plusieurs fonds de pension européens et américains acquérir et revendre successivement ce bien, en prenant chacun une commission de 15 % ou 20 %, et a rencontré plus de difficultés que prévu pour commercialiser ces logements. Ceux qui relèvent du secteur libre sont en effet vendus à 4 500 euros le mètre carré, prix plafond pour Marseille, l'ensemble comportant aussi des logements sociaux et des commerces. En outre cette opération a été plus longue que prévu. Désormais, si une telle opportunité venait à se présenter à nouveau, nous pourrions mobiliser sans difficulté, dans le cadre du prochain PPI, 50 millions d'euros pour une opération spécifique.

Alors que nous avions quelques hésitations en réalisant, voilà trois ans, nos premières acquisitions d'une valeur de 20 millions d'euros, nous avons désormais cinq ou six prospects de ce type. Il est important que nous puissions intervenir à cette hauteur, afin de faire face à des fonds de pension qui ont les moyens d'effectuer des transactions importantes sans transformer le produit pour le bien-être de la région.

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