Intervention de Bruno Le Roux

Séance en hémicycle du 22 avril 2013 à 17h00
Déclaration du gouvernement sur l'autorisation de la prolongation de l'intervention des forces françaises au mali débat et vote sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Le Roux :

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, ils sont cinq : Damien Boiteux, Harold Vormezeele, Cédric Charenton, Wilfried Pingaud et Alexandre Van Dooren. C'est d'abord à eux que je veux rendre hommage. À eux et à leurs familles, dont nous partageons la douleur, et peut-être aussi la fierté. À eux et à tous leurs compagnons d'armes, français ou alliés, maliens, tchadiens, nigérians, qui se sont mobilisés au Mali, qui se sont battus pour faire face à l'agression terroriste qui menaçait toute l'Afrique de l'Ouest. À eux qui sont engagés dans cette opération pour sauvegarder l'intégrité territoriale d'un pays ami et pour lutter contre le terrorisme.

Cet hommage que je rends, au nom de mon groupe, aux soldats français, marque aussi notre reconnaissance pour la mission exceptionnelle qui a été remplie par nos forces, par les forces maliennes et africaines, sur ce terrain particulièrement difficile.

Le chef des armées l'a dit lui-même, les opérations ont été conduites avec une technicité et une prouesse admirables.

L'accueil qui a été réservé au Président de la République par le peuple malien, à Gao, à Tombouctou, à Bamako, avec ces cris de joies, ces larmes de bonheur d'une population enfin libérée, c'est à toute la France qu'il était adressé. C'est à nos soldats, d'abord, qu'il était destiné.

Aujourd'hui, alors que nous allons voter l'autorisation de la prolongation de l'intervention des forces françaises au Mali, je veux faire deux constatations.

D'abord, cette intervention militaire s'est faite, depuis le premier jour, dans un respect scrupuleux de la transparence démocratique. Le Parlement a été informé en temps réel par le Gouvernement. Les présidents des groupes ont été reçus par le Premier ministre. Les ministres des affaires étrangères et de la défense ont été en contact, chaque semaine, avec la représentation nationale pour répondre à ses interrogations, en commission ou lors des questions au Gouvernement.

Mon groupe, le groupe socialiste, sans attendre les délais fixés par la Constitution et notre débat de ce jour, a accompagné cette exigence de transparence en inscrivant la situation au Mali à l'ordre du jour de la semaine de contrôle parlementaire, le mercredi 27 février 2013.

Je tiens ici à remercier le Gouvernement, qui a permis cette transparence et respecté le Parlement.

Ma deuxième constatation, qui est un nouvel hommage à nos forces combattantes, est essentielle : la feuille de route élaborée par le Président de la République le 11 janvier dernier est remplie.

Dès les premiers jours, l'avancée de groupes terroristes a été arrêtée net. Ces terroristes ont ensuite été refoulés vers le nord, et les grandes villes ont été libérées. L'unité territoriale du Mali est retrouvée, même s'il reste quelques poches difficiles.

Ces victoires militaires se sont faites en concertation avec le Mali et les États africains, Gao et Tombouctou étant reprises avec le concours des forces maliennes. Le Tchad a également participé à ces combats. La MISMA, force africaine, a été constituée et s'est déployée dans les zones reconquises.

Cette évolution positive sur le plan militaire s'accompagne d'avancées sur le plan politique. Les autorités maliennes ont annoncé que des élections se tiendraient à la fin du mois de juillet. Une commission de la réconciliation a été mise en place pour retrouver des compromis permettant de mettre un terme aux antagonismes entre les différentes composantes de la population malienne.

Et cette intervention s'est faite par nos forces, je veux vous le dire, monsieur le ministre de la défense, avec la plus grande maîtrise, et dans le respect absolu des populations civiles.

C'est donc un bilan positif qu'il faut tirer de cette intervention. La France a, une nouvelle fois, démontré sa capacité à intervenir sur un terrain extérieur difficile pour venir au secours d'un peuple qui le demandait et pour se défendre contre les terroristes et contre le terrorisme.

Mais, parce que ces deux enjeux sont tout aussi essentiels, nous devions bien entendu venir en aide au peuple malien et nous devions empêcher que se constitue, à cause de l'effondrement de l'État malien, un « Afghanistan sahélien », un sanctuaire terroriste en Afrique de l'Ouest qui aurait déstabilisé la région tout entière et donc menacé la sécurité de l'Afrique, mais aussi de l'Europe et du monde.

Si cette opération a été une telle réussite, c'est aussi parce que, si nous avons su assumer l'initiative de son déclenchement, nous avons ensuite pu compter sur le soutien des nations européennes et de la communauté internationale.

