Intervention de Gilles Carrez

Réunion du 17 avril 2013 à 16h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez, président :

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je suspendrai la séance pour une dizaine de minutes après mon introduction, qui sera tout à fait factuelle, afin de permettre à ceux qui le souhaitent de participer au vote qui doit avoir lieu dans l'hémicycle.

Nous accueillons M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances, qui répond ainsi très rapidement, et je l'en remercie, à ma demande d'audition sur le traitement de la situation de M. Jérôme Cahuzac par les services de son ministère.

En raison des commentaires qui ont été faits sur mon déplacement à Bercy, je souhaite rappeler le contexte de ce déplacement et indiquer les principaux enseignements que Philippe Marini, président de la commission des finances du Sénat, et moi-même en avons tirés.

Le 4 décembre 2012, Mediapart fait état de la détention par M. Cahuzac d'un compte en Suisse, à la banque UBS, et du transfert de son contenu à Singapour. Le 11 décembre, Mediapart évoque la société financière Reyl & Cie, titulaire depuis peu d'une licence bancaire en Suisse.

Le 24 janvier 2013, les services de Bercy font une demande d'entraide à l'administration fiscale suisse, sur la base de l'avenant, signé le 27 août 2009, à la convention fiscale qui lie nos deux pays. La réponse de la Suisse parvient au ministère dès le 31 janvier. Cet échange de lettres est couvert par le secret fiscal.

Le 6 février 2013, le Journal du dimanche relate la réponse apportée par la Suisse : Jérôme Cahuzac ne détenait pas de compte UBS pour la période courant à partir du 1er janvier 2006.

Le 3 avril, à la suite des aveux faits la veille par Jérôme Cahuzac, j'adresse une lettre à M. le ministre pour obtenir les courriers échangés entre les administrations fiscales française et suisse – le secret fiscal ne peut pas être opposé au président de la Commission des finances. Le jour même, le ministre me transmet les documents demandés.

Le 5 avril, après les avoir étudiés, je lui adresse un courrier posant trois questions relatives à la période sur laquelle a porté la demande, à la limitation de la demande à la seule banque UBS et à l'absence de demande concernant Singapour – État avec lequel nous avons pourtant également signé une convention fiscale. Le 6 avril, je reçois une réponse du ministre des finances qui, à mon sens, est satisfaisante sur la question de la période – la convention est en vigueur à partir de 2010, mais la Suisse a accepté, à la demande du ministre, de remonter jusqu'à 2006 ; avant cette date, il y a prescription. En revanche, cette réponse laisse pendantes les deux autres questions : le 11 avril, j'écris donc au ministre des finances un troisième courrier, portant sur ces questions restées en suspens, et notamment sur le fait que l'avenant à la convention fiscale a été suivi d'un échange de lettres très important, le 11 février 2010, entre les administrations fiscales française et suisse.

Ce même 11 avril paraît dans Valeurs actuelles un article qui fait état d'une réunion du 7 décembre entre le ministre des finances et le directeur général des finances publiques au cours de laquelle une « mission secrète » en Suisse aurait été décidée pour vérifier les informations de Mediapart.

C'est ce jour-là que je me rends, avec le président de la commission des finances du Sénat, à Bercy : nous y rencontrons M. Bruno Bézard, directeur général des finances publiques, Mme Véronique Bied-Charreton, directrice de la législation fiscale, et M. Alexandre Gardette, chef du service du contrôle fiscal. Nous posons des questions sur la gestion de ce dossier par le ministère depuis le 5 décembre 2012, et sur la façon, plutôt restrictive à nos yeux, dont les questions posées à la Suisse ont été formulées.

Il ressort de ces entretiens que les services du ministère n'ont eu aucun contact avec la Suisse avant la demande du 24 janvier – excepté deux coups de téléphone, l'un du ministre et l'autre du directeur général des finances publiques, pour informer les Suisses de l'imminence d'une demande française. Il en ressort également que le dossier a été géré, à partir du 10 décembre, par les services du ministère sous l'autorité du seul ministre des finances, M. Cahuzac s'étant déporté, qu'il n'y a eu ni « cellule de crise » ni réunion de travail des collaborateurs du ministre sur ce sujet pendant cette période, et qu'il n'y a pas eu d'échange de notes en interne sur la gestion de ce dossier, par exemple en confrontant les interprétations possibles de la convention franco-suisse et de son avenant à la lumière de l'échange de lettres entre les services fiscaux en date du 11 février 2010.

Il en ressort enfin que la procédure normale, valable pour tout contribuable, a été appliquée : un courrier a été adressé à M. Cahuzac le 14 décembre 2012 par la direction régionale des finances publiques, sur instruction de la Direction générale des finances publiques – DGFIP –. M. Cahuzac disposait de trente jours pour y répondre, ce qu'il n'a pas fait. Pendant cette période de trente jours, du 14 décembre au 14 janvier, prévue par le livre des procédures fiscales, aucune relance n'a été faite auprès de lui : c'est à l'expiration de cette période seulement que l'administration pouvait engager de nouvelles démarches, notamment auprès des administrations fiscales d'autres pays.

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