Intervention de François de Mazières

Réunion du 17 avril 2013 à 11h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Mazières :

Rarement un thème aura fait l'objet d'un tel consensus au sein de notre Commission.

Vous en avez fait très clairement le constat, monsieur le président : la notion d'exception culturelle, qui permettait d'ériger une barrière entre la culture, les industries et les lois du marché, a été forgée dans les enceintes de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) puis de l'UNESCO et semblait absolument consacrée.

Néanmoins, ces derniers mois, le commissaire européen chargé du commerce, M. Karel de Gucht, a sacrifié cette sacro-sainte exception culturelle sur l'autel du libre-échange. Aux termes du projet de mandat adopté le 12 mars par la Commission européenne, les services culturels et audiovisuels seraient donc inclus dans les négociations commerciales qui vont s'ouvrir entre l'Union européenne et les États-Unis.

Nous le savons tous : un débat a déjà eu lieu entre 1986 et 1994 dans le cadre de l' « Uruguay Round » et la notion d'exception culturelle a démontré ses vertus : il suffit de constater la diversité dans le domaine de l'audiovisuel en général et du cinéma, en particulier en France, où celui-ci a résisté à la déferlante américaine.

De plus, l'article premier de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l'UNESCO est très clair quant au droit souverain des États de conserver, d'adopter et de mettre en oeuvre les politiques et mesures qu'ils jugent appropriés pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles sur leurs territoires afin, en l'occurrence, de préserver l'Europe de la concurrence excessive des très grands groupes américains, lesquels échappent de surcroît à la fiscalité européenne. Vous avez cité Google, Amazon, Facebook et Apple, mais d'autres encore veulent se précipiter dans la brèche si elle était ouverte.

Il importe également d'éviter un marchandage entre la politique culturelle et d'autres secteurs.

Le groupe UMP soutient donc avec ferveur cette proposition de résolution appelant expressément à exclure les services audiovisuels du mandat de négociation de la Commission. Si cette initiative ne suffit pas à faire entendre la voix de la raison au sein du Conseil européen, nous demandons également au Gouvernement d'user de son droit de veto.

Parce que nous sentons bien que nous sommes isolés – je me suis récemment entretenu avec une responsable de la Commission européenne qui me disait ne pas même comprendre l'attitude française – il est essentiel de connaître la stratégie gouvernementale. Qu'en est-il donc de vos contacts avec les autres pays d'Europe ? Disposera-t-on de leur soutien ou serons-nous complètement isolés ? Quelles actions concrètes mènerez-vous ?

En outre, nous ne savons pas très bien quelles seront les conséquences de cette politique sur de grands secteurs, dont un des plus importants d'entre eux : l'édition. Une menace pèse-t-elle sur le prix unique du livre ? Nous devons nous poser très concrètement cette question afin de faire percevoir au public et à nos partenaires les raisons pour lesquelles nous ne sommes pas des « excités » de l'exception culturelle mais pourquoi nous sommes inquiets d'une évolution qui pourrait être très préjudiciable à nos activités culturelles.

J'ajoute que si la situation semble un peu plus claire s'agissant du cinéma il serait bon, là encore, de connaître les risques précisément encourus. Il en est de même en ce qui concerne ce troisième grand secteur d'activités culturelles qu'est la musique.

Les réponses que vous pourriez obtenir seraient autant d'armes dans le combat que nous devons mener ensemble pour être entendus alors que, je le répète, nous sommes très isolés en Europe.

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