Non, car les courbes établies par Jacques Friggit pour la France, les États-Unis, le Royaume-Uni et les pays d'Europe montrent que les autres pays ont connu une chute de 30 % à 40 % : acheter maintenant se justifie si l'on en a besoin mais le faire à titre de placement revient à courir le risque d'une décote de 40 % d'ici à trois ou quatre ans. Les travaux de Joseph Comby sur le marché parisien montrent que les prix ne croissent pas en permanence et finissent par retomber. Quand il y a chute, nous achetons dans le premier tiers du cycle du déclin.
À Antibes, nous allons ainsi racheter, à la demande du maire, une opération initialement montée dans le cadre d'un projet urbain partenarial (PUP). Cette opération, qui porte sur 12,5 hectares, a fait l'objet de compromis de vente conclus par plusieurs opérateurs nationaux. Le PUP a échoué, l'opération publique était trop complexe. Le marché se renversant, les opérateurs abandonnent successivement le projet. L'EPF rachètera sans doute à ces opérateurs, comme il l'a fait par exemple à Saint-Cyr-sur-Mer dans le Var, où il a racheté pour 4,7 millions d'euros un bien pour lequel un grand opérateur national était titré à 6,7 millions d'euros. L'EPF achètera sans doute de 30 % à 40 % moins cher, sur la base de l'estimation des Domaines, mais paie dans les trois mois grâce à la liquidité que offerte par la TSE, tandis que l'opérateur, d'une promesse de vente à l'autre tant que toutes ses conditions ne sont pas remplies, ne prend finalement aucun engagement.
Ce contexte n'existe pas partout : à Marseille par exemple, les promoteurs immobiliers se livrent à une surenchère au risque de monter des opérations non crédibles -peut-être parce que leurs directeurs locaux sont tenus de continuer à présenter des affaires à leurs comités d'engagement. Les opérateurs sont dans l'expectative et n'ont pas encore vraiment pris acte du fait que le marché va s'ajuster. Lorsqu'ils pratiquent cette surenchère dans notre périmètre de veille, nous préemptons, qu'il s'agisse de bailleurs sociaux ou d'opérateurs privés, car nous nous efforçons de maintenir un prix moyen de référence et recourons pour cela à une préemption en réduction de prix.
Dans la région PACA, nous ne sommes pas confrontés à une concurrence des opérateurs, car nous intervenons en amont des promoteurs et des aménageurs. Nous avons toujours recommandé aux bailleurs de conserver leurs outils et leurs prospecteurs fonciers, car nous ne réalisons que 10 % de la production régionale. Les bailleurs se chargent de ce qui est simple, comme l'achat des tènements situés en bordure de voie, tandis que nous prenons en charge les opérations plus compliquées, comme le remembrement urbain en fond de parcelle à désenclaver. Pour les aménageurs, qui ont toujours une part de recettes issue de l'action foncière, nous nous occupons de la régulation des prix : nous préemptons et procédons à quelques acquisitions amiables afin de nous constituer un portefeuille de référence, notamment vis-à-vis de France Domaines et du juge de l'expropriation. Lorsque l'aménageur est opérationnel, nous le laissons initier la DUP et prendre le relais : les prix sont calés et la voie est ouverte pour finaliser l'opération.
Quant à savoir si le manque d'anticipation est une question d'échelle ou d'ingénierie, je rappelle que les intercommunalités étaient encore peu nombreuses lorsque l'EPF PACA a été créé en 2001, qu'un grand nombre d'entre elles n'ont été créées qu'entre 2002 et 2005 avec l'ingénierie correspondante, et qu'il n'existait au départ ni PLH ni SCOT. Depuis 2005, nous travaillons sur la base de PLH, désormais spatialisés. En revanche, dans le moyen pays et sur les franges des EPCI, où il n'existe pas d'intercommunalités, il faudrait que ce tissu rural s'organise en intercommunalités à une échelle leur permettant de disposer d'une ingénierie (un savoir-faire en matière foncière, de conduite de projets urbains et de maîtrise d'ouvrage) ou, à défaut, que la région et les départements puissent cofinancer des équipes chargées de monter les projets. L'EPF ne peut en effet se substituer totalement à la maîtrise d'ouvrage pour les 623 communes de la région PACA ; les EPCI sont déjà un gage d'efficacité.