Intervention de Rudy Salles

Réunion du 17 avril 2013 à 11h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRudy Salles :

En cette période de fortes turbulences politiques, ne boudons pas notre plaisir de nous retrouver sur un sujet essentiel, qui ne prête pas à polémique et qui, par là même, rend possible un débat de fond sur ce qui constitue vraiment une affaire d'État.

Rien de polémique, en effet, dans un nymphéa de Monet, une mélodie de Fauré, un oiseau de Braque, un papier découpé de Matisse, un homme qui marche de Giacometti, un bocal de Morandi, ou une composition de Rothko. Cette diversité des créations correspond nécessairement à une diversité des exceptions, laquelle doit être respectée et sauvegardée.

Comme vous, monsieur le président, nous regrettons que la réunion du collège des commissaires du 12 mars dernier n'ait pas aménagé une place spécifique à la protection et à la promotion de la diversité culturelle, notamment – pour reprendre les termes mêmes de la proposition de résolution – en excluant explicitement les services culturels et audiovisuels de son mandat de négociation.

Nous approuvons donc à 100 % cette proposition. Nous l'approuvons et nous sommes stupéfaits de cette décision communautaire qui confond les chiffres et les lettres, si je puis dire, qui prend pour du nationalisme ce qui est en réalité le vecteur de toutes les émancipations et le ciment des identités individuelles et collectives.

Préparant un rapport sur le financement du cinéma européen avec Mme Marietta Karamanli dans le cadre de la Commission des affaires européennes, nous nous sommes rendus à la Direction générale (DG) de la concurrence, à Bruxelles, où nous avons été reçus d'une manière assez extravagante, même pas poliment, l'exception culturelle n'ayant pas lieu d'être pour ces services. Nous avons été éconduits comme d'affreux nationalistes alors que nous venions défendre le cinéma européen ! Oui, nous avons une certaine idée de la culture et ce n'est pas pour autant un nationalisme culturel !

La culture, c'est une dimension intérieure qui apparaît au moment de l'émotion, de l'émerveillement, du saisissement. C'est une rencontre par laquelle chacun se trouve meilleur, plus intelligent, transporté plus haut par une impression, une association d'idées, un arc électrique qui jaillit soudain entre deux champs de la pensée que l'on n'avait pas connectés... C'est le plus beau et le plus insaisissable des objectifs d'une politique culturelle que de permettre ainsi au plus grand nombre de s'élever mais, aussi, de célébrer et de transmettre les valeurs d'une civilisation, d'une nation, en faisant partager le socle commun du patrimoine, les héritages esthétiques, les références visuelles qui font sens et qui ont une utilité sociale dans un monde toujours tenté par la distinction sociale, les marqueurs et les postures de différenciation. C'est bien de cela dont il est question ici !

Voilà pourquoi, il y a un sens à considérer que les créations culturelles ne sont pas des oeuvres comme les autres, y compris du point de vue de l'intérêt général.

Fondamentalement l'Europe s'oublie quand elle oublie la culture et l'industrie culturelle. Car l'Europe n'est pas seulement un négociateur commercial international qui dispose de la taille critique. Non, l'Europe, c'est une culture et une conscience qui sont nées sur les ruines de la pire des barbaries ; c'est une aspiration à l'universel, bien loin de toute « ligne Maginot ».

Une fois ce principe posé, encore convient-il d'en viser la finalité qui est évidemment la protection de la vraie création.

Dans Le cave se rebiffe, Michel Audiard faisait dire à Jean Gabin, à l'adresse d'un jeune faussaire timide : « Jeune homme, il faut croire à son talent, sinon cela laisse trop de place aux médiocres ». Comment faire pour qu'une fleur qui pourrait s'épanouir ne se fane, faute de soutien ? Comment faire pour que le bouton duveteux se métamorphose en flocon de neige et recouvre des domaines aussi variés que l'économie, la culture, le tourisme, la création et le patrimoine ?

Il est vrai que lorsque la convention de l'UNESCO est entrée en vigueur, le 18 mars 2007, la vidéo à la demande, la télévision de rattrapage, les jeux vidéo en ligne, la radio numérique ou la télévision connectée n'existaient pas encore. La musique en ligne, quant à elle, n'avait pas donné toute sa mesure. Enfin, l'audiovisuel, entré depuis dans l'ère du tout numérique, promet aujourd'hui aux oeuvres dématérialisées un rayonnement culturel non seulement local mais aussi international. Il est également vrai que la diffusion des oeuvres par internet peut contribuer au rayonnement culturel des pays ou des continents, et nous n'avons aucune raison de nous en inquiéter, bien au contraire. Faut-il pour autant sombrer dans une sorte de démagogie qui est en fait l'expression d'une psychologie de la résignation et de la soumission, un nouveau fatalisme ?

Il est vrai que les canaux de diffusion de la culture se sont multipliés, et c'est tant mieux, mais faut-il pour autant accepter les abus de position dominante, notamment sur internet ? Pourquoi accepterait-on, par exemple, que les mécanismes de référencement reconstituent sur la toile ce qu'ils produisent dans le monde physique, rejouant l'histoire éternelle du gros qui use de son pouvoir pour empêcher la croissance des petits ?

La fonction de l'État, c'est de protéger la culture quand elle repose sur des passionnés, sur des passeurs, sur le talent de gens qui ont « un oeil » ou une « oreille », sur les responsables de lieux de culture. Il relève donc du devoir moral de la puissance publique de dire non à ceux qui disent non à la culture !

Pour toutes ces raisons, le groupe UDI soutient totalement cette proposition de résolution.

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