Je ne citerai pas ici la contribution du Royaume-Uni, de l'Allemagne, du Danemark, de la Belgique, de la Hollande, de l'Espagne, du Canada et des États-Unis avec leurs services de renseignements. Mais c'est, bien entendu, la France qui a conduit cette opération. C'est notre nation qui a fait l'essentiel de l'effort au service de la liberté d'un peuple et de la sécurité de la communauté internationale. Mais nous n'avons pas agi seuls. Cette opération a été réussie parce que, au-delà du seul respect de la légalité internationale, elle était soutenue par la communauté internationale et parce que d'autres États ont participé, chacun à leur manière – trop peu, peut-on penser – à cette intervention.

Mais notre intervention n'est effectivement pas encore terminée. Si le retrait de nos troupes a commencé, comme le Président de la République l'a souhaité, il reste encore du travail à faire pour aider le Mali à se reconstruire et à garder la maîtrise de son territoire. Voilà pourquoi, monsieur le Premier ministre, nous voterons cette autorisation.

La France doit aller au bout de son action, une action qui change de forme. Cela passe par le redéploiement des troupes françaises – il a commencé – qui doit se poursuivre jusqu'en juillet pour atteindre 2 000 hommes, soit la moitié des forces mobilisées. Un millier d'hommes constituera ensuite une force contre-terroriste en appui des Casques bleus, une fois ceux-ci déployés.

Les perspectives sont donc claires. Les engagements pris sont respectés. Le Président de la République l'avait dit, l'opération militaire que nous menons aura un terme. Ce sont les Maliens eux-mêmes qui assureront, avec un soutien international, la sécurité, l'indépendance et la souveraineté de leur pays. C'est ainsi que doivent être conçues les relations entre la France et l'Afrique, dans le respect de la transparence et avec la démocratie.

La France doit rester aux côtés des Maliens, et c'est une autre phase qui s'engage : celle de l'aide au développement et au redressement économique et politique de ce pays. Là encore, monsieur le Premier ministre, j'en suis sûr, la France sera au rendez-vous.

C'est un enjeu essentiel, celui de la reconstruction du Mali. Parce que l'opération militaire aura eu d'autant plus de sens quand les risques d'un retour du terrorisme au Mali seront réduits à néant.

Voilà pourquoi les députés de mon groupe voteront, bien sûr, l'autorisation donnée au Gouvernement de poursuivre l'intervention au Mali. Nous avons pleinement confiance dans l'action conduite par la France. Et nous avons pleinement confiance dans la capacité du Gouvernement à mettre en oeuvre cette politique dans tous ses aspects : diplomatiques, militaires mais aussi celui, essentiel, du développement. Et nous savons que nous ne sommes pas seuls pour agir dans ce domaine.

Avant de conclure mon propos, je veux relever un dernier élément essentiel. Une leçon supplémentaire que je tire de cette intervention au Mali et qui a trait à la place de notre pays en Europe et à l'effort que nous faisons en matière de défense et de sécurité.

Cet effort, c'est pour nous – nous y sommes absolument attachés – une garantie de notre indépendance. C'est un engagement qui nous permet de décider et d'agir de façon autonome. C'est un effort essentiel pour garantir la place de la France et sa singularité dans le concert des nations. C'est aussi un effort qui permet à notre nation de respecter son histoire, de prendre ses responsabilités vis-à-vis du monde.

Car, oui, nous sommes la France. Ce n'est pas n'importe quel pays que le nôtre. Nous avons cette place particulière, ce rôle particulier dans la marche du monde. Être la France nous confère, c'est vrai, une responsabilité et un devoir.

L'opération française au Mali est une nouvelle démonstration de la place de la France dans le monde, de notre capacité à être à la hauteur de la responsabilité qui nous est conférée par notre histoire, par les décisions de nos prédécesseurs, par nos choix d'aujourd'hui.

Au Mali, la France a été là où elle devait être, monsieur le Premier ministre. Le Président de la République l'a dit, mieux encore, il l'a démontré. Il a dit : « Les terroristes doivent savoir que la France sera toujours là lorsqu'il s'agit, non pas de ses intérêts fondamentaux, mais des droits d'une population, celle du Mali, qui veut vivre libre et dans la démocratie. » Aujourd'hui, les terroristes qui avaient projeté de s'emparer de ce pays pour y faire régner leur terreur et pour essaimer partout en Afrique et dans le monde savent que l'engagement de la France a valu pour le Mali et qu'il vaudra demain pour tous les pays qui seront confrontés à ces opérations terroristes.

Rares sont les pays, au sein de l'Union européenne, capables d'assumer, comme la France l'a fait, une opération de cette ampleur dont les conséquences, pourtant, sont positives pour toute l'Europe. L'effort consenti par la France, quel autre État européen aurait pu le faire ?

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